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Jean-Pierre Le Goff : Comment Sarko nous casse

Publié le 1 novembre 2010 par

Deux ans après la publication de son essai La France morcelée, le sociologue et philosophe Jean-Pierre Le Goff estime que les traits du sarkozysme qu’il décrivait alors, se sont approfondis : pas de vision politique, la fuite en avant et une fragmentation de la société française.

influsite_3_220.gif Une impopularité croissante, une ambiance de poudre et de méfiance, un sentiment fort d’humiliation en attendant le ressentiment… Trois ans après son avènement, le sarkozysme plébiscité dans les urnes semble être une gouvernance par la guerre civile. On attendait la rupture, c’est la France morcelée (Gallimard) telle que décrite en 2008 par le sociologue Jean-Pierre le Goff. Mais à qui la faute ? Le sarkozysme est aussi le reflet de la mentalité d’un pays, rappelle le chercheur.

LES INFLUENCES: Dans votre essai, La France morcelée (Lire REPERES), vous insistiez sur les sentiments de désorientation et de fragmentation de la société française et des politiques. L’élection de Nicolas Sarkozy et de sa «  rupture  » annoncée n’ont donc rien changé ?

Jean-Pierre Le Goff : Toutes ces années, nous avons vu les politiques publiques s’articuler autour d’une façon de gouverner très spécifique. Les derniers présidents, François Mitterrand et Jacques Chirac nous ont habitués à ces trois traits spécifiques. La fuite en avant : Ils adaptaient dans l’urgence et la précipitation à un monde devenu chaotique, une gestion au mieux des contraintes, sans capacité à être porteur d’avenir d’une nouvelle idée de progrès pour le pays. Le pouvoir informel : Ils s’appuyaient sur les incohérences d’un Etat bousculé, aux responsabilités et aux rôles de plus en plus mal définis, entretenant des situations clientélistes ou démagogiques. Enfin, la langue caoutchouc : grâce à des discours réversibles, ils pouvaient dire tout et son contraire.

La société française qui voyait l’impuissance de ces présidents et de l’Etat à endiguer significativement le chômage de masse n’a pu que faire le constat d’un fossé s’agrandissant entre gouvernants et gouvernés. Pour moi, la nouvelle présidence que voulait incarner Nicolas Sarkozy a peut être gommé les aspérités les plus visibles de cette façon de gouverner, mais elle ne les a pas fait disparaître, loin de là. Le sarkozysme a théorisé sur la nécessité et sa volonté de rupture, mais il en a fait également ses limites. La fuite en avant existe toujours, et s’est même accélérée de façon spectaculaire avec Nicolas Sarkozy.

Qu’est ce qui vous frappe le plus dans la présidence Sarkozy ?

Son discours politique qui s’aligne sur la logique d’émotion, de compassion et de spectacle des grands médias audiovisuels. Ce président se place au centre de l’arène médiatique, diffusant ses messages tout azimuts, et notamment les appels de soutien en faveur des victimes les plus diverses. Il ne l’a pas inventé mais il l’affirme : la compassion contribue à la structuration de la politique, parce que la société, elle, a sécrété un goût certain pour la victimisation. Etre une victime est désormais un élément important pour exister socialement, obtenir des subventions ou des réparations, être reconnu médiatiquement. Depuis la fin des années 1970, l’Etat a de plus en plus de mal à remplir la demande sociale, et préfère surfer sur une vague de plus en plus compassionnelle. Durant la campagne présidentielle, Sarkozy et Royal ont complètement joué de la compassion jusqu’à la surenchère de la larme à l’œil, mélangeant un christianisme plus ou moins sincère avec le sentiment de l’instant. La compassion est devenue un exercice de style du pouvoir.

Nicolas Sarkozy n’est pas un Président survenu par hasard en 2007 ?

Ce qui me frappe, c’est le modèle d’individu qu’induit Nicolas Sarkozy. On l’a comparé au gaullisme activiste, celui du «  Coup d’Etat permanent  » dénoncé en son temps par François Mitterrand, le journal Marianne et beaucoup de ses adversaires, eux, le dépeignent comme un clone de Bonaparte. Je trouve ces comparaisons fausses. On a le droit de ne pas aimer le comportement de Nicolas Sarkozy, mais je crois également qu’il ne faut pas faire l’économie d’un diagnostic sur l’état actuel de la société française, après d’importants changements culturels et politiques intervenus sur les trente dernières années.

Même si ce Président aime avoir de l’ascendant, nous ne sommes pas placés dans une simple logique de domination. Ne pas faire une analyse du gouvernant et du gouverné, c’est rendre le sarkozysme bien caricatural. Ce président n’est jamais que le reflet des électeurs qui l’ont porté à l’Elysée, notamment une bonne partie de l’électorat populaire du secteur privé auprès de qui son discours anti-Mai 68 a fait mouche. Il faut donc regarder des deux côtés. La société française vit un nouveau rapport ambivalent avec l’Etat : d’un côté je me méfie du pouvoir (la marque de Mai 68) et de l’autre, dans le même mouvement, j’en attends beaucoup. Le gauchisme culturel qui imbibe la société et le management des entreprises, que j’ai étudié de près, a façonné le citoyen en client-roi. Sarkozy a satisfait une partie de ce cet électorat, avec son modèle de la performance et du perpétuel gagnant.

Nicolas Sarkozy est d’abord en rupture avec l’héritage gaulliste ?

