Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Jacques Foccart : le masque africain de la France

Publié le 19 novembre 2012 par

«  Les archives répondront un jour à votre question  » disait Jacques Foccart à l’interlocuteur trop curieux. C’est chose faite : Jean-Pierre Bat, jeune historien, a plongé dans les archives du «  Monsieur Françafrique  » disparu en 1997. Le «  foccartisme  » bouge encore.


Il avait disparu des mémoires et des pratiques, le croyait-on. Un fantôme coriace de la Ve république ressurgit à la faveur d’un livre inédit, remarquable et passionnant chez Folio. Titre explicite : Le syndrome Foccart. Comme un symptôme. Jacques Foccart (1913-1997) fut, dans la République gaulliste de 1960 à 1974, le « Monsieur Afrique » indéboulonnable de l’Elysée. Secrétaire général des Affaires africaines et malgaches, il est devenu le symbole et le synonyme vivant, le quasi fétiche de la « Françafrique ». Un lourd parfum gaullo-néocolonial, sur fond de guerre froide, le nimbe, ainsi que l’accompagne un cortège de rumeurs et d’interventions politiques et militaires, de coups spécialement tordus, de clientélisme paternaliste et de mallettes corruptrices.
Ce style particulier aura marqué tous ses successeurs qui suivirent beaucoup. Foccart avait déterminé les grandes lignes de la politique africaine, soit un mixage
d’ accords bilatéraux et de proximité très personnelle. 


bioduneidee_250.gifDerrière la silhouette épaisse de Foccart en tonton barbouze, se meut une réalité plus complexe, plus subtile. Le type même d’ombre floue du pouvoir, qui n’en finit pas d’épuiser les questions et le mythe puissant. Le « syndrome Foccart » ou le syndrome d’un pays tout entier vis-a-vis de ses anciennes colonies.

LES INFLUENCES : qu’est ce que le «  syndrôme Foccart  » qui est le titre et la théorie centrale de votre document ?
JEAN-PIERRE BART : «  Un syndrome se compose d’un ensemble de symptômes qui décrivent un phénomène. Dans le cas de la politique africaine de la France, des topiques reviennent sans cesse depuis les indépendances, c’est-à-dire depuis la période où Jacques Foccart était en charge des Affaires africaines auprès du Général de Gaulle. On peut citer le poids de la cellule Afrique de l’Élysée, le rôle de la France comme gendarme de l’Afrique, l’indépendance énergétique française et les matières premières africaines (notamment l’uranium et le pétrole), ou encore les amitiés interpersonnelles symbolisées au premier chef par la permanence de partenaires tels que Félix Houphouët-Boigny ou Omar Bongo. Bref, à lire ce demi-siècle de relations post-coloniales, médiatisées sous le terme de «  Françafrique  » (qui reprend un néologisme forgé par l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny pour faire résonner France-à-fric), des tendances semblent se dessiner par-delà les clivages politiques comme en atteste la présidence de François Mitterrand. Et aujourd’hui, le «  fantôme  » de Foccart, secrétaire général pour les Affaires africaines et malgaches des présidents de Gaulle et Pompidou, continue de planer au-dessus des relations franco-africaines, comme si les quinze ans qui ont suivit les indépendances fonctionnaient comme une matrice post-coloniale. Ce livre cherche donc à ré-historiciser les relations franco-africaines des indépendances à nos jours, à travers le poids de l’action et de l’héritage de Jacques Foccart.

Justement, quel héritage, positif ou négatif, laisse Jacques Foccart dans les relations franco-africaines ?

Si l’historien se méfie traditionnellement des bilans positifs ou négatifs, le terme d’«  héritage  » convient parfaitement au propos. En effet, Jacques Foccart est à la tête d’un organe unique dans l’histoire de la Ve République : le secrétariat général pour les Affaires africaines et malgaches. Le président de la République, président de droit de la Communauté, dispose en plus du secrétariat général de l’Élysée d’un second secrétariat spécifiquement dévolu aux affaires africaines au nom de la Communauté. À son élection à la présidence de la République en 1974, Valéry Giscard d’Estaing remercie Jacques Foccart, mais conserve René Journiac, ancien collaborateur du secrétaire général, pour prendre en charge la cellule Afrique. Le premier héritage de Foccart est donc la création d’un espace spécifique pour un «  Monsieur Afrique  » à la droite du président, lequel lui accorde une oreille très attentive. À ce titre, l’Afrique est au cœur du domaine réservé du président sous la Ve République et se présente, bien souvent, comme le prolongement de la politique hexagonale.

