Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

Filtré pour vous : L'actualité politique et intellectuelle

#Fayard #Henry Chapier

Henry Chapier, le divin du divan

Publié le 6 avril 2012 par

Après lecture de son livre de mémoires, on peut affirmer qu’il n’est pas si simple, contrairement à ce qu’affirme Lacan, de démasquer Chapier

chapier.jpg La psychanalyse étant ce qu’elle est devenue — cette petite chose agressée dans les livres et à l’Assemblée nationale par des acariens acariâtres tout entiers pétris dans leur haine farouche de non diplômés ; des gens inconscients qui supposent la psychanalyse «  pseudo science  » bourgeoise née d’un charlatan viennois sans pour autant avoir lu Lacan, reconnaissent-ils — on ne peut guère qu’avoir une franche sympathie pour Henry Chapier qui la popularisa pendant sept ans, le temps que le miroir se brise sur notre petit écran. Les malheurs viendraient après.

Dans notre souvenir presque d’enfant, «  Le Divan  » passait le dimanche sur France 3, après le journal du soir, presque dans la nuit, et avant le «  Ciné-Club  » où la voix erratique de Patrick Brion nous enveloppait de son bafouillis précis. Mais peut-être était-ce le samedi. Légèrement angoissante et concrète, frappée d’un sérieux que la télé ne sait plus s’autoriser, la musique du générique était signée Vangelis, nous semble-t-il. Un ami de longue date d’Henry Chapier qu’il avait rencontré des années plus tôt en allant lui demander au culot de composer la bande-son de son premier long métrage, «  Sex Power  » car son avenir est dans la musique de film. Bien vu. Ce à quoi le musicien grec qui se produisait alors avec Demis Roussos dans le groupe Aphrodite’s Child, répondit : «  Quand vous aurez loué le studio, je viendrai avec mon mellotron, mon luth et mes cymbales. Il me faudra une harpe et un guitariste. J’improvise en direct, au vu des images  ».

« Ma position derrière l’invité allongé et plongé dans le noir prenait le caractère d’une séance dont personne ne sortait indemne »

Le dispositif était simple : un divan jaune citron que Chapier avait aperçu boulevard Saint-Germain dans la vitrine de Poltrano Frau… Au fond du décor, trois images traitées de façon warholienne : le jeune Freud, Marylin, la Joconde… Une Trinité signifiante : psychanalyse, star, énigme… En retrait de son invité, sur un fauteuil rouge, dans la position classique de l’analysant, Henry Chapier. «  Je ne me suis jamais pris, lors de ce rendez-vous hebdomadaire, pour le Docteur Freud de l’audiovisuel  », écrit-il dans «  Version originale  », son livre de mémoires. «  Mais ma position derrière l’invité allongé et plongé dans le noir prenait le caractère d’une séance dont personne ne sortait indemne, à commencer par moi-même qui pose des questions alors que je devrais écouter et me taire. Quant aux invités, décidés à mêler quelques bribes de vérité à des fausses confidences, ils se trahissent le plus souvent malgré eux  ». C’est ici qu’on peut mesurer la dérive de la télévision française.

Celle qui remplacera Henry Chapier, c’est Mireille Dumas avec «  Bas les masques  » sur France 2 (puis «  Vie privée, vie publique  » sur la même chaîne) : soit la figure de la psychologue contre la figure du psychanalyste, une tout autre histoire, une histoire diminuée. Car l’histoire de la télévision est toujours la même histoire : celle d’une perte progressive de sérieux. Le médium se déplace : il était à son origine du côté de l’éducation, du savoir ; il va vers le loisir, le délassement et l’ignorance contenue.

Ce qu’on ne pouvait pas deviner en regardant «  Le Divan  », c’est que pour Chapier, la psychanalyse n’était pas qu’un un concept, mais une réalité biographique

