Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Amélie Nothomb #Delphine de Vigan #Eric Naulleau #Jérôme Garcin #Le Monde des livres #Yann Moix

«  Rien ne s’oppose à la nuit  » : sauf nous

Publié le 28 septembre 2011 par

Le livre appartient à un genre en vogue qui nous ferait vite regretter la bonne vieille autofiction des familles : le drame familial.

viviant3-2.jpg La critique littéraire officielle durcit le ton. Il y a maintenant, dans les journaux, de plus en plus de critiques violemment négatives, d’assassinats en règle. Ici ou là, de nouveaux snipers ont été embauchés. Que le meurtre ne soit plus réservé au «  Figaro  » ou à «  Libé  » et surtout pas à Internet. Ces nouveaux critiques ont, tels des agents secrets, l’autorisation de tuer, mais à une condition : être drôles. De plus en plus, le critique littéraire se transforme en humoriste, en clown blanc. Comme à la télévision, on entend parfois en lisant ses articles les rires enregistrés à la fin de certaines phrases.

Yann Moix a rapidement exterminé Amélie Nothomb dans «  Le Figaro  », puis ce fut Jérôme Garcin dans «  Le Nouvel Obs  », et Eric Naulleau dans «  Paris-Match  » où il débute avec rage. Du coup, Amélie Nothomb vend moins que d’ordinaire, est-ce un effet du hasard ? Mais Amélie s’en fiche, car pour sa part, elle vient d’être embauchée comme critique littéraire dans «  Le Monde des livres  » où, du coup, sauf à paraître totalement ingrat, on aura du mal à critiquer ses romans. Finalement, à lire la nouvelle formule du supplément du «  Monde  », c’est à se demander si tous ces écrivains confirmés qui y collaborent n’étaient pas tous, en réalité, que des critiques ratés.

Nul en tout cas, à notre connaissance, n’a encore songé à dire du mal du «  roman  » de Delphine de Vigan, «  Rien ne s’oppose à la nuit  ». Il faut dire que le livre caracole actuellement en tête des ventes. Il a d’ores et déjà reçu le premier prix littéraire de la rentrée, celui de la FNAC, décerné le 31 août. L’année dernière, «  l’agitateur depuis 1958  » avait déjà eu le nez très creux en décernant son prix au premier roman de l’Estonienne Sofi Oksanen, qui allait bientôt être couronné par le prix Fémina étranger, et devenir un best-seller de la fin d’année 2010. On vient aussi d’apprendre par un sondage réalisé par «  Livres Hebdo  », et immédiatement relayé par l’AFP, que le livre de de Vigan était le préféré des libraires, devant le Franzen. La librairie va mal. Elle est en crise depuis mars 2011 sans qu’on en sache vraiment les raisons. Le syndicat de la librairie a même dû s’offrir des pages de pub cet été dans les suppléments littéraires pour rappeler au lecteur que c’était en librairie qu’on achetait des livres. On serait sévère avec elle si on lui reprochait soudain d’aimer les livres qui se vendent.

Delphine de Vigan le dit dès les premières pages : elle va «  écrire sa mère  ». Plus de préposition, l’auteur n’entend pas écrire sur sa mère, ou au sujet de, non elle radicalise son geste, elle va écrire sa mère comme on dit peindre la mer. Le livre appartient à un genre en vogue qui nous ferait vite regretter la bonne vieille autofiction des familles : le drame familial. Ou, pour être plus exact : le livre des morts. Une forme un peu tibétaine de littérature française, et je reste poli. Le père mort, la mère morte, le frère mort, le grand-père mort, le prématuré dans les limbes, le chien assassiné, le chat suicidé, le perroquet euthanasié en Suisse, tout est bon pour faire livres, comme dirait de Vigan… Tous ces romans — ainsi se déclarent-ils tous à la douane — ont des airs de tombeaux, d’urnes funéraires. Ici reposent les cendres de. Une pensée pour. Vous reprendriez bien un petit peu de pulsion de mort sous couvert de «  La vie est belle  » ?

«  Je n’avais jamais mis en mots le 31 janvier  », écrit Delphine de Vigan. L’écriture, pour ce type de livres, ce serait donc ça : une traduction en mots. Il fallait y penser. Par un effort douloureux, proche de l’accouchement, accompagné d’insomnies, de migraines, de lumbagos que l’auteur ne manque pas de nous décrire par le menu, une transsubstantiation s’effectue alors : les faits qu’on a mémorisés deviennent des mots, puis miraculeusement un livre qui finit en pile à la FNAC. Un p’tit tombeau pour Maman avec sa photo dessus : un peu comme les cadeaux que les enfants fabriquent à l’école pour la fête des mères. Un cendrier en mieux.

Vieux style  », comme dirait Beckett. Ici, c’est moderne, il n’y en a plus.

Mais n’allez pas croire tout de même : tout cela n’est pas fait n’importe comment, loin de là, vous explique au passage l’auteur. Delphine de Vigan avoue qu’ «  il m’est apparu que je devais assumer mes mots, mes silences, ma respiration, mes circonvolutions, ma propre langue en résumé  ». Ce «  en résumé  » résume tout. Il est bien con comme la lune. Delphine de Vigan n’écrit pas en français comme tout le monde, elle écrit dans sa propre langue — et tout son douloureux travail est de trouver, d’affirmer, de posséder cette langue à elle que tout le monde va ensuite comprendre. La question de la langue, à soi, toujours à soi personnelle, personnalisée on pourrait presque dire, n’est là évidemment que pour évacuer celle du style. «  Vieux style  », comme dirait Beckett. Ici, c’est moderne, il n’y en a plus. Quand Delphine de Vigan écrit qu’elle est «  bouleversée  », il faut juste comprendre qu’elle l’est. C’est un de ces mots à elle. Mais il est écrit chez elle comme nulle part ailleurs, ici seulement il est plein de silence et de larmes : «  Aujourd’hui mes enfants grandissent et même s’il est d’une grande banalité de dire à quel point cela m’émerveille et me bouleverse, je le dis et je l’écris.  » Attention, un futur critique littéraire du «  Monde des livres  » vient de naître.