Le deuxième héritage de Foccart réside dans la constitution du «  pré carré  ». Cette expression, empruntée à Vauban, désigne le domaine d’influence (ou d’ambition d’influence) de la France en Afrique, qui correspond mutatis mutandis à ses anciennes colonies d’AOF, d’AEF et de Madagascar. Dès les années 1960, Foccart s’efforcera d’étendre l’influence de la France à toute la zone francophone, c’est-à-dire à gagner les anciennes colonies belges au premier rang desquelles le «  grand  » Congo. Les accords de coopération (notamment en matière économique et militaire), corollaires des accords d’indépendance, constituent la clé bilatérale de l’autorité de la France en Afrique. Dans cette économie politique, les acteurs de la sécurité du «  pré carré  » – service de renseignement (notamment le secteur Afrique du SDECE, devenu la DGSE), missions de coopération militaire et bases françaises en Afrique – vont jouer un rôle déterminant pour asseoir la puissance française.

Les poids des relations interpersonnelles comme le recours à des spécialistes de l’Afrique (souvent des coloniaux reconvertis au ministère de la Coopération) plutôt qu’à des diplomates de carrière constituent un troisième héritage de Foccart : en homme pragmatique et non de système, le «  Monsieur Afrique  » du Général privilégie toujours le contact humain sur tout système protocolaire – ce qui n’interdit naturellement pas le calcul politique. Il parvient ainsi à offrir à l’Afrique une spécificité dans la gestion des affaires de la République, dont le ministère de la Coopération se doit d’être le garant : n’est-il d’ailleurs pas surnommé le «  guichet de l’Afrique à Paris  ». Car, pour Foccart, les relations franco-africaines «  ne se situent pas seulement sur le plan des relations diplomatiques, elles revêtent un caractère de coopération entre la France et ces États dans les secteurs les plus importants de leurs activités [et] se situent sur un plan de liens amicaux et personnels  ». L’une des conséquences est le recours à certaines personnalités, officiellement hors des institutions officielles : l’archétype pour les années 1960 est Jean Mauricheau-Beaupré, véritable missi dominici de Foccart sur le continent.

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Dans les années 2000, cet espace d’intermédiaire est ouvertement revendiqué par Robert Bourgi. Cette dimension para-diplomatique a fait le lit de la réputation des célèbres «  réseaux Foccart  ». Cette notion même de réseau est devenue une clé de lecture de l’héritage foccartien : dans les années 1990, la dénonciation des réseaux Pasqua, Mitterrand, etc. a été interprétée par l’opinion publique comme le processus d’héritage et d’émiettement de la logique des «  réseaux Foccart  » tissés à l’ombre des indépendances.

L’un des derniers héritages de Foccart (bien malgré lui) est d’avoir associé un parfum de scandale aux affaires africaines. Si, de son temps, la dimension judiciaire reste mineure (alors qu’elle émerge dans les années 1990 et 2000 avec l’affaire Elf ou l’Angolagate) le personnage du «  Monsieur Afrique  » concentre les fantasmes et les rumeurs au point que la légende (qui ne prête qu’aux riches) prétend que «  pas une intrigue, un putsch ne se déclare entre Dakar et Brazzaville sans qu’une rumeur tenace ne lui en impute la préparation  ». Ses liens personnels et professionnels avec le SDECE (services secrets) et notamment le colonel Maurice Robert d’une part, et, d’autre part, ses liens militants avec les formations gaullistes et le SAC sont les principaux ingrédients venus colorer le portrait de cet homme politique pas comme les autres, pourtant au cœur de la galaxie des conseillers gaullistes. Le recours aux intermédiaires, précédemment cités, constitue un potentiel mélange des genres qui sera reproché – à tort ou à raison – aux responsables successifs de la cellule Afrique. Il fonde l’accusation de «  réseaux  » et le parfum de secrets de famille qui alimentent la dénonciation de la politique africaine de la France depuis Foccart. Le spectre des «  barbouzes  » hante les recherches sur la politique africaine de la France. Le mythe de «  l’homme de l’ombre  » est définitivement cousu au revers de la silhouette des «  Messieurs Afrique  » de l’Élysée.
Au total, si Foccart laisse une empreinte très forte sur le demi-siècle écoulé, il n’en reste pas moins que depuis les années 1990, cet héritage a été soumis à de profonds bouleversements sur le continent africain.

