Influences (n. fem. pluriel)
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  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Hugo Chavez #Laboratoire pour un socialisme du XXIe siècle #Politique #Utopia

Le labo latino de la gauche

Publié le 4 novembre 2011 par

Selon Marta Harnecker, sociologue et conseillère de Chavez, l’Amérique latine constitue le terrain d’expériences idéal pour un socialisme du XXIe siècle.

La sociologue Marta Harnecker.
La sociologue Marta Harnecker.
Une sociologue chilienne, ancienne élève d’Althusser, ancienne journaliste de propagande et qui plus est, actuelle conseillère de l’autocrate Hugo Chavez… A priori le parcours de Marta Harnecker (1937) sent le fagot fumeux et crépitant d’illusions stériles. Et pourtant, cette figure emblématique des mouvements d’émancipation et de transformations sociales d’Amérique latine,nous éclaire sur les nouvelles orientations de la gauche latina dans son ouvrage «  Laboratoire pour un socialisme du XXIe siècle  » (Utopia Editions). Le petit club Utopia, à ambition intellectuelle transpartis de gauche,a édité l’opuscule en français, et c’est plutôt une bonne idée. C’est que depuis l’élection de Hugo Chavez en 1998 au Venezuela en effet, une majorité de gouvernements est passée à gauche dans la dernière décennie. Celle-ci constitue une ligne politique qui contraste singulièrement avec les anciens régimes favorables aux États-Unis, mais aussi avec le castrisme dinosaurien.

Une émergence spectaculaire : Avec le premier sommet des pays d’Amérique du Sud en 2000 au Brésil, suivi du premier sommet des communautés en 2005 qui a constitué les prémices de l’accord UNASUR signé en 2008 à Brasilia, les gouvernements rebelles s’opposent de plus en plus à la traditionnelle politique américaine issue de la doctrine Monroe. Les vives critiques adressées au traité de la zone de libre échange (ALCA ) par de nombreux pays d’Amérique du Sud, symbolisent cette nouvelle opposition au néo-libéralisme. Une alternative a d’ailleurs été installée sous le nom de «  alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique  » (ALBA), fondée par le Venezuela et Cuba, rejointe par plusieurs pays d’Amérique centrale et des Caraïbes. Les poids lourds comme le Brésil ou l’Argentine n’ont cependant pas voulu s’associer à cette alliance un peu trop bolivarienne, révélant la grande hétérogénéité de la gauche sud-américaine. Cela n’a pas empêché néanmoins la tenue de l’organisation des Etats d’Amérique pour demander la levée des sanctions contre Cuba ou la mise en orbite de la banque du Sud, d’après l’idée d’Hugo Chavez qui s’oppose à l’impérium du FMI. On observe donc tout un ensemble d’accords et de créations d’institutions qui renforcent l’intégration des pays d’Amérique du Sud à la manière des débuts des communautés économiques européennes.

Quelle gauche en Amérique du Sud ?

L’intégration ou non à l’ALBA dénote une ligne de fracture dans les gauches d’Amérique latine. Jorge Casteneda, ancien chancelier du Mexique, oppose à ce propos la «  bonne gauche  » qui est partisane d’une économie qui met l’accent sur le social sans rompre avec le libéralisme et la «  mauvaise gauche  » qui se caractérise par ses accents anti-impérialistes, usant du protectionnisme social et économique. Elle est au contraire qualifiée par le sociologue James Petras de «  gauche pragmatique  » qui s’oppose cette fois-ci à la «  gauche radicale  » guère plus représentée que par la guérilla des FARC devenus narco-révolutionnaires.

