Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

Filtré pour vous : L'actualité politique et intellectuelle

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A quoi va-t-on gamberger à la rentrée ?

Publié le 31 juillet 2012 par

Plus de 300 ouvrages de non fiction prévus de la mi-août à septembre. Revue des tendances d’idées après un semestre sinistré en librairies

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synapse.jpg Un drôle d’effet thermostatique s’est emparé de la production de non fictions en France cette année : alors que les débats publics et les occasions d’analyses et de polémiques se multipliaient durant une très longue campagne présidentielle, leur réception par les livres fut plutôt tiède. Depuis toujours, les années de présidentielle sont redoutées par les éditeurs et les libraires : peu de livres se vendrait, malgré l’intensité des échanges politiques. 2012 n’a pas dérogé à cette légende qui serait encline à fabriquer une règle. Le domaine des idées est flottant et peu mobilisant. Ces derniers jours avant les départs massifs en vacances, seul un essai figure dans le « Top 20 » Ipsos-Livres Hebdo des meilleures ventes : en toute dernière position de la liste, L’Ame du monde, de Frédéric Lenoir (Nil); noyé par un trust de cahiers de vacances, deux romans de Guillaume Musso, un opus du thriller franc-maçon d’Eric Giacometti et Jacques Ravenne, deux polars de Arnaldur Indridason et Camille Läckberg, et en number one, Marc Levy.

Bien en dessous de ses tirages, dans la catégorie dite des essais, très peu d’intellectuels pur sucre. On se passionne pour le document Le monarque, son fils, son fief de Marie-Célie Guillaume (Ed. du Moment), suivi du Lenoir, de l’enquête sur les Strauss-Kahn, de Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin (Albin Michel), du témoignage cash A feu et à sang, de Roselyne Bachelot (Flammarion). Seule, l’anthropologue Françoise Héritier pour son petit ouvrage autobiographique, Le Sel de la vie, tient son rang en 23e semaine.

L’édition se relancera t-elle à la rentrée qui débute fin août ? Quels sont les thèmes et les idées qui vont chercher à se faufiler, voire s’imposer dans les médias et les esprits?

Politique. La diète des idées

Peu de livres de sciences politiques croustillent à nos oreilles. Une cure s’est comme imposé, même s’il reste quelques os à moëlle à ronger.

Car la gauche à peine mise en selle inquiète déjà des intellectuels. Le politiste Philippe Corcuff se demande même si La Gauche est en état de mort cérébrale ? (Textuel, octobre). Entre temps, l’universitaire à bérêt de l’IEP-Lyon aura proposé une intéressante relecture, Marx XXIe siècle (Textuel, 22 août). L’économiste Yann Moulier Boutang, lui, publie son Liberté Egalité Blabla (Autrement, 19 septembre), ou comment la République s’illusionnerait avec ses faux mythes et postiches d’impuissance politique. Pour Michel Rocard et Pierre Larrouturou, La France n’a plus le droit à l’erreur (Flammarion, août) et le duo donne du grain à moudre alternatif aux débats sur le pays et l’Europe en crise. Au coeur du PS, _ Jean-Christophe Cambadélis en appelle désormais à l’ambition de La troisième gauche (Editions du Moment, septembre), dépassant la dialectique gauche de contestation et gauche de pouvoir. Le député divers gauche René Dosière se rappellera au bon souvenir de la gauche de gouvernement avec L’Etat au régime : gaspiller moins pour dépenser mieux (Seuil, août).

L’écologie politique, mise à mal en France lors de la présidentielle, tente une incursion intellectuelle. L’âge de l’homme, de Christian Schwagerl (traduit de l’allemand par Nicolas Vergnaud, Alternatives, septembre), est un manifeste qui appelle à prendre en compte l’anthropocène. Le journaliste scientifique Vincent Tardieu se réjouit, lui, d’un monde agricole en pleine mutation avec son enquête tour de France, Vivre l’agro-révolution française ! (Belin, septembre). Jean-Marc Governatori, lui, aussi a le vert positif avec un opuscule convaincu à 3,50 euros : Libérons l’avenir ! 10 solutions pour sortir de l’impasse (Eyrolles, septembre). Sabine Rabourdin analyse l’émergence d’une nouvelle relation homme-nature (Replanter les consciences, Y.Michel, septembre) et Henry Augier propose des arguments pour Construire un monde équitable pour demain (Sang de la terre, septembre).