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8 commentaires sur “«  Rien ne s’oppose à la nuit  » : sauf nous

  1. «  Rien ne s’oppose à la nuit  » : sauf nous
    Je n’ai pas lu le de Vigan…pas encore.
    Ses « gargouillis » me font hésiter. Mais je crois la critique féconde de toute façon.
    Voir aussi le « Jourde et Naulleau »sur les fausses gloires et nouvelles valeurs, surévaluées pour la plupart, dans le roman français d’aujourd’hui.
    Ca ravigore, ça ravigotte, ca met un peu de poil à gratter dans le concert de louanges…trop souvent axé sur de classiques intérêts financiers !

  2. «  Rien ne s’oppose à la nuit  » : sauf nous
    L’auteure s’appelle Delphine de Vigan, pas Le Vigan. On peut ne pas apprécier son livre mais le minimum est de faire attention à ne pas écorcher son nom.

  3. «  Rien ne s’oppose à la nuit  » : surtout pas moi
    Aï !! Je suis une des victimes piégées par la couverture du livre de Delphine de Vigan que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam avant cet effroyable embuscade tendue au détour du rayon culturel d’un Leclerc de province en pleine Toussaint.
    Pauvre de moi ! J’avoue que je ne suis pas un pseudo intellectuel du genre à avoir des idées sur tout mais surtout des idées comme disait l’un de nos grands philosophes du XXème siècle. Je suis quelqu’un issu du bon peuple de France à qui, il arrive de temps à autres d’ouvrir un bouquin sans dessin et avec beaucoup de lignes dedans, d’y prendre du plaisir (ou pas d’ailleurs) et surtout de savoir s’arrêter à temps quand la lecture devient trop fastidieuse par la présence surabondante de figures stylistiques ou trop ennuyeuse par un récit manquant de relief ou d’intérêt.
    Tout compte fait, je suis sorti indemne de cette expérience et j’ai pu découvrir avec bonheur qu’il y avait d’autres auteurs et écrivains que ceux contenus dans le «  Lagard et Michard  ». J’y ai trouvé un style très fluide, une histoire qui m’a bouleversé et il faut juste comprendre par là que je l’étais, tout simplement. Du coup, je me suis plongé dans les cinq premiers bouquins de cette écrivaine qui écrit «  moderne  » et n’ai pas regretté d’y avoir consacré quelques heures de mon temps. Pour finir, récemment, je me suis même fendu d’une escapade à Houdan avec ma petite famille où Delphine de Vigan venait dédicacer ses livres aux braves gens de la France d’à côté dont Margot que j’ai bien cru reconnaître dans la file d’attente et qui, pour quelques heures souterraines, avait quitté sa chaumière en cessant de chialer. Donc un grand merci à Delphine de Vigan qui a fait pleurer ma mère et ma sœur (c’est de famille où alors, il y a un truc), qui m’a donné à nouveau le goût de la lecture et a incité mon fiston à lire autre choses que les pieds nickelés.

  4. «  Rien ne s’oppose à la nuit  » : sauf nous
    Bravo, enfin on sort de l’ennui mortel des éloges unanimes! Ce livre est assez ennuyeux en effet, et on se passerait volontiers des descriptions par l’auteur de ses malaises physiques à l’occasion de cette pseudo psychothérapie….Je suis toujours surprise par ce besoin d’étaler les turpidudes d’une famille sous le nez des lecteurs qui ne souhaitent pas forcément en connaitre autant, comme les larcins systématiques des enfants, par exemple…..cela semble tout à fait normal, ça le gêne personne, c’est presque revendiqué! Curieux!!!!

  5. «  Rien ne s’oppose à la nuit  » : sauf nous
    Enfin!!! merci d’avoir osé critiquer cette oeuvre d’auto-flagellation nombriliste, issue de la pensée unique de la caste bobologique Parisienne! Le Vigan et son éditeur ont piégés les lecteurs avec une photo et un bout de texte de Bashung. Cocktail délicieux et réussi qui nous fait croire qu’il s’agit d’un récit fouillé et argumenté sur la place d’un être à la personnalité dérangée, au sein d’une famille, et face à sa propre fille.Celle-ci ne fait que s’accaparer le propos sur ses propres gargouillis à elle et nous gave d’états d’âme et d’exhibitions plus ou moins glauques sur toute sa famille. On a droit à tous les bons ingrédients qui font vendre: inceste, drogue,théories hyppies d’antan…etc…de quoi alimenter un rayon complet en supermarchés. En outre, on lui a décerné le Prix France Télévision, qui va lui assurer un suivi confortable en téléfilm avec le Cluzet de service ou la Maïwenn à la mise en scène!Comme vous, je m’oppose à la nuit de Delphine de Vigan, car son livre fait partie des inutiles, même pas un roman de gare. Juste bon à éviter à son compte en banque une vraie dépression, grâce à une clientèle désignée d’avance, les pleureuses alias « Margot dans sa chaumière », ou comment mitonner une bonne recette fidèle à ce qu’attend son public.Bravo, Arnaud Viviant, et merci de sortir du consensus.

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