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#Alain Weill #Jean-Christophe Tortora #La Tribune

Jean-Christophe Tortora : « Le ratage de La Tribune vient des choix d’Alain Weill « 

Publié le 2 mars 2012 par

Entretien avec son nouveau président et premier actionnaire du quotidien économique passé en ligne

microcosme_art-2.gifLe repreneur de La Tribune expose pour Lesinfluences.fr sa stratégie de redressement du quotidien économique qui s’est retrouvé en cessation de paiement en décembre dernier. Le directeur du groupe de presse France Économie Régions a pu conserver 50 des 165 salariés, dont 31 journalistes, mais a dû abandonner le quotidien papier pour une édition en ligne. Jean-Christophe Tortora estime que les difficultés du journal résultent en grande partie de la gestion de son ancien propriétaire, le magnat des médias, Alain Weill.

Lesinfluences.fr : Que représentait La Tribune pour vous ?

Jean-Christophe Tortora : «  C’était un quotidien que je lisais depuis l’âge de 18 ans. J’ai révisé mon baccalauréat série économie avec lui. Je lisais également Les Échos, mais pour moi La Tribune était un journal qui se plaçait moins dans l’acceptation des choses et qui avait la capacité de s’interroger et de remettre en cause certaines industries, certains modèles.

Comment expliquez-vous les difficultés du journal ?

Ce n’est pas le manque d’appétit financier des lecteurs qui est à l’origine des difficultés du journal.
La Tribune a souffert d’un échec de stratégie éditoriale. Selon moi, ce ratage vient des choix qui ont été faits par Alain Weill lorsqu’il a acheté le journal à Bernard Arnault en 2007. N’y voyez pas une critique de sa personnalité, il a par ailleurs réussi merveilleusement beaucoup de défis dans les médias et on peut envier les succès qu’il a eus avec BFMTV ou RMC.

Alain Weill a voulu croire que La Tribune pourrait devenir une sorte de grand quotidien généraliste. Beaucoup de moyens ont été engagés pour que La Tribune ne soit plus seulement dans son champ concurrentiel qui est plutôt Les Échos et quelques médias économiques, mais qu’elle vienne concurrencer Le Monde ou Le Figaro. Il a donc investi beaucoup d’argent en promo, en grandes plumes, en rédacteurs, en faisant des stratégies de suppléments, en mettant en place une édition du samedi. Le directeur de NextRadioTV a raisonné dans une logique très grand public voulant bousculer les places des uns et des autres, comme il l’a fait en radio.

Quand je dis que c’est un échec éditorial, c’est que, finalement, le lectorat fidèle à La Tribune depuis 25 ans ne s’est plus du tout retrouvé dans ce nouveau produit où il a vu apparaître du sport réalisé par RMC ou des pages loisirs, «  week-end  », ou encore «  life style  ». Non seulement Alain Weill n’a pas conquis de nouveaux lecteurs, mais il a perdu de nombreux abonnés.
Sincèrement, si La Tribune avait gardé les 45 millions d’euros en caisse [montant de la trésorerie du journal avant son rachat par Alain Weill, ndlr] pour uniquement être centrée sur l’économie et la finance, je peux vous assurer que le quotidien papier existerait encore aujourd’hui.

Ajouté à cela, il y a eu la crise économique et la dérégulation de l’Autorité des marchés financiers de 2007 qui n’a plus rendu obligatoire la publication des communications financières dans les quotidiens économiques ce qui a fait perdre un argent considérable à La Tribune dont les revenus étaient constitués en majorité de ces publicités.

 » Sincèrement, si La Tribune avait gardé les 45 millions d’euros en caisse pour uniquement être centrée sur l’économie et la finance, je peux vous assurer que le quotidien papier existerait encore aujourd’hui  »

Comment la rédaction vous a-t-elle accueilli ?

«  Elle m’a bien accueilli, mais je ne me méprends pas. Je connais leur forte attente et aussi leur déception. Notre candidature à la reprise du quotidien a été soutenue par les trois quarts de la rédaction [73,1 % ndlr], cependant cela reste un choix par défaut parce qu’il n’y avait malheureusement pas de candidature qui pouvait reprendre 100% des salariés et qui pouvait maintenir le quotidien en papier. Donc je veux dire par là que je relativise notre résultat. Mais si je n’avais pas convaincu la majorité des salariés, j’aurais pris la décision de me retirer.

J’ai la lourde responsabilité de mener une entreprise qui a beaucoup souffert vers un nouveau modèle et une nouvelle stratégie de pérennité. Ça ne se fera pas sans mal parce que cela implique beaucoup de travail de la part de tout le monde. Je suis issu d’une région irriguée par les valeurs du rugby qui sont des valeurs collectives. Cette entreprise ne s’en sortira pas uniquement grâce au génie d’un repreneur ou grâce à sa seule motivation. Elle se sauvera par une vision stratégique et par une démarche d’engagement collectif.

Quelle est votre stratégie pour la Tribune ?

«  Aujourd’hui nos lecteurs utilisent de plus en plus les supports digitaux et nous voulons être leader dans l’information économique et financière sur le numérique. Nous proposons ainsi une offre disponible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Nous avons commencé depuis le 27 février à monétiser certains contenus du site, tandis que les autres articles resteront en accès gratuit.

Nous pensons aussi qu’en fin de semaine les gens ont plus de temps pour la lecture. C’est pour cela que nous allons lancer un hebdomadaire papier qui comportera des articles de décryptage, d’enquête et d’analyse. Nous sommes sur un calendrier de sortie pour début avril. Ce nouveau magazine devrait compter une quarantaine de pages dans un format tabloïd et il sortira le vendredi.

Nous voulons avoir des partis pris assez forts. Il faut que La Tribune conserve sa liberté de ton et moi je suis le garant de cette liberté. La Tribune ne serait plus La Tribune si elle perdait sa liberté de ton. Nous avons dû réduire la masse salariale, mais nous avons tout de même conservé un journaliste rédacteur sur deux dont beaucoup d’experts. Ainsi, nous avons pu sortir une information en exclusivité mondiale, celle sur le rapprochement entre le groupe français PSA (Peugeot Citroën) et l’américain General Motors. La Tribune continuera à tenir son rôle de quotidien économique et financier de référence en France.

Pensez-vous qu’il y a la place pour deux quotidiens économiques en France ?

Ce n’est pas un problème de place. Je pense qu’il peut y avoir même plus de deux quotidiens économiques. Simplement, il faut savoir proposer quelque chose de différent ou de meilleur pour le lecteur en terme de temps, de choix et de traitement de l’information. Ensuite, il faut choisir un modèle économique d’entreprise viable. Notre stratégie d’être bi-médias – tout numérique et hebdomadaire papier – permettra largement, je l’espère, une pérennité financière et renforcera le rôle leader de La Tribune dans l’information économique.

Recueilli par Laurent Firdion-Lesinfluences.fr

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