Front de gauche ? Quel avenir (Editions de l’Atelier) se demande pour sa part Claude Laurent. Quant à la maison d’édition Le Temps des cerises, au cas où cela donnerait quelque idée, il propose un texte d’Aragon, L’Homme communiste , préfacé par Marie-Thérèse Eychart (13 septembre). Marx à tout lire, toujours et encore : une courte et brillante biographie (Karl Marx : sa vie, son oeuvre, de Ferdinand Tönnies, Puf, septembre), deux relectures contemporaines tout azimuts (Pouvoir et crise du capital : Marx, penseur du XXIe siècle, sous la direction de Jean-Marie Harribey et Matthieu Montalban, Les éditions Au bord de l’eau, septembre; Aliénation et émancipation, urgence du communisme, de Lucien Sève, La Dispute, septembre) et finalement, une résolution : Marx quand même, du philosophe Henri Pena-Ruiz (Plon, septembre).

Se profile également un livre de mélanges et d’admiration autour d’une figure emblématique de l’extrême gauche intellectuelle disparue en 2010, Daniel Bensaïd, l’intempestif (La Découverte, 23 août). Plus actuel, le sociologue bourdieusien Franck Poupeau tente d’analyser le rejet de « la politique traditionnelle » chez les militants anticapitalistes (Les mésaventures de la critique, Raisons d’agir éditions, septembre).

A droite également, un peu de caféine pour les débats. Un « visiteur du soir »de l’ex-président, Alain Minc, publie ce qu’il croit de L’âme des nations (Grasset, septembre) en général et celle de la France en particulier. Le philosophe Alain Laurent et le juriste Vincent Valentin, eux, présentent et promettent une anthologie d’envergure sur Les penseurs libéraux (Les Belles Lettres, 22 août).

Géopolitique. Obama et les hivers arabes

Deux axes structurent les livraisons de la rentrée : la présidentielle de Barack Obama et les retombées des printemps arabes.

Pour le premier sujet, il est recommandé de faire un détour en septembre par une Histoire religieuse des Etats-Unis, de Lauric Henneton (Flammarion, septembre). Histoire de comprendre l’imprégnation des dissidents religieux du XIXe siècle apportée à la politique, la morale, l’enseignement et la vie intime américaines. Une douzaine d’ouvrages sont annoncés sur le président Barack Obama. Livres de journalistes pour l’essentiel, dont un recueil de chroniques de Corinne Lesnes, la correspondante du Monde, titré Barack Obama et l’Amérique (Philippe Rey éditions, en août). Un éditorialiste de la Côte Est décortique également la stature présidentielle. Dépiauter serait un terme mieux ajusté pour ce qui concerne John R. MacArthur, directeur libéral de Harper’s et qui veut faire tomber au papier de verre stylistique L’illusion Obama (Les Arènes, septembre). Plus policé, le politogue André Kaspi détaille le bilan du président, Barack Obama, lesté d’un titre-tombeau la grande désillusion (Plon, en septembre). Quant au journaliste Ron Suskind, il a préféré enquêter sur Les hommes de l’ombre (Saint-Simon, en septembre), ceux qui influencent dans les couloirs de la Maison-Blanche.

On ignore si l’orgie de livres sur la présidentielle américaine va affoler les opinions françaises, pas plus d’ailleurs que les focus sur les printemps exfoliés, déçus ou ambigüs du monde arabe. Passé inaperçu dans les premiers jours de juin, l’essai Révolution démocratique dans le monde arabe : va être rejoint par toute une kyrielle d’analyses sur la question.

Hormis ces deux grands thèmes, le continent géopolitique a le droit à ses drônes d’observation sur l’Afghanistan, la Lybie, la Syrie et le desert. A signaler également une impressionnante et inédite fresque africaine signée du journaliste et écrivain David van Reybrouck, Congo, une histoire (traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin, Actes Sud, septembre) qui s’est déjà vendu à 250 000 exemplaires dans sa langue d’originale.

