Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Mehdi Ghadyanloo. Street art chez les mollahs

Publié le 9 juin 2018 par

ouv6540583490_3051521930290358543_n-2.jpg Rencontre avec le peintre muraliste iranien le plus doué de sa génération : comment s’emparer des murs aveugles de Téhéran.

Terre de contrastes, l’Iran occupe plus que jamais une position stratégique dans la géopolitique contemporaine. Terre de traditions, lointaine héritière de la Perse antique, dirigée par le Guide suprême, une démocratie balbutiante sourd aux jointures de son carcan dogmatique. Terre de paradoxes, elle condamne à 12 ans de réclusion la dessinatrice Atena Farghadani pour une caricature (libérée le 3 mai 2016, suite entre autres à une campagne internationale de militants pour les droits de l’homme [[https://blogs.mediapart.fr/irani/blog/070516/l-artiste-et-militante-iranienne-atena-farghadani]]), et arrête l’illustrateur Hadi Heydari pour un dessin de soutien aux victimes des attentats parisiens, tout en portant en son sein une jeunesse cultivée, politisée et idéaliste.

C’est à cette croisée des chemins que se situe l’artiste Mehdi Ghadyanloo, combinant réminiscences géométriques persanes, surréalisme à la Magritte et métaphysique de De Chirico. S’il réserve à ses concitoyens des images optimistes et positives, il n’en oublie pas les vers du pionnier de la poésie moderne persane Mehdi Akhavan Sales : «  Femmes, hommes, jeunes et vieux, nous sommes tous, chevilles enchaînées. Tu peux te rapprocher d’un être désiré, aussi loin que la chaîne te le permettra.  »

Résidant et travaillant à Téhéran, exposant hors d’Iran, pour Mehdi Ghadyanloo, l’art et la culture sont les outils indispensables à l’ouverture des esprits et des ­frontières.

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Comment avez-vous vécu votre enfance en pleine guerre Iran-Irak ?
Mon enfance s’est nourrie d’espoirs et de peurs. À l’époque, il n’y avait que deux chaînes de télévision en Iran, et nous ne voyions que des images de guerre. En famille, nous regardions en boucle les images du front. Je pense qu’il en fut de même pour les enfants de ma génération. Du fait de cette guerre nous manquions de nourriture et de produits de première nécessité. C’était une situation bien particulière !

Il y eut une période de fresques post-­révolutionnaires, célébrant les héros de la révolution…
Il fut un temps, pendant et après la guerre ainsi qu’après la révolution, où ces murs, comme des affiches, étaient un outil de propagande, répétant à l’envi les mêmes messages et symboles en direction de la population.

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La municipalité de Téhéran et son «  Département d’embellissement de la ville  » vous ont soutenu pour de nouvelles œuvres murales. Dans quelles conditions avez-vous pu ­travailler ?
J’étais totalement libre, mais dans la rue, je suis un artiste œuvrant pour les Téhéranais, aussi ai-je toujours tenu à être respectueux de leur religion et de leur manière de vivre. Je porte une responsabilité et je veux être digne de la confiance qui m’a été accordée.

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Quelles sont vos influences ?
J’observe attentivement les habitants du quartier où je vais intervenir, je m’imprègne de leurs habitudes, de la vie de tous les jours. Je mets mes pas dans les leurs.
J’adore les romans, la littérature contemporaine et m’en inspire. Je transpose souvent le personnage clé d’une fiction dans un univers différent, issu de mon imaginaire.
Les personnages de mes fresques retrouvent du plaisir dans des choses apparemment simples mais importantes pour un Iranien aux conditions de vie précaires vécues avec fatalisme.

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Vous avez réalisé une centaine de fresques à Téhéran, pensez-vous que cela puisse avoir une influence sur l’état d’esprit des gens ?
Mes fresques n’ont pas de thématique précise. Il n’y a pas de relations entre elles et les fresques post-révolutionnaires. Je fais de mon mieux. Je crée des scènes, de petites histoires auxquelles chacun peut imaginer un début ou une suite.
J’ai commencé à peindre des murs à 23 ans et j’en ai réalisé la plupart dans les cinq années suivantes. Je pense qu’ils ont le pouvoir d’influer sur la vie des gens. Téhéran est une ville surpeuplée, très polluée, très grise, avec de nombreux murs aveugles (à Téhéran de nombreux immeubles n’ont qu’une façade avec fenêtres. Les trois autres faces étant aveugles, elles représentent de parfaits supports pour la création de fresques et de trompe-l’œil).. Je voulais apporter une respiration, un coin de ciel bleu, offrir aux passants l’opportunité de s’évader de leurs problèmes quotidiens.

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Comment passez-vous du travail dans la rue aux œuvres présentées en galerie ?
Le langage visuel, la démarche sont identiques.
La littérature, le cinéma, l’actualité, la philosophie, tout cela passe par mon ressenti, celui d’une personne vivant et exerçant son activité au Moyen-Orient, et portant un regard bienveillant à l’égard d’une population n’ayant que peu de prise sur l’organisation de la société.
En galerie, j’exprime des sentiments plus intimes, des questionnements plus personnels, où transparaissent des thèmes plus directement existentiels. Mes toiles subissent diverses influences : l’enfance durant la guerre, mon environnement, les proches qui ont tout perdu.

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Parlez-nous de votre toile Zero Time…
C’est tout simplement une allégorie de la vie. Nous sommes tous confrontés aux mêmes difficultés et c’est à force de volonté que nous progressons (atteindre le sommet d’un cube)… avant la prochaine épreuve. C’est ce futur incon­nu et imprévisible qui nous permet de prendre du recul par rapport à notre existence.

Vous considérez-vous comme un muraliste, un street artist ou un peintre ?
Je suis un témoin, un observateur. Je réalise des peintures murales qui peuvent apporter une étincelle au passant, le faire sourire ou éveiller son imaginaire (même si elles ne changeront pas fondamentalement son existence). La peinture me permet d’écrire des histoires singulières sur les murs et pourquoi pas sur la pellicule. Who knows ?

Le street art vous donne l’opportunité de voyager et d’exposer à l’étranger, récemment en Norvège et en Angleterre.
J’ai voyagé dans de nombreux pays et je suis intervenu dans différentes villes. Au contact de tous ces gens, en les écoutant, je suis convaincu que l’homme est le même partout : il aime, il a peur, il sourit, il pleure. Nos émotions sont universelles.

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Vous rencontrez des artistes urbains de toutes nationalités dans les festivals. Quels sont vos rapports ?
Je me sens davantage artiste-peintre que street artiste, mais le fait de travailler dans la rue nous rend très proches les uns des autres et les relations sont très bonnes.

Les autorités répriment l’action de certains artistes de rue. Qu’en pensez-vous ?
J’aime vraiment tout ce qui tourne autour de l’art urbain, y compris les graffitis, particulièrement ceux de mon pays. J’aime leur travail et je les soutiens. Je pense que nous œuvrons tous pour un monde meilleur, que ce soit par les messages revendicatifs, les peintures murales, ou les expositions en galerie.

Envisagez-vous d’exposer en France ?
Je l’espère. Dans l’immédiat, j’ai une exposition en préparation à Los Angeles puis de nouveau à Londres. Je travaille actuellement sur des toiles grand format et je souhaite pleinement profiter de la vie !

Propos recueillis par JLH

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