Marta Harnecker en appelle elle à une véritable éthique socialiste, laquelle doit projeter une image de joie et de dynamisme tout en évitant le sectarisme. En substance, c’est une révolution culturelle dont la visée est de changer la division du travail, sexuelle,et sociale. Traumatisée par l’expérience chilienne, cette nouvelle gauche qu’elle cherche à théoriser ne doit pas refaire les erreurs de l’Unité populaire d’Allende lorsque les postes étaient répartis entre les différents partis composant l’Unité populaire au prorata des voix recueillies . Pas plus qu’elle ne reproduira la toute puissance du parti unique soviétique, l’outil politique devant lui aussi se transformer et s’extraire de son héritage culturel passé, de la même manière que les organismes de l’Etat bourgeois précédent. Le parti devra donc être contrôlé par une critique publique structurée en comptant sur l’autonomisation du peuple, capable de mettre en cause publiquement d’éventuelles déviances des instances centrales.

Marta Harnecker n’a pas son pareil pour s’engager intellectuellement et de façon pragmatique à la vague rose qui enlace l’ Amérique latine. Son opuscule réalise un véritable tour de force en adaptant sa parfaite maitrise du matérialisme historique à la situation sud américaine. Son honnêteté intellectuelle se ressent dans son argumentation, que ce soit dans ses distances prises avec la monstruosité soviétique sans rejeter pour autant les fondements théoriques du marxisme, mais sans tomber également dans l’apologie de « l’indigénisme » d’un Moralès ou le folklore altermondialiste qui sait mobiliser mais ne sait pas trancher dans ses choix conceptuels.

Les travaux pratiques de cette nouvelle gauche sont picorés dans l’expérience chavetiste. Le discours de la sociologue conseillère épouse évidemment les structures cognitives de la révolution bolivarienne et veut décoller (sans vraiment y parvenir) l’image de populiste collée au président vénézuélien,en essayant de faire comprendre à ses opposants que le populisme dans l’esprit du socialisme du XXI siècle n’est autre qu’une tentative de renouvellement politique ambitieuse en passe de se réaliser au Venezuela.

Le but de la gauche du XXIe sciècle selon Maria Harnecker, c’est de proposer une alternative au capitalisme grâce à «  une société de travailleurs organisée selon une logique humaniste et solidaire destinée à satisfaire les besoins humains, délivrés de la pauvreté matérielle et des misères spirituelles engendrées par le capitalisme« .
L’ère post-moderne se caractérise par son ambiguïté, aussi faut-il faire attention à certaines évolutions difficiles à percevoir. Si la droite a également versé dans la critique du libéralisme ( «  irresponsabilité  », «  malheurs des exécutifs  » selon Stiglitz), il n’est pas dit que la démocratie d’aujourd’hui entraîne le mieux-être, étant donné que les véritables décisionnaires ne sont pas les parlements mais les institutions internationales (FMI, Banque mondiale, banques centrales et organismes de sécurité nationale) dont les fers de lance sont les moyens de communication. L’intellectuelle se penche à ce propos sur ces nouveaux médias qui fabriquent le consensus et œuvrent pour «  domestiquer le troupeau perplexe  » (Noan Chomsky). La «  démocratie bourgeoise  » peut se permettre une défaite électorale si elle tient encore l’appareil médiatique, fer de lance de son contrôle sur les mentalités et les structures économiques d’un pays.

Le « protagonisme populaire » et les communautés

Le capitalisme considère l’homme comme un être profondément individuel, séparé des autres, alors que la philosophie de la démocratie socialiste croit en la nature sociale de l’homme. Cela implique un rejet du collectivisme qui supprime les différences de chaque membre de la société au nom d’un groupe, celui-la même qui a constitué une déformation manifeste du marxisme. Le citoyen révolutionnaire se doit, pour la réussite de la transition, de se constituer en tant que « protagoniste » des évènements à tous les niveaux de la société. Il s’agit que la démocratie du peuple transforme le citoyen en sujet révolutionnaire. En clair, transformer la forme même de la démocratie, et sortir du patronage de l’Etat, incompatible avec le « protagonisme populaire« . Ce n’est plus, aux yeux de Marta Harnecker, le citoyen mendiant mais le citoyen conquérant qui crée sa véritable démocratie totale. C’est à ce moment qu’il faut passer «  du gouvernement du peuple à l’auto-gouvernement du peuple  » selon Aristobalo Isturir, ancien ministre de l’Education du Venezuela.

