Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre d’une « école gélatineuse »

Publié le 16 août 2016 par

Tel est l’avis du philosophe Robert Redeker qui, comme beaucoup, publient cette rentrée, son essai sur l’Éducation nationale.

Société. C’est peut-être le marronnier de chaque rentrée, mais en terme de genre essayiste, les livres sur et surtout contre l’état de l’Éducation nationale, toujours en décrochage du classement Pisa à la fin du quinquennat Hollande, remportent toujours quelque succès. Pour sa dernière rentrée à ce poste, la ministre Najat Vallaud-Belkacem n’en finit pas d’être bizutée et sévèrement taclée. Mais les politiques ont-ils encore le temps de lire et de réfléchir ?

Nous sommes les victimes d’une « école-méduse », d’une éducation « gélatineuse », informe, bref d’une École-fantôme (208 p., 17,90 €, Desclée de Brouwer, en librairie le 1er septembre), selon les propos et le titre d’un essai signé du philosophe Robert Redeker. Dans cette analyse, c’est le sujet de la crise de transmission qui est abordé : « Il n’y a pas d’École sans d’abord une pensée de l’homme et de la société – pensée qui aujourd’hui fait défaut. C’est cette absence de pensée qui définit la crise de la vie, cause véritable de la crise de l’École. »
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Robert Redeker :  » Nous sommes les victimes d’une « école-méduse », d’une éducation « gélatineuse », informe.

Pour l’essayiste, nous nous trouvons au pied des gravats de l’École, institution désormais ectoplasmique peuplée « d’enseignants transformés en animateurs socio-culturels et gentils organisateurs du vivre-ensemble, bref en urgentistes du libéralisme ». Pour Redeker, qui invoque les mânes d’un Charles Péguy, la crise éducative nourrit toujours plus la crise de la société, et atteint la conception même de notre existence. « C’est parce qu’on ne sait plus ce qu’est un homme, ce qu’est la vie humaine, ni non plus ce qu’est la mort humaine, qu’on ne sait plus ce qu’est l’École, ce qu’est l’éducation » argumente-t-il.

Sous des apparences techniques mais qui ne manqueront pas d’enflammer le milieu des professeurs d’histoire et au-delà, Vincent Badré, lui, préfère examiner les réformes initiées par le ministère de l’Éducation et leurs conséquences, notamment sur la discipline sensible de l’histoire. Dans l’Histoire politisée ? (le point d’interrogation n’étant que rhétorique) ( 344 p., 19,90 €, Éditions du Rocher, en librairie le 1er septembre), l’auteur estime que « la réforme actuelle n’aide pas les élèves à bien comprendre la vie dans leur pays, son histoire, ses identités et les méthodes pour participer à la recherche de biens communs ». Il voit dans l’examen attentif des nouveaux manuels d’Histoire qui régaleront les élèves dès cette rentrée, comme une insécurité historienne instituée.

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Vincent Badré : « Les gouvernements veulent politiser l’Histoire dans leur sens, mais les habitudes et l’inertie du système transmettent aussi d’autres idées reçues, et conduisent à une absence de consensus sur ce qu’il faudrait enseigner. »

Verdict : « Les gouvernements veulent le politiser dans leur sens, mais les habitudes et l’inertie du système transmettent aussi d’autres idées reçues, et tout cela fait qu’on ne parvient pas à un consensus sur ce qu’il faudrait enseigner. » L’auteur, professeur d’histoire lui-même, invoque une réflexion générale sur « la politisation, la neutralité et la meilleure manière de faire découvrir les choix politiques aux élèves. Cela passe aussi par une réflexion sur la meilleure manière de faire vivre ensembles les composantes de l’identité française, pour qu’elle puisse être transmise aux élèves dans toute leur diversité. »

Rayon sociologie, François Dubet (professeur émérite à l’Université de Bordeaux) et Pierre Merle (professeur à l’École supérieure du professorat s’intéressent au serpent de mer de La Réforme du collège ( Puf, 112 p., 9 €, en librairie le 7 septembre ). Point de vue : les politiques sont tous d’accord pour réformer, mais parfaitement désaccordés sur le type et de contenu de ladite réforme. L’opuscule met en scène ces clivages.
Dubet et Merle, eux aussi, ont des idées de réforme et même d’une « grande réforme » qui romprait avec le statut d’incertitude d’un collège qui ne parvient toujours pas à combiner le collège pour tous et le collège pour chacun.

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François Dubet & Pierre Merle : les politiques sont tous d’accord pour réformer le collège, mais parfaitement désaccordés sur le contenu de ladite réforme.

