Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

Filtré pour vous : L'actualité politique et intellectuelle

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N. le Naulleau

Publié le 12 novembre 2012 par

Producteur, animateur, publiciste, chroniqueur sportif, éditeur et même auteur ce mois d’une anthologie de ses propres critiques littéraires, sans oublier créateur d’un prix littéraire, il arbitre désormais les élégances de l’actualité culturelle à la télévision. Mais il y a eu un autre Eric Naulleau avant l’icône.

influenceurs_250.gif Ce n’est pas vraiment un tramway à Sofia qui passe devant les vitrines du café. Le trafic parisien. Eric Naulleau assure qu’il lui arrive de le prendre encore, obstinément, ce tram bulgare. La tasse de café qu’il tient devant lui entre ses doigts, petit animal de compagnie, refroidit doucement. C’est comme ça qu’il le sirote lorsqu’il peut se réfugier depuis une trentaine d’années dans la métropole du Mont Vitocha. Une main calée pour la rêverie cyrillique. Mais à 51 ans, Eric Naulleau est devenu une figure, un personnage de télévision. Happé tout entier dedans. Eric Naulleau, saison 2012. Il soigne sa mise, taille sa barbe, a minci. Toute une vie sous chronomètre. Producteur, animateur, dialoguiste, chroniqueur sportif et littéraire, auteur en novembre d’une anthologie de ses propres critiques amassées depuis vingt ans. Sans oublier, le créateur d’un prix littéraire, le « Prix Claude Milan » qui sera décerné pour la première fois le 17 novembre ! Rien ne se perd.

Il le reconnaît, il y eut «  un pacte faustien  ». Celui, contracté en 2007 avec Laurent Ruquier. Pour remplacer le grommeleur princier Michel Polac, usé en accéléré par l’exercice dans le talk show On n’est pas couché sur France2 de devoir lire des livres médiocres et étriller leurs pâles auteurs négrifiés. Pacte faustien : il lui a fallu repousser d’un pied dédaigneux tout ce qui faisait l’intelligence d’une existence dévouée aux livres. Le fondateur des éditions L’Esprit des péninsules, lancées dilettante en 1993, s’est mis en retrait de cette activité depuis 2012. «  Plus assez de temps  », souffle t-il. Une façon élégante aussi d’enterrer sous la chaux, un passé d’éditeur flamboyant mais toujours sur la brèche et un mic-mac sentimentalofinancier.
En 1993, Eric Naulleau, ex attaché parlementaire, avait baptisé de l’Esprit des péninsules une association loi 1901, où il assurait les activités d’édition. 
Mais les choses sérieuses débutèrent en 1998, et cela commença comme une douce lune de miel : le pianiste et écrivain espagnol Rodrigo de Zayas, fortuné et classé à gauche, consentit à investir dans cette maison d’édition associative, près de 2,5 millions de francs de l’époque. 
Durant une dizaine d’années, L’Esprit des péninsules (EDP) fut une entreprise éditoriale pleine de ferveur et de courage. Rodrigo de Zayas lui-même y publia une tétralogie monumentale d’un millier de pages, intitulé « Ce nom sans écho ». Alors pourquoi se méfier ?
 En 2003, Eric Naulleau, à l’insu de son associé, a déposé la marque « L’Esprit des péninsules ». Une carambouille purement sentimentale a plaidé le dépositaire. Lorsque la maison d’édition, criblée de dettes malgré le succès du 100e livre du catalogue, La littérature sans estomac, pamphlet de Pïerre Jourde, se retrouva dans la tourmente financière, l’actionnaire principal songea à vendre ses parts à un éditeur libéral, proche de José Maria Aznar. Le conflit entre les deux associés s’amorça. Blocages, fâcheries, vexations. Et dans le bras de fer, le pianiste actionnaire découvrit que s’il avait régulièrement versé de l’argent à l’EDP et Eric Naulleau, la marque ne lui appartenait pas depuis belle lurette. La cour d’appel de Paris reconnut, le 4 novembre, la « mauvaise foi » d’Eric Naulleau. En 2007, le tribunal de commerce de Paris avait placé la société L’EDP en redressement judiciaire, puis ordonné sa liquidation. Cette maison d’édition détenait un joli catalogue de 200 ouvrages. L’Esprit des péninsules n’est plus qu’un souffle, et son catalogue est désormais défait aux quatre vents. On est loin du Naulleau des années Sofia comme professeur de lettres coopérant, de la Bulgarie de Jikov et des embrouilles avec la police, des premiers beaux livres aussi tels que le Pentateuque.