C’est sur cette base idéologique qu’ont été crées les conseils communaux, nouvelle institution du socialisme du XXIe siècle, où la représentation des communautés détient plus de poids que la représentation institutionnelle. Ces conseils ont été créés à partir de l’expérience des comités de Tierra Urbanos, quand 200 familles luttèrent pour régulariser la propriété de la terre. Au Venezuela, il y a dorénavant 52000 communautés qui se choisissent une instance représentative du gouvernement communautaire, les fameux conseils communaux.

Cette philosophie du pouvoir nécessite un passage de la démocratie représentative à la démocratie déléguée, c’est à dire que la population doit être créatrice de la décision, ce qui présuppose l’installation d’une démocratie directe comme lors de l’expérience de la commune de Paris. Elle s’articule autour des citoyens élus par les conseils communaux qui fait remonter les décisions des communautés aux niveaux supérieurs et assurent une relation directe entre électeur et prise de décision à tout niveau. Ils se doivent avant tout de préserver les intérêts des électeurs, et ne sont pas rémunérés pour ces fonctions représentatives . Ils peuvent bien entendu à tout moment être démis de leurs fonctions en cas de corruption ou de dérives bureaucratiques.

Il apparaît évident pour Marta Harnecker de restructurer les rapports de production, de distribution, et de consommation. Pour soutenir ce triangle dialectique, il semble nécessaire de se concentrer à la propriété collective des moyens de production en allant plus loin qu’un acte juridique d’expropriation. Il s’agit surtout d’éviter l’apparition d’un capitalisme d’Etat comme sous l’Union soviétique. Pour cela, la division du travail taylorienne doit être abolie pour que les travailleurs s’approprient les connaissances des cols blancs afin d’organiser le travail. Quant au niveau de la production, dans un souci de justice économique et écologique, les conseils communaux ont pour mission d’édicter le niveau nécessaire de production aux forces économiques afin d’éviter les errements du Gosplan soviétique.

Le socialisme du XXIe siècle se détache de l’idée que l’Etat incarne l’unité de la nation

La justesse d’une décision économique s’apparente dès lors en fonction de son degré de décentralisation. Lénine parlait déjà «  d’ulcère bureaucratique  » qui affectait l’appareil d’Etat soviétique. Maria Harnecker voit également dans la centralisation de «  la lenteur, un manque de contrôle et une dilution du pouvoir du peuple  ». Fidel Castro en avait déjà tirer les leçons lors de l’échec de la récolte de la canne à sucre : il faut contrôler l’Etat et pour cela lutter contre le fléau de la bureaucratie. Le socialisme du XXIe siècle se détache de l’idée que l’Etat incarne l’unité de la nation.
Ces nouveaux partisans du socialisme, Marta Harnecker en tête, ne désirent pas pour autant une décentralisation anarchique. Ils veulent plus précisément une articulation des pouvoirs locaux qui doivent néanmoins se sentir partie d’un tout national. Il ne s’agit pas de cette décentralisation promue par le néo libéralisme et qui dilue l’unité de l’Etat-nation. Les théoriciens s’attachent davantage à une conception socialiste de la décentralisation en fortifiant les communautés et les communes pour renforcer au final l’efficacité de l’Etat central et la démocratie sociale.

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2 commentaires sur “Le labo latino de la gauche

  1. Le labo latino de la gauche
    Marta Harnecker toujours en bonne forme à ce que je vois avec sa très bonne analyse sur l’essor des gauches en Amérique du sud, dont on ferait bien de s’inspirer ! le marxisme scientifique a toujours eu une longueur d’avance sur tout le monde !

    1. Le labo latino de la gauche
      A l’heure de la crise du capitalisme mondialisé et avec la domination du dollar américain sur le monde, les pays socialistes de l’Amérique du Sud ont intérêt à se dépêcher à créer la banque du Sud.

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