Et puis il y a le tamis institutionnel, le grand tri des destins : L’école qui classe (Puf, 288 p., 27 €, le 7 septembre), une enquête sociologique signée Joanie Cayouette-Remblière qui a suivi 530 élèves du primaire au bac. Chercheuse à l’Institut national d’études démographiques (INED), l’auteure s’intéresse à l’inépuisable thème des inégalités scolaires. « Plutôt que de réduire les inégalités face à l’école, les politiques de démocratisation scolaire des années 1980 et 1990 les ont repoussées, tout en permettant à l’institution scolaire de prendre de plus en plus de place dans la vie des individus », remarque t-elle. Suivant les trajectoires scolaires d’une cohorte d’élèves des années 2000, elle retrace le plus finement possible les inégalités scolaires qui se creusent au fil des années, et montre également comment cette institution marque en profondeur la vie de chaque individu, les échecs et les ruptures se produisant de plus en plus à l’intérieur même du système.

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Joanie Cayouette-Remblière :  » Plutôt que de réduire les inégalités face à l’école, les politiques de démocratisation scolaire des années 1980 et 1990 les ont repoussées, tout en marquant la vie de chaque individu. »

Sébastien Urbanski, post-doctorant à l’université Lumière – Lyon 2 et membre du Laboratoire Éducation, cultures, politiques, coordinateur de la recherche « Religions, discriminations et racisme en milieu scolaire » (Lyon 2 et Ifé-ENS). lui, s’aventure sur un autre champ de mines, celui du Fait religieux à l’école (Puf, 256 p., 19 €). Pour l’auteur, l’étude du fait religieux à l’école n’est pas une hérésie laïque, bien au contraire. « L’unité républicaine ne saurait se réaliser aux dépens de la diversité culturelle de la nation. À cet égard, un enseignement du fait religieux est nécessaire  » plaide-t-il.
Les atouts semblent nombreux : transmission de connaissances, éducation à la tolérance, valorisation de la croyance religieuse, travail sur des questions existentielles… Mais une question plus brûlante couve sous le plaidoyer : faut-il renoncer à une conception républicaine de la laïcité et s’adapter à une laïcité européenne ?

Sébastien Urbanski : « Apprendre le fait religieux à l’école n’a rien d’incompatible avec la laïcité, et est même nécessaire. »

Rendez-nous le latin, le grec et toute l’intelligence du monde ! « Nous vivons une crise des humanités dans une société du présent, de l’utilité et de la rentabilité. Les réformes de l’enseignement qui se succèdent nous prennent de court. Elles tendent à fracturer un peu plus le socle langagier sur lequel s’appuient notre histoire et notre culture. » Les latinistes et les hellénistes reprennent le flambeau contre la réforme la plus incomprise de la rue de Grenelle en général, et de Najat Vallaud-Belkacem en particulier. Le livre collectif sous la bannière de l’association Alle s’intitule Le bon air latin (308 p., 22 € Fayard, en librairie le 24 août).
Plutôt que de lui adresser une lettre d’insultes en bas-latin, les auteurs en clament l’amour car « le latin n’est pas une langue ancienne parmi les autres : il est la langue ancienne du français, non seulement parce que le français est du latin continué, mais aussi parce qu’il s’est défini, au moins depuis le XVIe siècle, par rapport au latin, dans une relation de filiation à la fois critique et constructive ».
Ce compagnonnage en tension entre français et sa langue-mère aura permis de forger de magnifiques outils conceptuels et intellectuels dans tous les domaines des sciences, de la littérature et des arts, rappellent le collectif fervent.

Laurent Lafforgue, médaille Fields de mathématique, contributeur du livre collectif : « Nous vivons une crise des humanités dans une société du présent, de l’utilité et de la rentabilité. »

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On y trouve de nombreuses contributions et plaidoiries amoureuses de Hubert Aupetit, professeur agrégé, Alain Bentolila, linguiste, essayiste, Alain Borer, poète, essayiste, Pascale Bourgain, professeur à l’École nationale des Chartes («  Nous latins  »), Michel Deguy, poète, écrivain, Jean-Michel Delacomptée, écrivain, Adeline Desbois-Ientile, professeur, Mireille Huchon, professeur à l’université Paris-Sorbonne, Laurent Lafforgue, mathématicien, médaille fields, Jean-Michel Maulpoix, poète et critique littéraire, Valère Novarina, écrivain, dramaturge, metteur en scène, Thomas Pavel, professeur à l’université de Chicago, Olivier Rey, mathématicien et philosophe, Jean-Noël Robert, professeur au Collège de France, Luigi-Alberto Sanchi, grammairien, chercheur, Cécilia Suzzoni, professeur agrégé et Michel Zink, Professeur au Collège de France.
L’amour des langues loin des pensums balourds de l’usine à gaz de la rue de Grenelle.

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