L’Afrique constitue-t-elle toujours le cœur de l’influence française dans le monde ?

La place de l’Afrique dans l’influence de la France a beaucoup évolué depuis Jacques Foccart : si l’Afrique a été le socle de la puissance gaulliste, de l’épopée africaine de la France libre jusqu’aux décolonisations, la France a parallèlement cherché à redéployer sa politique d’influence vers l’Europe. À partir des années 1990, la question des moyens de l’indépendance nationale a procédé à l’inversion de l’effet ciseaux : les efforts de la diplomatie française se sont beaucoup plus concentrés sur la construction européenne… sans, toutefois, que la France ne parvienne à renoncer à son domaine africain. Marianne doit, certes, y réaménager les moyens de sa puissance.

Dans les décennies 1990 et 2000, Paris ménage donc toujours des relations privilégiées et bilatérales (héritage direct de la décolonisation l’heure de la mondialisation) avec les «  amis (historiques) de la France  », surtout s’ils ont survécu aux démocratisations – Eyadéma et Bongo, doyens du «  pré carré  », en sont des figures clés. Si, à la fin des années 2000, la politique du «  candidat de la France  » perd de son intérêt, Paris ne renonce pas à jouer les «  arbitres  » dans des crises africaines (Guinée, Côte d’Ivoire). Enfin, l’effet de souffle du 11-Septembre a re-positionné la France comme tête de pont de la politique antiterroriste sur le continent, notamment autour de la question des insécurités saharo-sahélienne qui constituent la problématique dominante de 2012. L’Afrique reste à l’évidence une spécificité diplomatique et militaire de la France au sein des puissances occidentales.
Reste encore un point à évoquer : la question économique. Ce facteur, qui a tout particulièrement gagné en puissance à partir des années 1980 en Afrique, est souvent négligé. Les grandes entreprises françaises (Total, Bouygues, Bolloré, etc.) trouvent sur le continent des débouchés essentiels qui participent de l’influence de la France sans que ces entreprises ne se limitent aux seules anciennes colonies françaises. Preuve de ce nouveau front géopolitique : c’est par la porte économique que Pékin a lancé son offensive sur le continent africain.

Où vont les relations franco-africaines ? La France a-t-elle encore une influence notoire en Afrique – ou dans certains pays d’Afrique ? (Vous citez l’exemple de la crise ivoirienne…)

Depuis le milieu des années 1990, la tendance est à la «  normalisation  » des relations franco-africaines, c’est-à-dire à la liquidation formelle des fantômes (réels ou supposés) de Foccart et de la «  Françafrique  ». Les gouvernements de droite comme de gauche ont, bon an mal an, procédé à ce toilettage. Mais la réalité est moins linéaire et la République a plus subi le nouvel ordre mondial qu’elle ne l’a orchestré sur le continent. L’Afrique reste malgré tout un domaine particulier des relations extérieures françaises. Sans doute, aujourd’hui, la partie française, pour différentes raisons, prend-elle moins la mesure de la force du lien qui l’unit à l’Afrique francophone. Le terreau identitaire francophone – non exclusif d’autres greffes identitaires – représente une force bien souvent sous-estimée car si cet atout ne se traduit pas toujours par un dividende politique explicite, il participe pleinement du rayonnement de la France en Afrique à l’heure de la mondialisation. Il convient de constater que certains pays, anciens fleurons du «  pré carré  », restent toujours le «  péché mignon  » de Paris : la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou le Gabon. Ces anciens alliés très sûrs de la politique africaine de la France ont appris à leur tour, pendant un demi-siècle, les secrets de la politique française, suscitant de nouveaux liens – mis notamment au jour à travers les alliances (pas toujours intelligibles pour un public non averti) qu’a révélées la crise ivoirienne (2002-2011).