Economie&Social. Les solutions et les remèdes de cheval contre la crise

La Chine constitue une transition toute trouvée avec la géopolitique. Cette rentrée, son modèle économique insolent et autoritaire aiguise toujours plus les inquiétudes mais également la curiosité. Ainsi, L’Asie et le futur du monde, d’Yves Tiberghien (Presses de sciences-po, août); China innovation inc., sous la direction de Romain Bironneau (Presses de Science Po, septembre); La voie chinoise : capitalisme et empire, étude de Michel Aglietta et Bao Guai (Le Rocher, septembre).Le modèle managérial chinois inquiète ou déroute : le document Made in China : vivre avec les ouvrières chinoises de Yi Pan (Editions de l’Aube, septembre), immersion de 8 mois dans le quotidien des ouvrières d’une usine d’électronique au coeur du Shenzen, devrait être édifiant.
Un chercheur, Jean-François Huchet, est pondéré face à cette hyperpuissance en devenir : Chine, une économie fragile (CNRS éditions, août).Un journaliste chinois, Ruolin Zheng, veut même nous en persuader : Les Chinois sont des hommes comme les autres (Denoël, septembre).

La crise économique est le gros morceau éditorial de la rentrée. On façonne des panoramas pour mieux comprendre la situation mais sans avoir forcément la même vision : La Cassure : l’état du monde 2013, sous la direction de Bertrand Badie et Dominique Vidal (La Découverte, septembre), L’Economie mondiale 2013, sous la direction d’Agnès Bénassy-Quéré et Agnès Chevallier (CEPII-La Découverte, septembre).

D’autres auteurs préfèrent les étincelles de l’analyse vigoureuse. Pour en finir dès à présent avec la crise ! du prix Nobel d’économie Paul R. Krugman (Flammarion, septembre) réclame une stratégie super-keynésienne avec l’acceptation de 4% d’inflation, l’abandon de l’austérité ou encore la taxation des hauts revenus. Un autre Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, démontre Le prix des inégalités (Les Liens qui Libèrent, septembre). Débat prolongé par François Bourguignon dans La mondialisation de l’inégalité (La République des idées, septembre).

D’autres encore préfèrent les séquences d’optimisme : Michel Godet, Philippe Ratte et Alain Lebaude, tout bien pesé, estiment qu’il y à tirer de Bonnes nouvelles de la France d’en bas (Odile Jacob, septembre). Les auteurs décortiquent ainsi une vingtaine de réussites françaises dans la mouise ambiante. Autre approche tonique : Les nouvelles économies locales (Actes Sud, septembre), tels qu’expérimentées par des entrepreneurs américains indépendants, enseigne Raphaël Souchier, pourraient bien permettre de réactiver par l’économie et l’emploi, des territoires jugés perdus.

Les riches continuent d’être un objet de curiosité sociale surtaxée. Les désormais célébrissimes sociologues des riches, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, livrent leur analyse dans un livre d’entretiens, L’argent sans foi ni loi (Textuel, août)

Mais Richard Branson répond au couple de sociologues bourdivins : les riches sont des hommes comme les autres et Le business sera humaniste ou ne sera pas (La Martinière, septembre). La journaliste Martine Orange a enquêté sur une famille symbolique : Rotschild, une banque au pouvoir (Albin Michel, septembre).Mais c’est une toute autre banque qui s’attire les foudres d’investigation de deux ouvrages : Le scandale Dexia : 500 milliards aux frais du contribuable d’Alain Pifiretti (Nouveau Monde editions, septembre) se disputera la pertinence d’analyse avec Dexia : vie et mort d’un monstre bancaire signé Pierre-Henri Thomas (Les Petits matins, septembre). Eric Benhamou, lui, pince un univers très controversé et considéré comme a-démocratique : Le coup d’état des agences de notation (Le Cherche-Midi, septembre).

Contrecoup de la crise, l’avenir des protections sociales. Inquiétudes et analyses font l’objet de deux livres techniquement et politiquement intéressants : L’enjeu de la cotisation sociale, de Christine Jaske (Editions du Croquant, septembre) et Vive la protection sociale, de Bertrand Fragonard (Odile Jacob, septembre). Signe de crise numéro 2 : les seniors sont avec les jeunes les principaux chômeurs de la période. Le spécialiste des travailleurs âgés, Jean-Olivier Hairault, réfléchit et propose diverses mesures pour inciter à l’emploi et à la pénalisation des sociétés discriminantes (Pour l’emploi des seniors : assurance chômage et licenciements, Rue d’Ulm, septembre).

