Influences (n. fem. pluriel)
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  2. Action exercée sur quelqu’un.
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Les Influences

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#Barack Obama #Etats-Unis

Il théorise sur le coup de coude en politique

Publié le 27 mai 2009 par

Cass Sunstein, professeur de droit à Harvard, est devenu administrateur du service des régulations. À la Maison-Blanche, on ne parle plus que de «  nudge  » (coup de coude) et de «  paternalisme libertaire  » pour établir de nouvelles relations entre politiques et citoyens. Polémique : les «  nudges  » sont-ils en passe de remplacer l’idéologie néoconservatrice de l’ancienne administration Bush ?

Cass Sunstein pour IDEE-JOUR
Cass Sunstein pour IDEE-JOUR
Quel «  nudge  » intellectuel –ou selon ses détracteurs, quel gourou – a convaincu Barak Obama de faire recruter en janvier dernier à la Maison-Blanche, l’honorable professeur de droit Cass Sunstein ? Son poste d’administrateur de l’Office of information and Regulatory affairs, devrait lui permettre d’aider à la régulation d’importants secteurs de la vie quotidienne des Américains, complètement déboussolés par deux mandats Bush. Cass Sunstein utilise un levier de philosophie politique très en vogue à Washington DC : le «  nudge  ».

To nudge : pousser quelqu’un du coude pour attirer son attention. Le concept du «  nudge  », théorisé par Cass Sunstein et Richard Thaler, pilier de la neuro-économie, est popularisé dans l’administration Obama. Mais également dans la société américaine, depuis le succès de l’ouvrage, paru en 2008, de ces deux intellectuels démocrates : «  Nudge : Improving Decisions About Healt, Wealth and Hapiness  » que l’on pourrait traduire littéralement par «  Coup de coude pour améliorer la décision sur la richesse, la santé et le bonheur  »…

Le «  nudge  » repose sur l’idée de convaincre sans forcer, en créant les conditions de l’acceptation par le citoyen lui-même, tenu informé des alternatives possibles, de la meilleure solution à prendre. Cass Sunstein et Daniel Thaler appellent cela «  le paternalisme libertaire  ». Explication de texte de Cass Sunstein dans un interview au site Grist.org : «  Un nudge est un petit changement dans le contexte social qui fait que les comportements se mettent à changer radicalement sans forcer personne à faire quelque chose. Le concept derrière le paternalisme libertaire est qu’il est possible de conserver la liberté de choix -donc l’idée libertaire- tout en faisant évoluer les gens dans des directions qui améliorent leurs vies – d’où l’idée de paternalisme. Nous pensons possible de combiner ces deux concepts. Et beaucoup de gens qui ont des idées différentes peuvent adhérer à cette nouvelle philosophie.
(…)  »

Le grand succès du livre de Sunstein et Thaler tient outre la simplicité des propos, et l’humour, au modèle explicatif de la neuro-économie. L’ensemble de ces travaux sur la décision a donné naissance à cette nouvelle discipline, la neuro-économie, et à son fameux rejeton, le neuro-marketing. Mais si le neuro-marketing laisse souvent sceptique, la neuro-économie, elle, n’est pas aussi dépréciée.

L’économie comportementale a commencé à être prise au sérieux depuis les débuts de la crise financière mondialisée. La discipline est susceptible d’éclairer sur les décisions en chaîne qui ont conduit à la catastrophe du capitalisme débridé.

Cette branche théorique de l’économie comportementale doit beaucoup à Richard Thaler, mais également aux travaux du Nobel de l’économie 2002, Daniel Kahnemnan, spécialiste de la finance comportementale et de l’économie du bonheur, et du psychologue Amos Tversky, qui a beaucoup travaillé sur le jugement dans l’incertitude. Entre le dogme d’un Milton Friedmann (chacun est un acteur économique rationnel, capable de maîtriser pleinement ses choix et ses pulsions), et la vulgate keynésienne (il faut réguler le marché, chaque acteur économique ne maîtrisant pas vraiment toutes les conséquences de ses stratégies), Thaler et Sunstein défendent eux une stratégie de l’incitation. Plutôt qu’imposer des règlements, l’Etat “poussera du coude” (to Nudge) les citoyens à choisir les meilleures options à coup de formulations appropriées. On n’oblige personne à faire le bon choix, mais on oriente les gens dans la direction voulue.