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C’est en 2007 qu’a été signé le fameux pacte faustien avec la télévision. Eric Naulleau a rapidement excellé dans la critique semblable au happy slapping. Et il a constitué une forme de duopole idéologique tout à fait intégré à la société du spectacle avec son compère, le journaliste Eric Zemmour. Durant des années, Eric Naulleau a couru comme le lapin de Lewis Caroll. L’argent. L’argent. La carte bleue longtemps a été avalée pour un talbin espéré de 100 francs. Aujourd’hui, l’éditeur des années 1990, sis dans un cagibi au-dessus d’une librairie de polars d’occasion de la rue Trousseau, fait partie du petit manège équin des transactions audiovisuelles. Il s’accroche à la nacelle des propositions hors-sol dont est coutumière l’industrie de l’écran. Cette saison, il est vissé à Paris Première, a dompté une petite ménagerie affûtée de critiques culturels et fait le duettiste avec Eric Zemmour, peut disserter football et écrire sur ses lectures dans Paris Match. Le petit lapin de Lewis Carrol est devenu «  bankable  » mais il court toujours. Le temps. Le temps. Le café voudrait nous signifier une petite résistance. Il prend le temps de refroidir lors de l’entretien, et les souvenirs affleurent derrière le Naulleau pixellisé.

Les réflexes de close-combat aussi. Au mois de mai, il a proposé une émission culturelle à France 2, qui a tergiversé, craint, ratiociné malgré des enquêtes «  quali  » auprès de téléspectateurs qui ont visionné le pilote. «  La télévision publique a démissionné de sa priorité : la culture. Je crois qu’il y a une place pour une émission de ce genre à la télévision à l’instar du Masque et La Plume sur France Inter, assure t-il. A la condition qu’on ne confonde pas la culture et le culturel. Je m’explique : les médias et plus particulièrement la télévision courbent l’échine devant l’ordre culturel des attachés de presse et des éditeurs. Le culturel est destiné à faire vendre, la culture, elle, impose de rentrer dans les détails et les arguments : trop de travail, pas assez vendeur. L’enjeu de la télévision est considérable pour l’industrie culturelle, et notamment l’édition. Plus de cinquante pour cent des livres publiés ne génèrent pas une seule ligne dans la presse, 10% des auteurs goinfrent tout. Passer à la télévision c’est truster de la visibilité et une chance de survie.  » Le bon docteur Naulleau, fort de son diagnostic, se préconise à lui quel antibiotique ? L’automédication est un peu mince dans ses effets. «  Dans ça balance à paris, je m’emploie à mixer, à faire intervenir des visages que l’on ne voit pas partout. Surtout, je me dis que j’ai la bande de critiques, les Tesson, Viviant, Diwan, Kervéan, la mieux affûtée de la télé.  »

Eric Naulleau a vite appris l’art du téflon télévisuel. Ses détracteurs le prennent pour un poseur au ventre creux prêt à tout digérer, et ne considèrent son talent qu’à l’aune d’un duo, Bien et Mal pour jeu de rôles, gauche et droite en Velcro, Zemmour et Naulleau comme existèrent en leur temps incertain, les années 30-40, Pipo & Rhum, beaucoup moins drôles dans la vie que sur la sciure aux étoiles. «  Avec Zemmour, nous sommes à peu près en désaccord aux trois-quart, mais notre duo a pris de la force avec les années. Une forme d’Amicalement votre, où l’on sait quand l’un de nous deux va prendre la parole. Reste qu’il continue à me surprendre  », souffle t-il.