Dire où vont les relations franco-africaines n’est pas de notre ressort ni de nos compétences : constatons simplement que, même si Paris prétend vouloir se départir de son engagement africain (et le fait en partie), l’Afrique reste une des clés de la puissance française. Mais cette clé s’avère de plus en plus complexe comme le soulignent les craintes d’un «  Sahélistan  ». Vingt ans après la chute du bloc communiste, la France a su manifestement se réinventer un destin sur le continent, même si ses «  riches heures  » sont derrière elle.

Quels signes du changement, dans les relations franco-africaines, montrent les gouvernements depuis la mort de Foccart ?

Foccart est décédé en 1997. Sans même parler de la politique africaine de François Mitterrand en elle-même, il convient de souligner que, plusieurs années avant la mort du «  masque africain  » du Général de Gaulle, de nombreux signes de changement se donnaient à voir. Pour preuve, la France attend la mort de Félix Houphouët-Boigny (décembre 1993) pour procéder à la dévaluation du CFA (janvier 1994) : l’avis de Foccart, fermement opposé à cette réforme, est ignoré. La fin de la Guerre froide, la crise économique (avec la gestion de la dette) et l’émergence de nouvelles lignes de force continentales constituent la trame générale du changement de décor des années 1980-1990. Les scandales (procès médiatisés tels que l’affaire Elf, arrestation de Bob Denard aux Comores en 1995, accusation de complicité de génocide au Rwanda) relayés devant la société civile – qui devient un acteur de plus en plus efficient – tendent à révéler la «  Françafrique  », alors même que les logiques de 1960 sont appelées à s’épuiser. Deux exemples extrêmement récents soulignent le poids nouveau de l’opinion publique et des combats de communication qui se jouent tout autour : l’affaire des biens mal acquis (BMA) et les révélations de Robert Bourgi sur les «  mallettes africaines  » en septembre 2011.

Dès la seconde moitié des années 1990, les gouvernements français successifs s’attacheront à tenter de réduire le paradoxe suivant : procéder à la «  normalisation  » des relations franco-africaines tout en maintenant au mieux l’influence de la France sur le continent. Pourtant, la France relayée au rang de puissance moyenne, ne peut se résoudre à abandonner son autorité (unique) sur le continent africain. Les démocratisations en œuvre en Afrique depuis les années 1990 invalident en deux décennies la pratique du «  candidat officiel  » de Paris. Parallèlement, elles rendent plus complexes, plus polyphoniques, les voies du politique en Afrique avec la fin des partis-État promus dans les années 1960. À partir de la fin des années 1990, on observe donc l’effet ciseaux suivant : les couloirs du labyrinthe franco-africain se démultiplient (avec plus ou moins d’efficacité), tandis que la politique africaine s’émancipe du tête-à-tête avec l’ancienne métropole dans un continent de mieux en mieux connecté au reste du monde. La concurrence chinoise (sur ce point comparable aux puissances du Nord bien que Pékin développe un discours sur le partenariat Sud-Sud) en est le meilleur marqueur dans les années 2000.

Dans cette nouvelle économie géopolitique, la France ne renonce pourtant pas à sa «  spécificité  » africaine, et entend jouer un triple rôle sécuritaire : la défense de son «  pré carré  » (ou de ce qu’il en reste, comme en témoigne l’opération «  Epervier  » en cours au Tchad depuis 1986), l’intervention au nom de la communauté internationale (que ce soit via l’ONU ou via l’UE) et enfin, la lutte contre les insécurités régionales (au premier rang desquelles, depuis le 11-Septembre, s’inscrit la lutte antiterroriste). Mais dans ces trois cas de figure, les modalités d’intervention sont à redéfinir en permanence, pour chaque opération. La part de réalité du terrain est donc tout particulièrement accrue, comme en témoigne l’engagement de la Force «  Licorne  » en Côte d’Ivoire.

Aurait-il été possible d’écrire ce livre dix ans plus tôt ?

