Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Albin Michel #Les Nuits de Karachi #Maha Khan Philllips

Burqa, paillettes et p’tites pépées

Publié le 14 avril 2012 par

320 pages d’ironie sur le Pakistan, et l’image qu’en ont les Occidentaux, faut le faire ! Maha Khan Phillips l’a fait, dans un premier roman savoureux

postec.jpgSaint-Tropez, c’est daté ; Ibiza, c’est surfait ; Moscou, c’est bien trop froid. A croire que, pour les soirées branchées, ne reste plus, comme spot valable, que Karachi. Absolument. Au Pakistan, le bon copain de l’Inde, là où les filles sont voilées. Ou pas. Car on s’y éclate dans la haute, et on sait faire la fête. D’ailleurs, c’est bien simple, dans le coin, le pavot pousse comme du chiendent, et si le malt à whisky n’est pas une spécialité locale, on se fait une raison et on l’importe.

Les nuits de Karachi, premier roman de Maha Khan Phillips, spécialiste de l’analyse des conflits internationaux et journaliste économique et financier à Londres, est une satire bien fichue, où chacun –les méchants Pakistanais, les gentils Occidentaux (et inversement), les médias, le public friand d’histoires particulièrement affreuses et aussi mal écrites, la jeunesse insouciante, les religieux obscurantistes- en prend pour son grade. Et même au-delà. C’est un texte inattendu, qui mêle narration conventionnelle, échange de mails, coupures de presse, et extraits de roman… et qui aurait sans doute fait hurler les mieux-pensants si il avait été écrit par un homme. Mais c’est là un autre débat.

«  Avec leurs couvertures représentant des femmes en burqa (…), ces livres font le bonheur des Occidentaux qui se jettent dessus avec délectation.  »

Amynah Farooqui, jeune fille de bonne famille (si l’on excepte les relations extra-conjugales de ses parents), diplômée d’Oxford, tient une chronique des soirées branchées de Karachi dans un journal people. Elle boit, fume, se drogue, couche à droite, à gauche et même ailleurs, a pour ami le producteur de la nouvelle émission de télé-réalité à la mode : Qui veut devenir terroriste ? Et elle travaille, aussi, depuis des années, à un roman, sur le modèle qui plaît tant de l’autre côté de l’axe du mal : «  Avec leurs couvertures représentant des femmes en burqa au regard de braise tourmenté, l’air vulnérable et opprimé, ces livres font le bonheur des Occidentaux qui se jettent dessus avec délectation.  »

Tout va pour le mieux pour Amynah, donc. Et tout continuerait d’aller de la sorte si Mumtaz, l’amie d’enfance ne l’avait convaincue, ainsi que Henna, la troisième de la bande, de se lancer dans un projet documentaire sur les violences faites aux femmes. Aussitôt dit… Et ce d’autant plus facilement que sur les terres du père d’Henna (merci le système féodal pakistanais), vit Nilofer, jeune femme brutalisée par son mari.

Et puis ça tombe bien, CNN vient de lancer une série, « Visages de l’islam ». En somme, y a pu qu’à. Et c’est là que le bouquin devient réellement savoureux, lorsque les personnalités se révèlent, lorsque l’ambition et le mépris de l’autre prennent le pas sur les grands sentiments : «  N’oublie pas que dans la série Visages de l’islam, on a face à nous un documentaire sur les brûlures à l’acide de femmes écrivains au Soudan, un film sur la pédophilie dans les madrasas, et un autre sur des Saoudiennes plongées dans le coma qui sont violées par des médecins. On doit frapper fort.  »

Peu importe, finalement, que les images manipulent et soient manipulées, peu importe que le décor soit reconstitué en studio, peu importe que l’histoire de Nilofer soit légèrement réécrite, peu importe que la vérité soit à géométrie variable. Peu importe, n’est-ce pas ?, quand on fait ce que l’on fait pour les meilleures raisons du monde. Ou qu’on s’efforce de le croire. On apprend une chose essentielle dans Les nuits de Karachi : qu’il y a de parfaits salauds au Pakistan mais, tout bien pesé, ni plus ni moins qu’ailleurs. Moralité, une seule conclusion s’impose : mieux vaut être jeune, riche, libre et beau, que vieux, pauvre, soumis et moche. Au Pakistan, comme ailleurs.

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