Pour la directrice de recherches au CNRS, Béatrice Hibou, le libéralisme moderne entretient et produit même une nouvelle bureaucratie dont on n’a pas encore très bien mesuré les effets et la tyrannie : L’inflation bureaucratique constitue même un « art néolibéral de gouverner » (La Découverte, 13 septembre).
Reste que la violence de la crise est similaire à celle de la guerre, prétend le journaliste Frédéric Charpier dans L’Economie c’est la guerre ! (Fayard, septembre) qui dresse le florilège des coups fourrés et des mauvais coups industriels entre Etats. Stéphane Marchand, chez le même éditeur, ne dit pas mieux : l’avenir tient dans notre matière grise. Le défi mondial de l’intelligence : les nouveaux réseaux du savoir (septembre) a déjà commencé.

Toutes ces guerres de mouvements et cette bataille des idées font et dénoueront l’histoire humaine. René Passet, professeur émérite à Paris1 Panthéon-Sorbonne et compagnon de route d’Edgar Morin, propose pour sa part un magistral et réjouissant panorama avec Les grandes représentations du monde et de l’économie à travers l’histoire (Actes Sud, septembre). L’auteur aura sorti en août, son essai sur La bioéconomie de la dernière chance (Les Liens qui Libèrent) : il est urgent de réintégrer l’économie dans la biosphère. Le plus dépressif de la rentrée : Pour Daniel Cohen, la quête du bonheur dans la folie compétitive mondialisée relève du challenge personnel car Homo economicus : un animal triste (Albin Michel, septembre).

Société&anthropologie. Une encyclopédie collaborative de Bruno Latour, l’ouverture des portes par Pascal Dibie, un dialogue entre un rappeur et un chercheur en géopolitique

Si le très attendu récit sociologique de Jean-Pierre le Goff, immersion dans un village du Sud-Est de la France à l’heure de la mondialisation et de la crise, devrait être reporté au début de l’année prochaine, pour cette rentrée d’automne, un autre projet ambitieux d’anthropologie est signé Bruno Latour. Enquête sur les modes d’existence (La Découverte, le 20 septembre) est une « encyclopédie raisonnée » et une « tentative d’anthropologie des modernes« . Comment faire tenir toute la planète dans un livre en évitant de comparer les sociétés en fonction de leur plus ou moins grand degré de modernisation ? Le philosophe aurait mis au point un « dispositif d’enquête pour repérer les valeurs multiples et contradictoires auxquelles tiennent ceux qui se disent modernes » et suggère que l’on accepte plusieurs « régimes de vérité, plusieurs modes d’existence, plusieurs types de raison ». Suivant cette nouvelle règle du jeu, Latour revisite les domaines de notre vie collective : les sciences et les techniques, le droit, les religions, l’économie et la politique. L’originalité du projet, dont le livre est un tout premier « rapport d’enquête » sera l’apport d’un site internet ouvert aux lecteurs, de façon à ce qu’ils deviennent coproducteurs du projet latourien dans sa version finale.

Pascal Dibie nous régale avec son Ethnologie de la porte (Métailié, 30 août). Elles sont ouvertes, elles sont fermées, elles donnent un sens aux vies intimes et aux sociétés, elles se font tour à tour seuils, obstacles ou passages. le chercheur et très bon écrivain entr’ouvre l’universel, que l’on piétine devant des serrures dogons, des tabous d’entrée océaniens, des entrées de papier nippones, des igloos et des tipis, ou bien encore face aux ouvertures chinoises orientées par l’influence céleste.

« L’opinion est convaincue que l’interdit protège, il n’en est rien« . Drogues, sortir de l’impasse de la sociologue pionnière des politiques de réduction des risques pour les usagers des drogues, Anne Coppel et du journaliste Olivier Doubre constitue un essai sur les expérimentations à l’oeuvre, pour rompre avec le tout prohibitif(La Découverte, septembre en principe).

Le genre et le féminisme fournissent la matière à réflexion de nombreux livres. Le genre du sexe, d’Anne Fausto-Sterling, à la fois biologiste et historienne, explore la politique et la construction de la sexualité (traduit de l’américain par Françoise Bouillot et Oristelle Bonis, La Découverte, 27 septembre). De la philosophe américaine, et figure de la Théorie critique Nancy Fraser, le même éditeur propose un recueil de textes conçus entre 1984 et 2010. Une vision en coupe des préoccupations féministes de cette intellectuelle sur une période de près de 30 ans : Les mouvements du féminisme (traduit de l’américain par Estelle Ferrarese, 13 septembre). Les sociologues Coline Cardi et Geneviève Pruvost, elles, dirigent une somme ambitieuse et assez novatrice, consacrée aux figures brutales de femmes (Penser la violence des femmes, La Découverte, 23 août).