Naulleau Sarajevo

De Kadaré à Ric Hochet. Dans le catalogue de la rentrée, la réédition d’un texte le pince un peu : celle d’un dénommé Patrick Besson Besson, intitulée «  Contre les calomniateurs de la Serbie  »,précédé de «  Belgrade 99  », publié en son temps à L’Age d’homme, depuis septembre chez Fayard. A l’époque encore, l’écrivain de la filière des excentriques s’acquittait de son’entretien charmant avec le leader des Bosno-Serbes, psychiatre et poète, futur mass-murder, Radovan Karadzic, «  un homme adorable, un fêtard anticommuniste, super-démocrate et tolérant  » expliquait-il en 2002. «  Comme sa littérature ne marche pas, il ressort ses scandales pourris, celle de son rêve de Grande Serbie qui est devenu un petit Belgrade. Tout rate chez Patrick Besson : ses bouquins, sa morale, sa stratégie. Mais il sait qu’en France, on a une indulgence sans limites pour ce qui est supposé le style à droite et la bien-pensance à gauche, Besson comme Battisti. Cette fois, on n’a pas eu de pétition de Madame Ernaux  » assène Naulleau.
Cette colère blanche remonte à loin. Naulleau l’éditeur fut particulièrement actif lors de la guerre de l’ex-Yougoslavie. En novembre 1991, alors qu’il était attaché parlementaire du sénateur PS, il publia son premier ouvrage,«  La Bosnie, carrefour d’identités culturelles  » de Midhat Begic. «  Franchement, je ne me suis pas posé de questions trop longtemps sur la situation yougoslave et pour savoir, avec l’ouverture des nationalismes, où se trouvait désormais le pire des candidats  » explique t-il. L’Esprit des péninsules se voulut l’abri des intellectuels serbes, bosniaques, croates réfugiés à Paris et ennemis du régime Milosevic. Sa petite maison, avec une salariée, une vingtaine d’ouvrages par an, a fait place également aux Serbes Ivo Andric et Vidosa Stevanovic, au Céline russe Alexeï Tolstoï, aux Bulgares Angel Wagenstein et Yordan Yaditckov –à qui l’on doit cette expression soyeuse d’Esprit des Péninsules pour décrire la relative indifférence des Français aux écrivains de l’Est. Il dit aussi :  » Les vies humaines sont des phrases écrites avec beaucoup d’amour et d’inspiration, mais pleines de fautes« .
Mais ce n’est pas tant la guerre balkanique qui lui afferma une silhouette, que sa catapulte germanopratine. C’est pour défendre l’essai un peu lourdaud de son auteur qu’Eric Naulleau écrivit lui-même son pamphlet «  Petit déjeuner chez Tyrannie  ». drôle et d’un bon coup de patte d’ours. S’ensuivit une guerre des boutons entre Josyane Savigneau alors puissance du Monde des livres et ce trublion ricaneur qui le fit sortir de sa confidentialité.

Il s’étonne encore de son nouveau statut, celui d’être entré dans la ronde des marionnettes des Guignols de l’Info. Un statut d’influence ou n’importe quel propos tenu devant une caméra est amidonné d’autorité captivante.
Pourquoi critiquez-vous ? «  Critique, c’est un autre mot de lecteur, tout comme étudiant, professeur de lettres, critique littéraire, éditeur, chroniqueur. J’aime bien briser ces fausses divisions dans la culture, je suis un passeur.  » Avez-vous de l’influence ? Un temps, un soupir. «  L’autre jour, à la Porte Maillot, un automobiliste m’a interpellé, me félicitant chaleureusement avec un «  Bravo pour Poulidor !  » Comme je ne le comprenais pas, il m’a rappelé que j’avais défendu le palmarès de Poupou lors d’un échange dans une émission que j’avais, moi, complètement oublié.  » Le café froid est maintenant tout bu, l’ombre floue et byzantine est déjà partie. Mais pas à Sofia cette fois.

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