La prochaine bataille de la France à Bruxelles
Publié le 13 novembre 2013 par Christian Harbulot
Le départ massif à la retraite de fonctionnaires européens et les standards linguistiques et managériaux nord-américains pénalisent la présence française dans les postes clés de l’UE
Trente à quarante pour cent des fonctionnaires européens vont partir en retraite dans les années à venir. Cela représente près de 900 postes, occupés actuellement par des Français, qui devront être renouvelés. Il est donc très important que ces postes puissent être de nouveau occupés par des Français. Mais la situation est devenue beaucoup compliquée car les règles ont changé depuis la création de la Communauté Economique Européenne à la fin des années 50.
Entretemps, le lobbying anglo-saxon est passé par là. La procédure de concours pour sélectionner les futurs fonctionnaires européens a été modifiée. Elle est désormais alignée sur les méthodes académiques de recrutement made in USA. Autrement dit, les étudiants français qui postulent pour ce type de fonction ont deux handicaps : la nécessité de rentrer dans le moule managérial de l’Union Européenne. Cette dernière s’est alignée sur le modèle culturel académique nord-américain et a généralisé la pratique systématique de l’anglais dans les directions générales de l’UE.
Contrairement aux apparences, cette nouvelle méthode de sélection des élites européennes n’est pas forcément un progrès. La richesse multiculturelle de l’Europe est gommée par une volonté affichée d’homogénéisation linguistique non dénuée d’effets pervers.
La teneur des épreuves du concours de recrutement de l’administration européenne s’est appauvrie dans certaines matières et implique un mode de pensée centrée sur les modes opératoires de la fonction publique d’outre Atlantique
La teneur des épreuves du concours de recrutement de l’ administration européenne s’est appauvrie dans certaines matières et implique un mode de pensée centrée sur les modes opératoires de la fonction publique d’outre Atlantique. La pratique de l’anglais est non seulement un mode de sélection mais engendre aussi de facto une réduction de notre périmètre d’expertise. Les Français réellement bilingues (donc ayant appris l’anglais dès leur enfance) sont rares et n’optent pas automatiquement pour la voie du fonctionnariat européen. Il ressort de ce constat élémentaire une diminution de l’expertise française. Nos candidats sont moins à l’aise que les postulants originaires des pays d’Europe du Nord qui ont une pratique systématique de la langue de Shakespeare dès leur plus jeune âge. Sans parler bien entendu des Britanniques qui ont réussi à se positionner aux postes clés de la Commission (qui ne sont pas les titres de directeurs si convoités par les Français) et des lobbyistes américains qui constituent la majorité des experts à Bruxelles.
L’Union Européenne parle anglais dans 80% de ses structures internes et périphériques. Cette forme de colonisation culturelle est une faille qui n’affecte pas que les intérêts français. Elle est désormais une faille collective de l’ensemble des Etats-membres.
Chacun subit à sa manière ce cheval de Troie qui donne aux Etats-Unis une position naturelle prédominante pour imposer leurs références cognitives dans les domaines techniques et économiques du fonctionnement de l’Europe communautaire.
Mais la partie n’est pas perdue pour autant car les manœuvres de contournement sont possibles. J’en parlerai dans de futures chroniques.