Banlieues françaises, intégration, islam et islamisme… L’une des curiosités de septembre est un livre d’entretiens entre le rappeur Médine et le chercheur en géopolitique Pascal Boniface (Don’t panik, Desclée de Brouwer). Dépaysement conceptuel garanti : l’anthropologue Roberte Hamayon, spécialiste des univers mongol et bouriate, convoque cette fois L’esprit du jeu (La Découverte, 30 août). Une réflexion universelle, que fait-on quand on joue ?, qui démarre de l’observation des « jeux » rituels des peuples de Mongolie.

D’autres voyageront dans le temps. Maître de conférences en histoire contemporaine, Sylvain Venayre brosse un Panorama du voyage tel que pratiqué entre la fin du XVIIIe siècle et les années 1920 (Les Belles Lettres, 14 septembre).

Histoire. Le salaire d’Hitler, la figure oubliée de Themistocle

Pierre-Emmanuel Dauzat a traduit Le salaire de la destruction (Les Belles Lettres, 21 septembre) du professeur d’Histoire contemporaine Adam Tooze. L’ouvrage novateur, déjà traduit en plusieurs langues, décortique l’histoire économique du IIIe Reich, détruit la légende durable de son efficacité et souligne la ruine de l’économie nazie totalement contre-performante, pratiquant spoliations et esclavagisme ainsi que le fanatisme d’une société toute entière pour s’en sortir.
Denis Avey, dans un témoignage historique recueilli par un journaliste de la BBC, Rob Broomby, rappelle qu’il fut L’homme qui s’est infiltré à Auschwitz (traduit de l’anglais par Marie Boudewyn, JC Lattès, septembre). Ce soldat britannique s’est clandestinement introduit dans le camp de concentration de Buna-Monowitz (Auschwitz III) à l’été 1944, y passant la nuit à deux reprises, observant l’horreur des camps.
De son côté, Gilbert Achcar étudie, lui, la réception par le monde arabe de la nouvelle de la capture du criminel de guerre Eichmann par les agents israéliens du Mossad en Argentine, et son procès à Jérusalem. L’auteur s’appuie notamment sur l’étude du quotidien égyptien proche de Nasser, Al-Ahram (Eichmann au Caire, Actes Sud, septembre).

Les éditions de La Découverte (Paris) et les éditions Barzakh (Alger) ont conjugué la publication d’une Histoire de l’Algérie à la période coloniale 1830-1962 (30 août). Les chercheurs Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault dirigent cette somme de travaux historiques les plus pointus et les mieux partagés de cette longue période.

Vincent Crapanzano, enseignant en anthropologie et la littérature comparée à la City University of New-York, consacre une importante enquête sur Les Harkis portant sur plusieurs générations. Il décrit l’emmurement lent des parents dans le silence, l’exclusion et la honte, et les blessures psychiques de leurs enfants (Traduit de l’anglais par Johan-Frederik Hel Guedj, Gallimard, 27 septembre).

La figure de Thémistocle (525-460 avant JC) est exhumée par Jean Haillet. La création du Port du Pirée, la flotte invincible d’Athènes, la victoire sur le Grand Roi de Perse à Salamine, c’est lui. ( La Véritable histoire de Thémistocle, Les Belles Lettres, 21 septembre).

Quant au professeur émérite de l’Université Paris-Ouest, Henri Suhamy, il fait revivre L’Angleterre Elisabéthaine (Les Belles Lettres, 21 septembre), fondement du futur empire britannique.

Philosophie. Procrastination, hyper-choix, déchirure et tyrannie de l’évaluation

Pour terminer ses vacances, le professeur de philosophie Dominique Janicaud ressert Les bonheurs de Sophie, soit une initiation à la philosophie en 30 mini-leçons. Le livre avait connu un beau succès en 2003 (Encre marine, 22 août). Le même éditeur réédite également un court texte du philosophe grec, récemment disparu, Kostas Axelos : En quête de l’impensé (22 août).

