Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Le rap « très stylé » de la République de Chine

Publié le 3 octobre 2011 par

Dans la revue Monde Chinois, l’universitaire Samia Fehrat analyse le succès d’un clip de rap taïwanais pour les 100 ans de la république de Chine.

Sun Yat-Sen (1866-1925), premier président de la République de Chine en 1911, et héros du rap taïwanais en 2011.
Sun Yat-Sen (1866-1925), premier président de la République de Chine en 1911, et héros du rap taïwanais en 2011.
La nouvelle livraison (n°27) de la revue Monde Chinois-Nouvelle Asie est consacrée au centenaire de la république de Chine, que Taïwan fêtera le 10 octobre 2011. Elle fut la première république d’Asie, moderne et fragile, mais du ajourner en quelques années, ses promesses de démocratie. Angle original du copieux dossier : la chercheuse Samia Fehrat, maître de conférence à Paris 10 (Nanterre) s’est penchée sur le succès actuel d’un rap taïwanais commémorant « Notre père de la nation » , c’est-à-dire Sun Yat-Sen (1866-1925), chef du mouvement révolutionnaire qui fit tomber, en 1911, la dynastie bi-millénaire Qing et devint le premier président de la république. « Wen Ge ?, c’est qui? » demande sans cesse le rap.
La chanson est signée du groupe « Rue Zhongshan N°100 », quatre gaillards, Jia Fei, Edison, Wei Pang et Ya Ge qui ne totalisent même pas 80 ans à eux tous et qui ont tourné un clip dans le cadre d’un concours local lancé par Yahoo! pour ce centenaire. Contrairement aux Chinois, nos rappeurs de Taipei préfèrent plutôt le considérer comme « Grand Frère » que patriarche.

« Notre grand frère Wen est vraiment top ! »

Traduites par Samia Fehrat, les premiers échanges quasi-houellebecquiens de « Notre père de la nation » se démarquent très nettement de l’habituelle morgue propagandiste de la Chine continentale vis-à-vis de Sun Yat-Sen.

« Salut toi ! Comment ça va ? Quoi de neuf en ce moment ?
– Quoi de neuf ? Rien, toujours pareil… Comme lui d’ailleurs…
-Ben ouais, moi je passe mes nuits sur Internet, à discuter avec des filles qui, au final, m’envoient balader…
-C’est comme ça tous les jours… Même rêver me fatigue…
– Moi ce qui compte dans ma vie, c’est d’arriver à faire un hamburger exceptionnel !
– Ah bon ? Ca ne m’étonne pas que tu sois aussi gras !
– Eh, dites ! On est obligés de faire une chanson aussi ennuyeuse ?
– Passe-moi le miroir ! Mes cheveux sont un peu longs…
-Mais qu’est ce que je suis en train de faire ma vie ?

(…)
Quand j’y pense… Cette énergie, ce courage… Mais arrête de te regarder dans le miroir à la fin ! Quand je pense à ce que Grand Frère Wen espérait pour nous tous…
-Grand frère Wen !? C’est qui ?
-Mais c’est le Père de la nation ! Il avait un idéal qui n’a jamais été oublié.
(…)
Grand-frère Zhong-shan (autre appellation du héros/NDLR), c’est un vrai modèle rock ! (…)

Rivalité de mémoire entre Taipei et Pékin

Le clip a été plébiscité par les internautes, et même le Président Ma Ying-jeou s’est fendu d’un post sur la page facebook du groupe : « Notre grand frère Wen est vraiment top ! » Rue Zhongshan N°100 ne tarit pas d’éloges pour leur héros remastérisé, décidément « trop stylé » et qui « a de la classe« . Le clip mélange archives et collages, et se joue de l’icône, n’hésitant pas à la coloriser, la peinturlurer, la décaler et à s’en moquer gentiment. Remarque de l’universitaire : « les quatre chanteurs contribuent indéniablement à la formation d’une nouvelle mémoire par la transformation des anciens repères. Tout d’abord le nom qu’ils utilisent pour nommer Sun Yat-Sen est très peu fréquent à Taïwan. En effet, c’est souvent le souvenir de « Zun Zhong-shan », ou encore du « Père de la Nation Zun Zhong-shan » qui y est évoqué, plutôt que celui de « Sun Wen ». » Bref, la gravure de dictionnaire et de manuels plutôt que le penseur et l’homme politique qui a retenu plus sûrement l’attention des jeunes chanteurs et des Internautes.

Plus subtilement, Taïwan se livre à une rivalité mémorielle avec Pékin, désacralisant une figure de la révolution pour mieux se l’approprier. Décryptage de Samia Ferhat : « Garant de la continuité historique entre la période fondatrice de la fin de la dynastie Qing et la Chine actuelle, la figure de Sun Yat-Sen est envisagée comme source de légitimité et de cohérence politique pour le gouvernement chinois. En mettant l’accent sur sa position d’ouverture à l’égard des communistes, ainsi que sur l’implication notoire de son épouse, Song Qingling, dans leurs activités subversives, Pékin dispute en réalité aux autorités de Tapei le bien-fondé d’un héritage mémoriel et d’une succession politique. » Taiwan se façonne une histoire, et organise deux grandes soirées, le 10 octobre 2011, pour célébrer la date du Centenaire, mais aussi le 12 novembre pour exalter la mémoire de Sun Yat-Sen. Sur un air étonnant de Rue Zhongshan N°100.

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