Le guide du Führer
Publié le 7 novembre 2011 par Les Influences
Le témoignage extraordinaire d’un gentil archéologue qui aurait pu tuer d’un coup Hitler et Mussolini.
Ranuccio Bianchi Bandinelli aurait pu être un héros. Les raisons pour lesquelles il ne l’est pas devenu et qu’il expose « le rouge au front » dans ce petit livre (en réalité, la traduction d’un chapitre de son Journal sobrement intitulé « Mémoires d’un bourgeois ») méritent donc d’être connues.
Voilà la petite histoire : en 1938, ce Florentin, professeur émérite d’archéologie et d’art antique, qui parlait parfaitement allemand, est réquisitionné par le gouvernement de Mussolini pour servir de guide à Hitler dans ses visites des musées de Rome et de Florence. Politiquement, Bandinelli se décrit à l’époque comme « un antifasciste théorique, sans directive politique, sans conviction précise, sans programme ». Nul ne se méfiant de lui, la police n’enquêtant pas même à son sujet, il se rend bien compte que c’est l’occasion rêvée d’un attentat qui liquiderait d’un seul coup d’un seul les deux dictateurs, alors que l’amorce de la Seconde guerre mondiale est déjà palpable, audible. La nuit, le professeur dort mal. Il caresse cette ténébreuse chimère, tout en accumulant les raisons de ne pas passer à l’action. Mieux, il finit par avouer : « du jour où je m’assis sur le strapontin à côté de ces deux personnages, aucun de mes desseins, aucune de mes élucubrations ne m’effleura plus ».
Hitler : « Une personnalité à l’aspect subalterne, type contrôleur de tram »
Bandinelli va donc passer une semaine à faire le guide pour le Führer (mais aussi pour Goebbels, Ribbentrop, Himmler et Hess, tout l’état-major nazi, seul Göring étant demeuré à Berlin) et le Duce. Le professeur prend des notes. Son portrait d’Hitler ? Etonnant : « Une mise digne, soignée ; presque modeste. Frisant la servilité. Une personnalité à l’aspect subalterne, type contrôleur de tram. » Il est moins tendre pour Mussolini et sa « démarche de pantin ». L’artiste raté en Hitler est évidemment aux anges. C’est son premier voyage en Italie, celui qu’il n’a jamais pu s’offrir, et le voilà accueilli par des foules en liesse. Mussolini s’ennuie tandis qu’Hitler évoque l’Atlantide (avec l’air d’y croire), ressasse sa haine du bolchevisme et du christianisme en tant que première vague bolchevique à avoir déferlé sur l’Europe. Et devant le Colisée, note Bandinelli, il émet l’idée « qu’il faudrait le reconstruire et l’utiliser, mais qu’aujourd’hui, hélas, il fallait tenir compte des finances publiques ».