Dans son style présidentiel en effet, il est sûrement plus proche d’un Giscard d’Estaing. Qui lui même était proche de l’héritage de Mai 68. Son gaullisme est ornemental. Il ne s’agit pas d’affirmer ici que Nicolas Sarkozy n’est pas sincère, mais lorsqu’il lit la lettre très émouvante de Guy Môquet, il est uniquement sur le registre de l’émotion et des sentiments, et dans une dépolitisation totale. En fait, tout comme Ségolène Royal, il fait partie d’une génération qui s’est formée et a fait son apprentissage politique dans les années 70-80, et vit avec la parité, la pipolisation, la recomposition familiale mais aussi le big bang audiovisuel, le culte de l’ego et l’emprise des émotions. Une autre évolution de la société les a marqués : la société s’est déconnectée de l’histoire et d’une vision historique, se laissant submerger par une montée de l’individualisme liée à l’exigence de bonheur. Nous sommes entrés dans une ère de grande sensibilité thérapeutique, d’où la prolifération des victimes. Royal et Sarkozy se retrouvent tout à fait dans ce que Castoriadis appelait «  l’individu patchorwk  », c’est-à-dire un éclectisme culturel.

Pour Sarkozy, l’homme politique qui lui est bien plus proche que De Gaulle ou Bonaparte, s’appelle Bernard Tapie, le manager triomphant des années 80.
Mais si vous me dites Sarkozy, est-ce la franche rupture politique ? Je vous réponds en aucun cas. Il incarne plutôt la fin d’un cycle politique vécu depuis une cinquantaine d’années, qu’un renouveau. Tout comme avec ses prédécesseurs, nous sommes dans une fuite existentielle, un présent flottant désarticulé du passé, déconnecté du futur. Le Président Sarkozy accélère le mouvement, court, sue, prend de l’avance, tendu mais vers quoi ?
Ce qui me parait le plus spectaculaire est le point limite d’une évolution démocratique. Par rapport au gaullisme, le sarkozysme ne connaît pas de transcendance, ne discerne pas l’avenir. Il se place dans une position consumériste et immédiate, contrairement à Mitterrand et Chirac qui nous avaient au moins habitués à la distance. Toute la question est de savoir à quoi sert un Etat ? Jusqu’alors, un Etat semblait nécessaire à la société pour se penser comme une société, et non pas répondre à la moindre demande à la minute.

Vous estimez que Nicolas Sarkozy ne sacralise plus le modèle républicain ?

Ce modèle n’a pas à être sacralisé, mais respecté sans être servile. Un modèle idéal de citoyenneté républicaine consiste à transcender ses intérêts particuliers. Deux hommes politiques français l’ont incarné, sans que l’on ait besoin de s’étendre dans la démonstration de transcendance et de sobriété du pouvoir : De Gaulle et Mendès-France. Il y avait là une conception de la Présidence de la République qui affirmait l’exigence d’une distance nécessaire avec la société, permettant précisément à un chef d’Etat non seulement d’être doté de moyen d’action, mais surtout de se placer au-dessus des fluctuations, de sauvegarder l’unité et d’être un recours possible face aux conflits et divisions de la société. Cette évolution ne concerne pas le seul camp de M. Sarkozy, vous remarquerez qu’il n’y a pas plus d’homme d’Etat à gauche.

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3 commentaires sur “Jean-Pierre Le Goff : Comment Sarko nous casse

  1. Comment Sarko nous casse
    Bonjour monsieur Le Goff.

    Il me semble que pour De Gaulle,l’intérêt général des Français(es)était très éloigné cf.Lobby de l’énergie qui a fait disparaître la 1ère agence de l’environnement par noyautage – €.D.F. et S.F.P.,actuelle TOTAL. Pour Mendès-France,mes connaissances sont trop limitées pour pouvoir en parler.

    Enfin,le résultat en est 1 société HYPER-INDIVIDUALISTE.

    Outre-Rhin ou/& dans les pays Scandinaves,les personnes peuvent se rassembler, en France…,NOUS EN SOMMES BIEN QU’IL LE FAUDRAIT pour VIRER £€$ politicard(e)s CUMU£ARD€)$ AU + TÔT suivant la méthode Islandaise de SITTINGS PACIFIQUES MASSIFS par rotations des citoyen(ne)s faisant le siège de l »€lysée,ministères » & en province, (SOUS-)préfectures,palais de »justice »…

    AFIN d’éxiger leur(s) démission(s) pour BÂTIR 1 VIème R.F.² pour fédérale ? Ceci serait @ décider ENSEMBLE tel qu’en Estonie

    Le problème est qu’AUCUN »média… »accepte d’en parler & encore moins de DIFFUSER

    L’exemple de l’intérêt général d’ 1 vote BLANC MASSIF +tôt qu’ 1 abstention inutile (Experiences multiples), n’a été abordé qu’ 1 fois, à ma connaissance, par Mariannes le 11 ou 12 mars 2010 (Simple édito de J.F.Kahn.

    Pour 2007,$arko.N.a été »élu… »par 40 % des votant(e)s

    Nous sommes loin d’1 majorité du corps électoral

    et encore plus d’1 majorité de Français(es)

    Là, le rapport chute à 1 peu +

    d’1 Français(e) sur 4…

    Merci pour votre attention. 1 simple géographe, @ bientôt peut-être,je laisse mon courriel & essaierais de vous lire à la bibliothèque municipale, 1 histoire de »pouvoir d’achat… »comme pour 1 nombre grandissant de Français(es)

    .

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