Les éditions Autrement lancent une nouvelle collection « Les grands mots » dirigée par Alexandre Lacroix. Deux maitres mots et des textes courts pour baliser l’état d’esprit : La beauté, par Frédéric Schiffter et La Procrastination, un plaidoyer de l’atermoiement ou plus exactement de « la procrastination structurée » signé John Perry (sortie : 12 septembre). Pour Renata Saleci, nous serions plutôt les victimes de La tyrannie du choix (traduit de l’anglais par Sylvie Taussig, Albin Michel, septembre).

Le philosophe Axel Honneth se confronte à Un monde de déchirements (traduit de l’allemand par Pierre Rusch et Olivier Voirol, La Découverte, 20 septembre). La Théorie critique de l’école de Francfort, à laquelle s’apparente l’auteur de La Société du mépris, privilégie cette articulation entre déchirement et émancipation des sociétés.

Barbara Cassin, elle, s’en prend à un autre fléau contemporain: Derrière les grilles d’évaluation (Mille et une nuits, septembre), ou comment les méthodes de sélection et de calculabilité de l’humain asphyxient avec une fausse scientificité tous les domaines de la vie sociale.

Education. L’école qui fait kiffer les enfants et celle qui fait flipper les parents

Août et septembre apportent rituellement sa cargaison ras bord de littérature scolaire. La plupart du temps, les essais se bousculent pour estimer que l’école, de la maternelle aux universités,constitue une effroyable catastrophe aux stigmates incurables . Original dans ce contexte : Ces écoles qui rendent les enfants heureux (Actes Sud, septembre). Antonella Verdiani,ancienne chargée des questions d’éducation à l’Unesco, s’est attachée à recenser dans le monde entier, les initiatives éducatrices novatrices, alternatives et réussies. Sinon, d’autres ouvrages renvoient aux violences du système éducatif, réels ou supposés. Deux titres symboles à cet égard : Collège Brutal de la professeure Mara Goyet (Flammarion, septembre) et Jamais dans ce lycée, de la journaliste Gaëlle Gernalec-Levy (François-Bourin Editeur, août) radiographie la mauvaise réputation d’un établissement qui masque de réelles réussites.

Religions. La charia, le halal business, l’Eglise en perdition

L’islamisme génère encore de nombreux livres de débats et de savoirs. La charia, interprétation du Coran ou imposture? se demande Antoine Sfeir dans un ouvrage analytique, à la lumière des révolutions arabes (André Versaille Editeur, septembre). Michel Turin consacre une enquête au business du halal, un monde flou, hautement mercantil et encore très peu régulé derrière la justification religieuse : Halalucinant ! (Calmann-Lévy, septembre). A l’inverse, un ouvrage collectif Féminismes islamiques veut montrer et convaincre du trésor de renouveau offert par le féminisme musulman (La Fabrique, septembre).

Un théologien de haut niveau, Hans Küng, expert au Concile de Vatican II, ne voit pas ce qui pourrait sauver son Eglise de différents menaces et effets pervers : tendance conservatrice, culte du secret, peu aimable au dialogue entre autres… Bref, Peut-on encore sauver l’Eglise ? (Seuil, septembre).

Biographies. d’Arthur Koestler à Tarzan

Le journaliste et philosophe Arthur Koestler se trouvait en prison en 1937 pendant la guerre d’Espagne. Il jura, s’il en sortait vivant, d’écrire « une autobiographie sincère » : ce fut chose faite avec La Corde raide, récit passionnant de sa Budapest des années 1900 à son combat anti-stalinien. Le texte personnel de l’auteur des Somnambules n’avait pas été réédité depuis 1953 (Les Belles Lettres, 21 septembre).

Le philosophe Robert Mishrahi, spécialiste de Spinoza, auteur de La Jouissance d’être, a relevé le défi d’une autobiographie philosophique et d’une biographie incarnée de l’idée de bonheur (La nacre et le rocher, Encre Marine, 22 août). Moins délicat mais tout aussi inattendu : Claude Aziza dédie une petite biographie culturelle au célèbre homme des lianes mais si mal connu héros des livres d’Edgar Rice Burroughs, Toi Tarzan, moi fan (Klincksieck, 14 septembre).
Erdmut Wizisla, directeur à la fois des Archives Bertolt Brecht et des Archives Walter Benjamin, propose une Histoire d’une amitié (traduction de l’allemand par Philippe Ivernel, Klincksieck, 21 septembre) : un éclairage intéressant de leurs relations très mal connues, de leurs échanges idéologiques et de leur projet commun dans l’Allemagne de l’entre-deux guerres.