Sans conteste, il aurait été, sinon impossible, à tout le moins beaucoup plus difficile d’écrire ce livre dix ans plus tôt. La passion soulevée autour de l’actualité de certains sujets (crise ivoirienne, affaire Elf, etc.) à l’aube des années 2000 explique – en partie seulement – les freins que doit desserrer l’historien. Il va sans dire que la loi de 2008 relative aux archives, abaissant de 60 à 50 ans la libre communication de documents engageant la sécurité de l’État ou la protection des individus, a suscité une accélération historiographique : à la veille du Cinquantenaire des indépendances africaines en 2010, le fonds Foccart (1958-1974), qui est au cœur du livre, devenait ainsi de plus en plus aisé à consulter. Enfin, et c’est un point fondamental, ce livre se situe à la charnière entre la disparition d’une génération (celle qui a accompagné Foccart dans la politique de décolonisation) et l’ouverture des archives. Ainsi, bien que plusieurs acteurs et témoins soient décédés entre le début de l’enquête et la publication du livre, un travail de tradition orale, recoupant des sources écrites et orales, a pu être mené dans ce projet au long cours. En l’an 2000, les paroles n’étaient pas encore «  libérées  » : Maurice Robert, fondateur du secteur Afrique au SDECE, ne livre ses mémoires qu’en 2004 sous le titre Maurice Robert, «  ministre de l’Afrique  » (Seuil) – il décède l’année suivante – et l’on se contentait bien souvent de l’exégèse (inachevée) du Journal de l’Élysée écrit par Foccart entre 1965 et 1974. Au cours de la décennie 2000, sous la conjugaison de nombreux facteurs (déclassement générationnel, nouvelles lectures géopolitiques de l’Afrique, dimension testamentaire des témoignages, etc.), la génération «  foccartienne  » a accepté de témoigner plus librement, à l’image de Maurice Delauney, historique ambassadeur de France à Libreville. Le film de Patrick Benquet, Françafrique, réalisé en 2010, ou encore le documentaire de Cédric Tourbe, Foccart, l’homme qui dirigeait l’Afrique, réalisé en 2010, ont dû s’affranchir des mêmes contraintes. L’esprit du temps aussi, avec la liquidation des fantômes de la «  Françafrique  », a permis de considérer le sujet comme un objet d’histoire et plus comme une investigation journalistique : ce changement de registre s’accompagne naturellement d’un changement de méthode.

La France n’aurait pas eu autant de pouvoir dans le concert des Nations sans l’activité pragmatique, influente et discrète de Jacques Foccart ?

Indiscutablement, et quoique non diplomate, Jacques Foccart a offert à la France une influence considérable à travers la politique africaine de la République. Dans la République gaullienne, l’Afrique constituait l’assise internationale de l’influence française : en décembre 1960, alors que Kennedy veut faire passer le dossier algérien sous la tutelle de l’ONU, la France peut ainsi aligner près de quatorze alliés pour rejeter le projet, scellant l’alliance diplomatique «  francophone  » tant sollicitée par la suite entre Est et Ouest. Mais c’est bel et bien parce que cette action n’était pas diplomatique mais purement politique qu’elle a eu cette particularité, cause tout autant de ses succès que de ses échecs. Si aujourd’hui le Quai d’Orsay (mais aussi Bercy) a remis la main sur la conduite sur l’Afrique, ce continent reste plus que jamais l’une des pièces maîtresses de la politique étrangère de la France en tant que puissance occidentale. Foccart savait tracer, aux côtés du fondateur de la Ve République, les sillons durables de la puissance et de l’influence française par-delà l’âge colonial.
Une précision mérite toutefois d’être rappelée : si Foccart est le tacticien, le Général de Gaulle reste le stratège de cette diplomatie. En confiant l’Afrique au Secrétariat général de Foccart, de Gaulle savait pertinemment développer une politique étrangère fondée sur la puissance du domaine réservé présidentiel, par-delà la diplomatie traditionnelle (l’indépendance du ministère de la Coopération, ardemment défendue par Foccart, a été un levier alternatif au Quai d’Orsay dans cette politique post-coloniale).

Par la suite, l’existence d’un conseiller Afrique auprès des présidents successifs a permis au chef de l’État de maintenir en permanence des liens interpersonnels avec ses homologues africains, d’une nature inégalée dans le concert diplomatique français : un personnage comme René Journiac, second conseiller technique du secrétaire général (1967 et 1974) et «  Monsieur Afrique  » de Valéry Giscard d’Estaing (1974-1980), en est l’archétype.  »

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