Les deux auteurs prennent exemple sur les associations de charité qui suggèrent de donner “50, 100, 1 000 ou 5 000 dollars”, sachant que le fait de simplement mentionner des sommes aussi élevées va avoir tendance à augmenter les sommes données.

Les “architectes du choix”, comme ils nomment les décideurs politiques de demain, se trouvent placés dans la même position qu’un designer ou un spécialiste des interfaces. Un de leurs plus gros travaux consiste à correctement déterminer l’option par défaut : celle vers laquelle les gens se laisseront naturellement couler.
«  Lorsque vous entrez dans une cafétéria, expliquent Thaler et Sunstein, vous vous retrouvez généralement en face du bar à salade. C’est une bonne chose, car si vous deviez passer par les hamburgers et les frites avant d’arriver aux salades, vous auriez plus de chances de craquer.  » C’est ainsi que pour lutter contre l’obésité des enfants, les auteurs suggèrent que les cantines scolaires mettent en place et en ambiance, des corbeilles de fruits et des salades, plutôt que de placer en évidence sucreries et produits frits.
Ainsi, on peut rendre certaines actions plus complexes, tandis qu’on simplifie celles qu’on souhaite voir adoptées. Par exemple, parmi les petits «  nudges  » suggérés par les auteurs, il suffit de ne plus interdire aux motards de circuler sans casque. Mais ceux qui voudront rouler tête nue devront passer et payer un permis supplémentaire.

Pour corriger certains des mauvais comportements du consommateur américain, les deux auteurs suggèrent ainsi que les salariés qui remettent massivement cette épargne au lendemain, voire au surlendemain, souscrivent automatiquement au plan d’épargne retraite de leur entreprise, sauf s’ils le refusent explicitement. Une technique déjà utilisée dans le secteur privé, avec le principe de l’abonnement payant tacitement reconductible.
Le «  libéralisme libertaire  » à l’œuvre dans l’administration Obama se concentre sur trois dossiers clés : la santé, un nouveau système de protection sociale et la lutte contre le réchauffement planétaire (cheval de bataille du professeur Sunstein).

Sur ce dernier dossier, le «  nudge  » politique consisterait à ce que le gouvernement crée un inventaire des gaz à effets de serre, ce qui induit, petit tour de force du «  nudge  », la collaboration sincère des plus gros pollueurs. Une fois établi, ce document public fonctionnerait comme un «  nudge  » de la décision raisonnée, avec la pression conjointe des lobbies de citoyens et de consommateurs, auprès des entreprises, mais aussi des Etats et des collectivités répondant avec des mesures législatives appropriées.

Cass Sunstein et Richard Thaler en sont convaincus, leur théorie du «  paternalisme libertaire  » constitue «  la véritable 3e voie  », et les conditions d’un vrai changement politique incarné par Barack Obama. Ni dirigisme, ni laisser-faire. Extraits : «  La pure complexité de la vie moderne et l’évolution incroyable des changements technologiques et mondiaux sapent les arguments en faveur d’interventions rigides ou d’un laissez-faire dogmatique. Les développements en cours devraient tout à la fois renforcer un engagement de principe pour la liberté de choix et plaider pour un gentil nudge  »
Cette combinaison de la science économique et des connaissances de la psychologie commence à soulever quelques critiques et objections inquiètes. Les «  nudgers  » seraient-ils l’équivalent des omniprésents néo-conservateurs qui influencèrent le premier mandat de W.Bush jusqu’à Bagdad ?

La politique du «  nudge  » veut réhabiliter l’Etat, tout en conservant le fond culturel américain du libertarisme. La couverture du livre de Cass Sunstein et Richard Thaler est explicite à ce sujet : un grosse éléphante pousse gentiment de la trompe son éléphanteau. Quel serait le comportement du pouvoir politique face aux caprices ou désaccord de l’éléphanteau-citoyen ?

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