Chapier est de la vieille école, celle où la politesse n’est ni désespoir ni humour ni coalition incertaine des deux. Aujourd’hui, quasi octogénaire, sorti globalement de cette affaire médiatique, juste encore chroniqueur pour le plaisir sur Radio Nova où il établit un lien intergénérationnel distendu, selon les vœux de feu Jean-François Bizot, il fustige les mauvaises mœurs des animateurs télé actuels : «  Moi, j’appelais personnellement mes invités, alors qu’eux, je ne citerai pas de nom, font appeler par leurs assistants. Cela me révulse.  » Il a raison, Chapier, d’être en colère contre la télé qui n’est pas devenue, malgré notre volonté, notre sorcière bien aimée, mais avec le marché, notre sortilège désolant, mal aimé, et caisse de résonnance plutôt qu’une caisse de raison. Une histoire technologique s’est fracturée pour nous à ce moment-là avec la classe disparue d’Henry Chapier, cette élégance un peu folâtre d’homosexuel raffiné, avec son costume bleu électrique, ses cravates trop colorées… Mais ce qu’on ne pouvait pas deviner en regardant «  Le Divan  », c’est que pour Chapier, la psychanalyse n’était pas qu’un gimmick, un concept, mais une réalité biographique. Et ce qu’on apprend en lisant son livre, c’est que, tout jeune journaliste, il s’est vu demander par le magazine «  Arts  » de faire le portrait de Jacques Lacan. Ecoutons-le écrire avec modestie ce moment, cela disant tout de lui : «  Comment aborder cet immense personnage qui révolutionne le monde de la psychanalyse ? Après moult recherches, je trouve son numéro de téléphone et j’obtiens l’immense faveur d’un entretien à son domicile hors de Paris. Mon ton naïf et ingénu l’amuse, d’autant qu’il me met à l’épreuve en sondant mes connaissances sur Sigmund Freud dont j’avais lu à treize ans les Cinq leçons sur la psychanalyse, un livre enfermé à clef dans la bibliothèque de ma mère à côté des ouvrages de Jung, Steckel et Adler  ». C’était en 1958. Et, étrangement, mais d’une étrangeté quand même qui nous plaît, ce n’est qu’en rabat de couverture du livre qu’on trouvera ce que Lacan a alors dit à Chapier. Pas tout à fait rien, il faut bien le dire — à savoir : «  A force de mentir, on finit par dévoiler toute sa vérité. C’est ainsi que vous m’avez piégé, et je vous ai ouvert ma porte après vous avoir démasqué  ».

Rue de Valois sous Valéry Giscard d’Estaing, en tant que «  Monsieur Chanson  »

Pourtant, après lecture de son livre de mémoires, on peut affirmer qu’il n’est pas si simple, contrairement à ce qu’affirme Lacan, de démasquer Chapier. Lequel est un furet. Il est passé par ci, il passera par là… Mais toujours au bon moment. En 1959, il est de l’aventure du journal «  Combat  » avec Philippe Tesson, Matthieu Galley, Michel Lancelot, puis Gabriel Matzneff qu’il fera venir en tant que critique de télé. Les pages qu’ils consacrent à Tesson dans son livre sont émouvantes, elles témoignent d’une vive amitié, et peut-être même de son au-delà. Fin 1968, il est aux Etats-Unis, sur le campus de Berkeley pour filmer les Black Panthers et ramener en France le premier «  docu-fiction  » sur le sujet. Il est déjà critique, mais le cinéma l’attire. Il franchira deux fois le Rubicon, pour deux longs-métrages, le premier intitulé «  Sex Power  », au sens freudien puisqu’il est par ailleurs d’une chasteté absolue, l’autre sous l’influence de Visconti qui deviendra son ami, tout comme Pasolini. Au fond, Henry Chapier incarne bien le critique taraudé par le passage à l’acte et aujourd’hui encore, il n’a pas de mots assez durs pour conspuer les critiques qui dégomment des films avec une condescendance assez ignoble, sans avoir eux-mêmes jamais touché une caméra.

Dans les années 70, la crise de cinéma français freine ses ambitions. «  Il fallait deux ans pour monter financièrement un film, je n’avais pas la patience  », explique-t-il dans un petit bistro à deux pas de La Maison de la photographie qu’il préside désormais. Alors le journalisme, la télévision, la radio avec cette impartialité mondaine qui lui évite les purges, et même à un passage éclair rue de Valois sous Valéry Giscard d’Estaing, en tant que «  Monsieur Chanson  ». Tout ça parce qu’il a grandi à Vienne, «  au cœur d’une période où la doctrine des ingénieurs de l’âme faisait fureur  ». Merci Freud.

Je m'abonne ! Partage Twitter Partage Facebook Imprimer

Un commentaire sur “Henry Chapier, le divin du divan

  1. Henry Chapier, le divin du divan
    le generique du divan d’henry chapier n’etait pas de Vangelis mais tirer de la bande original de film « Dune ».
    Vangelis a fais aussi d’autres musiques de film pour henry chapier, « salut jerusalem » et « amore ».
    vangelis a pariciper aussi au divan d’henry chapier.
    je collectionne vangelis et je possede plus de 800 pieces et je fais des expositions sur sa carriere

Laisser un commentaire

Ce site web utilise ses propres cookies et ceux de tiers pour son bon fonctionnement et à des fins d analyse. En cliquant sur le bouton Accepter, vous acceptez l utilisation de ces technologies et le traitement de vos données à ces fins. Vous pouvez consulter notre politique en matière de cookies.   
Privacidad