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#Enquête #Japon #Journalisme

Jake Adelstein, un journaliste américain dans la mafia japonaise

Publié le 28 mars 2010 par

Le reporter Jake Adelstein a suivi durant plus de 10 ans, la pègre de Tokyo pour le grand quotidien Yomiuri Shinbun. Il raconte ses relations parfois violentes avec les yakusa dans un livre surprenant : Tokyo Vice, An American Reporter on the Police Beat in Japan.

Jake Adelstein
Jake Adelstein
Arrivé à Tokyo en 1988, Jake Adelstein a été journaliste pour le Yomiuri Shinbun, l’un des plus grands quotidiens japonais ( 14 millions d’exemplaires). Ce reporter a un parcours singulier : il a quitté son Missouri natal pour compléter sa formation zen au Japon. Trois années passées au sein d’un monastère zen de l’école Soto. Après des petits boulots, il est recruté par concours au journal Yomiuri Shinbun. «  Je pense que j’étais une curiosité et cela c’est bien passé  », explique t-il.

J. Adelstein couvre les faits divers de deux commissariats de quartiers. A force de travail et de persévérance, il intégre le quartier général de la Police tokyoïte où il se spécialise dans le crime organisé sous toutes ses formes, du meurtre à la fraude sur internet. Journaliste d’investigation et spécialiste de la pègre japonaise, J. Adelstein est le premier Américain admis lors des conférences de presse de la police de Tokyo. Pendant 12 ans il se forge une réputation digne des grands détectives.

Comme les yakuza, la pègre, sont en marge de la société japonaise, son statut d’étranger lui donne une certaine forme de reconnaissance. L’enquêteur précise : « Les policiers qui enquêtent sur eux ont tendance à être aussi des originaux. J’ai vite assimilé les codes d’honneur des yakuzas et des policiers. Réciprocité et honneur sont des composantes essentielles pour les deux … Quand j’ai commencé à travailler sur le sujet, je me comportais comme un américain typique. Je disais que je serais à un endroit et je n’y étais pas, j’étais en retard à mes rendez vous etc… Des travers typiques américains, négligeant et sans véritable parole, oubliant les coups de mains que l’on m’avait donnés. Avec le temps j’ai appris que si tu dis quelque chose à ces types, « je vais t’appeler », tu ferais mieux de le faire. Chaque fois que tu dis que tu vas faire quelque chose, tu le fais. Ainsi tu te construits une crédibilité auprès d’eux. Je fus prêt à accepter leur code et à vivre parmi eux.  »

Le deal du FBI avec un parrain japonais

Funéraille à Kobe en avril 2002 d'un chef du clan des Yamaguchi-gumi.
Funéraille à Kobe en avril 2002 d’un chef du clan des Yamaguchi-gumi.
Dans son ouvrage, Tokyo Vice: An American Reporter on the Police Beat in Japan, J. Adelstein décrit en détail le fonctionnement de cette mafia mais aussi de ses relations enchevêtrées avec la police, le monde politique et les médias. Lorsqu’ils apprennent que le journaliste américain a le projet de publier une enquête exhaustive sur leur mode de fonctionnement, les yakusa commencent à gronder. D’autant plus que J. Adelstein vient de débusquer un fameux lièvre : un deal passé entre le FBI et l’un des parrains les plus influents à l’époque, Goto Tadamasa.
Ce parrain yakusa avait un accord avec la police américaine pour bénéficier aux Etats Unis d’une transplantation d’organe. Or, Goto Tadamasa est à la tête d’une des factions de la plus grande famille de yakuza au Japon, la Yamaguchi-gumi qui compte pas moins de 21 000 membres selon la police. G. Tadamasa est impliqué dans 17 affaires de meurtres . De même ses hommes de mains, en 1992, ont agressé et défiguré en pleine rue le réalisateur comique Itami Juzo: il avait osé réaliser une parodie sur les yakuza (L’avocate). Son suicide, en 1997, aurait été provoqué par des yakuza qui l’auraient contraint à se jeter dans le vide sous la menace d’une arme.

Menace de mort et conversion bouddhiste

Goto Tadamasa qui est au plus haut de sa puissance risquerait de perdre tout crédit si l’accord avec le FBI qui y voit un bon moyen de contenir et de s’informer sur cette pègre, devenait publique. Tout doit être tenté pour bloquer l’écriture du livre de J. Adelstein. La mort de l’auteur fait partie des options envisageables. Dans l’obligation de se mettre sous la protection du FBI et de la police japonaise dès mars 2008, J. Adelstein continue malgré tout son travail. De toute façon, il lui est impossible de revenir aux Etats Unis car il mettrait en danger sa famille. Un membre de la police japonaise le pousse à achever son récit d’enquêtes : «  Tu es un écrivain. Il t’en veut car tu possèdes des informations mais une fois que tout le monde connaitra l’affaire il aura des problèmes plus urgents à régler que de s’occuper de toi  ». De plus, ses relations au sein des Yamaguchi-gumi lui promettent que rien ne se fera contre sa famille.

La publication de son article dans le Washington Post (This Mob Is Big in Japan) constitue son sauf- conduit. Ayant perdu sa puissance, Goto Tadamasa intègre les ordres et devient moine bouddhiste ! Ces conversions sont fréquentes au Japon : il n’y a pas d’impôt sur les revenus des religieux et les gens aiment bien les histoires où le mauvais garçon devient au final un homme de bien. Les Yamaguchi-gumi avaient ordre de le tuer mais cela ne se fait pas de tuer un moine.

Journaliste engagé, J. Adelstein croit en la fonction sociale de son métier et est prêt à risquer sa vie pour son métier. «  Je crois que le journalisme d’investigation a pour mission dans la société de corriger les erreurs que le gouvernement ou la police peuvent faire. Il permet à la société de bien fonctionner. Je crois dans l’utilité de mon métier et je suis prêt à prendre des risques pour le faire (…) J’aime mon travail. Je crois que ce que je fais est bénéfique pour l’humanité.  »

Pour l’instant, aucun éditeur au Japon n’a souhaité publier ce livre.

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