Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Christophe Prochasson #Editions EHESS #François Furet #Inventaires du communisme

Un testament d’avenir de François Furet

Publié le 1 mai 2012 par

Politique. Inventaires du communisme, par François Furet, Editions Ehess : pour comprendre les illusions et les mensonges toujours actuels

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furet.jpg En 2012, que reste t-il de l’historien François Furet (1927-1997) ? Un drôle de petit livre, édité par l’Ecole des Hautes-Etudes en sciences sociales (EHESS) vient de le sortir du purgatoire. Notes testamentaires malgré elles, il s’agit plutôt d’une sorte de postface éclairée, datant de 1997, de son ultime ouvrage, Le Passé d’une illusion(Le Seuil, janvier 1995) : telle pourrait être la réception d’ Inventaires du communisme.

Le Passé d’une illusion s’imposa comme un best-seller qui se vendit à quelques 100 000 exemplaires. Il magnétisa autant de haine que de passion. Il décrivait et élucidait les mystères de la puissance de l’idée communiste sur les esprits au XXe siècle. Il se lisait comme une fresque intellectuelle, à la fois ample et minutieuse, portée par le sabre au clair de l’écriture, comme on en trouvait et on en trouve rarement encore. Enorme émotion à l’époque. D’autant que François Furet avait également publié avec Mona Ozouf, en 1988, un brise-tabou d’envergure, soit Le Dictionnaire critique de la révolution française , mettant sous une nouvelle lumière crue Terreur et jacobinisme, et révulsant dans la foulée tout l’établissement des historiens robespierristes. Une accumulation de contentieux : cet ancien militant communiste (1949- Budapest 1956) fut à l’initiative, en 1982, de la Fondation Saint-Simon. Ses artisans principaux dont Alain Minc, Pierre Rosanvallon et Pierre Nora envisageaient la conversion de la gauche au pouvoir à l’économie de marché. Bref, un intellectuel félon, mais un adversaire redoutable, pour une grande partie de la gauche et de l’extrême gauche pensante.

Dix-sept ans plus tard, l’historien Christophe Prochasson, par ailleurs biographe de cette figure intellectuelle de l’Ehess, a eu l’idée d’exhumer un corpus de 90 feuillets d’une discussion tentée entre l’historien et le philosophe Paul Ricoeur à la suite de la publication du livre à succès. La fatalité de la mort survenue sur un court de tennis a mis un terme à cette tentative de livre en duo, envisagé à l’époque par un éditeur de Calmann-Lévy, le philosophe François Azouvi. Titré par Christophe Prochasson, Inventaires du communisme, le texte synoptique, mi-parlé, mi-réécrit, déroule en effet les différentes étapes du livre imaginé et déjà ébauché (ou plus exactement balbutié entre les deux hommes). Il comporte des interrogations en boucle et des incises sur l’attraction du bolchevisme et du jacobinisme, sur la nature et les concepts du totalitarisme, sur la nation et la guerre, ou encore sur le rôle de l’historien et de sa conception de l’échange intellectuel.

« L’illusion provient d’une croyance sans fondement, induite par le jeu des passions sur l’imagination »

François Furet s’explique notamment sur le terme d’ « illusion » et le distingue du mensonge qui lui est un acte délibéré de tromperie. »Faut-il qu’il y ait mensonge pour qu’existe l’illusion ? Pas forcément, écrit-il. On peut concevoir une situation telle que le besoin de croire soit complètement indépendant à la fois de l’objet de la croyance et des affirmations sur sa réalité : la vie psychologique en offre des exemples. L’illusion provient d’une croyance sans fondement, induite par le jeu des passions sur l’imagination. » Illusion : le vieillard qui croit qu’il peut faire « jeune » pour cultiver le sentiment de protection face à la mort. « Le communisme a bien été l’objet d’un mensonge systématique »mais « présente cette particularité qu’il s’inscrit à l’intérieur d’une illusion partagée : le menteur, en l’occurrence, loin d’avoir le sentiment de duper celui qui l’écoute, veut au contraire le persuader ce qu’il croit vrai« , soutient l’historien. C’est cette « emprise sur les esprits » que Furet cherche à comprendre, la force de cette religion de salut terrestre étant bien supérieure aux forces militaires et matérielles de l’ancienne URSS.

Mais le lecteur peut se faire également son propre éditeur et préparateur de copie. Il cultivera ainsi, et à sa guise, le Furet oral et le Furet écrit, mixant des formules fulgurantes et percutantes tirées du grain de l’enregistrement avec des passages réécrits en marge de la transcription. L’écriture parfois s’avère plus compassée, comme le (pentimento de son audace sur le vif. Mais ce tamis académique indique aussi quels sont les arguments que l’auteur souhaitait constamment polir. Ce texte singulier, dénoyauté -et c’est bien sur dommage- des interventions de Paul Ricoeur qui jeta l’éponge à la disparition de Furet, représente également une petite borne pour rappeler l’Atlantide culturelle et politique que fut le communisme. Et son énigme conceptuelle. François Furet pressentait l’oubli à venir : «  Ce qui me frappe, c’est à quel point nous réfléchissons peu à ce qui s’est passé. C’est un peu pour ça que j’ai écrit ce livre. Regardez : plus personne ne va savoir ce qu’a été le communisme. Il y a dix ans encore (1985/Ndlr), on savait encore : ça existait, les gens avaient une vague notion de ce que c’était, du monde que cela représentait. »

« En ce qui me concerne, si je suis Européen, c’est parce que c’est la moins mauvaise manière d’être fidèle à l’idée nationale »

François Furet, dans ce texte, s’interroge aussi sur l’individu contemporain, la bourgeoisie et la démocratie mais également la mentalité moderne de l’argent, et surtout l’Europe face à ses démons.  » En ce qui me concerne, si je suis Européen, c’est parce que c’est la moins mauvaise manière d’être fidèle à l’idée nationale, dans un paysage très déprimé, où l’Europe n’est plus ce qu’elle était, où donc, il faut qu’elle unisse ses forces, donc ses nations, en face des ouragans et de l’état du monde. Mais nous allons payer très cher, sous toutes ses formes, l’incapacité qu’ont eue les sociétés bourgeoises européennes de gérer le phénomène national au XXe siècle« , dit-il.
Effet fascinant et garanti : un fantôme nous parle d’autres fantômes, et tout cela nous parait que trop présent, et même à venir.

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