Enfin, boucle bouclée, un biographe a le droit à son propre miroir, Jean Lacouture : la biographie du biographe, signé Ahmed Youssef (Bayard, septembre).

Arts&Culture. Les politiques culturelles, les théories du théâtre de Brecht et le style tardif

Le directeur de recherches au CNRS Guy Saez et le directeur de l’Observatoire des politiques culturelles Jean-Pierre Saez ont dirigé un ouvrage qui s’interroge sur Les nouveaux enjeux des politiques culturelles (La Découverte, 30 août). Des contributions et des amorces de débats défrichent ainsi les thèmes de l’intégration de la dimension culturelle dans les projets urbains, les dynamiques territoriales et l’européinasation, ou celui encore plus crucial de la régulation face aux nouveaux modèles économiques et technologiques.

Dans la veine germanistique, Marielle Silhouette, professeur en Etudes théâtrales, et Jean-Marie Valentin, membre de l’IUF, dirigent un ouvrage collectif sur Bertolt Bretch, la théorie dramatique (21 septembre, Klincksieck).

La promesse d’ un ultime chef d’oeuvre d’Edward W. Saïd et un concept stimulant : Du style tardif (Traduit de l’américain par Michelle Viviane, Actes Sud, septembre) examine les oeuvres produites à l’extrême fin de leur vie par des artistes aussi divers que Richard Strauss, Jean Genet, Lampedusa, Visconti, Glenn Gould ou Beethoven. Cette « dernière période » d’un artiste constitue t-elle une somme des pentimento, ou plutôt l’approfondissement de leur passion ? Le tout dernier texte d’un intellectuel frappé par une leucémie.

Disputes&Polémiques. Feu sur les Français égoïstes, le Bauhaus, FaceBook, l’herboristerie, le multiculturalisme et le féminisme

Sophie Pedder, chef du bureau parisien et correspondante économique du libéral et influent The Economist fustige un déni de réalité français car Les derniers enfants gâtés de l’Europe : les Français (JC Lattès, septembre) ne cesseraient de repousser les mesures économiques les plus importantes afin de remédier à l’état de crise endémique. La France n’a encore rien vu du pire.

J’aime pas Facebook affirme crânement un groupe de recherche italien dénommé Ippolita et qui dénonce le flicage numérique exercé par cette firme (Payot, septembre). Ce qui devrait entrer en résonance avec T’es sur Facebook ? peut-on ne pas avoir d’amis ?, d’Anne Dalsuet (Flammarion, septembre), réflexions sur la solitude contemporaine. Georges Lewi devrait apporter un peu de piment avec son concept sur les usagers qu’il surnomme Les nouveaux Bovary : génération Facebook ou l’illusion de changer le monde (Pearson, août).

Les Belles Lettres rééditent un texte acéré, datant de 1980, du journaliste écrivain Tom Wolfe, intitulé Il court, il court le Bauhaus, sous-titré Essai sur la colonisation de l’achitecture (14 septembre). Ce grand chroniqueur de la contre-culture des années 1960 s’en prend à ce « style international » qui rend nos espaces quotidiens parfaitement incolores.

L’herboristerie, une fumisterie ? Pas du tout selon Thierry Thevenin qui propose son Plaidoyer pour l’herboristerie (Actes Sud, septembre). Les soins par les plantes sont en train de faire l’objet de plusieurs réglementations au niveau européen.

Pourquoi la France n’est pas fière de son histoire (JC Lattès, septembre) cherche à convaincre l’historien Dimitri Casali. L’ex collaborateur de Jean Tulard et par ailleurs concepteur d’une méthode pédagogique, Historock, s’en prend notamment au multiculturalisme ambiant qui « veut faire des élèves des « citoyens du monde » avant d’en faire des citoyens aimant leur pays. » Thèse diamétralement opposée, avec Nous sommes les indigènes de la république, Sadri Khiari et Houria Bouteldja promeuvent « une racialisation du débat public et de la vie politique » (Amsterdam, septembre).

Libérez le féminisme ! (L’Editeur, septembre) s’exclame Morgane Merteuil, prostituée et secrétaire du Strass (Syndicat du travail sexuel). L’auteure va t-en guerre contre les mouvements Les Chiennes de garde ou encore Ni putes ni soumises qui selon elle, nuisent à la cause des femmes.

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