Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Gérard Haddad, psychanalyste du désastre

Publié le 18 décembre 2011 par

«  Comment peut-on vivre si on ne fait jamais confiance à personne ?  », demande le psychanalyste à propos des camps de concentration et de leur héritage

Gérard Haddad
Gérard Haddad
Tous les genres littéraires ont témoigné des camps de concentration nazis: des « rouleaux sacrés » exhumés de la terre au pied des cheminées d’Auschwitz du Sonderkommando Zalman Gradowski (publiés sous le titre : Au coeur de l’Enfer), au témoignage de Primo Levi et des orphelins des disparus recueillis par Claudine Vegh dans Je ne lui ai pas dit au revoir. Les historiens ont précisément documenté l’Holocauste : La destruction des Juifs d’Europe de Raul Hilberg et les deux tomes de L’Allemagne nazie et les Juifs de Saul Friedlander. Dans Le coeur conscient, Bettelheim racontait comment la psychanalyse lui avait inspiré des stratégies pour survivre et sauver sa propre raison à travers Dachau et Buchenwald. La parole de ceux que l’industrie de la mort nazie avait voulu anéantir continue de parler un demi-siècle plus tard. La production littéraire et artistique sans cesse renouvelée témoigne de la lumière noire des camps, ces astres éteints qui continuent de bruler nous dit Gérard Haddad.

Mais le livre de Gérard Haddad, Lumière des astres éteints(Grasset), franchit une nouvelle étape de cette écriture, une forme de récit originale : à partir de sa pratique clinique, Haddad analyse la mutation irréversible produite par l’expérience des camps dans la conscience occidentale.

Car la mémoire du camp résonne dans le cabinet du psychanalyste : une femme raconte une histoire fausse sur un père et une mère imaginaires et finit par s’avouer la réalité : la honte infinie qui la traverse d’avoir vu sa mère mourir sous ses yeux à quatre ans dans le camp, elle n’arrive littéralement pas à en «  fermer les yeux  » ; un autre vit dans l’hypermnésie du camp à en compter les herbes et les pierres des décennies plus tard ; «  Comment peut-on vivre si on ne fait jamais confiance à personne ? » répète Tzipi, un mantra qu’elle oppose au conseil mortifère de son père fruit de son expérience du camp : «  N’aies jamais confiance en personne, chacun ne cherche qu’à profiter des autres, à les rouler ! ». Tzipi, comme Primo Levi finira par se jeter dans le vide.

Qu’est ce qui réunit ces personnes ? Tous ces imaginaires souffrants ont été comme «  irradiés  » par les camps de concentration. La «  lumière des astres éteints  » continue de briller aujourd’hui dans le ciel nocturne occidental affime Gérard Haddad. «  Le camp, son ombre, ses effets sont toujours là  », sa monstruosité habite chacun de nous. Le camp est une bombe à retardement qui n’en finit pas d’irradier notre quotidien ; en témoigne «  le refus de cette confiance en l’autre devenu universel à l’origine de l’effritement de nos sociétés  ». Le malaise dans la civilisation plonge ses racines dans le camp. Celui-ci a irrémédiablement blessé la confiance fondamentale à la base de toute société.

Haddad montre que ces chuchotements de souffrances qui résonnent sur les murs de son petit cabinet, à partir d’une pratique clinique modeste, sont ceux de toute une civilisation, la nôtre.

Haddad montre que ces chuchotements de souffrances qui résonnent sur les murs de son petit cabinet, à partir d’une pratique clinique modeste, sont ceux de toute une civilisation, la nôtre. «  nous sommes confrontés à une Europe qui semble comme frappée d’une pesante langueur, d’un indéfinissable vague à l’âme, d’un voile de mélancolie qui entrave sa marche aussi bien dans son économie que dans sa vie culturelle, en contraste avec des peuples hier misérables, aux milliards d’individus soudain animés d’énergie et d’inventivité  ».

Gérard Haddad risque une hypothèse : Et si la lumière éteinte des astres du camp, la voix des disparus, continuait de briller et de chuchoter au creux de nos inconscients ? On se souvient des mots du poète Aharon Appelfeld dans Histoire d’une vie : «  Plus de cinquante ans ont passé depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le coeur a beaucoup oublié, principalement des lieux, des dates, des noms de gens, et pourtant je ressens ces jours-là dans tout mon corps. Chaque fois qu’il pleut, qu’il fait froid ou que souffle un vent violent, je suis de nouveau dans le ghetto, dans le camp, ou dans les forêts qui m’ont abrité longtemps. La mémoire, s’avère-t-il, a des racines profondément ancrées dans le corps. Il suffit parfois de l’odeur de la paille pourrie ou du cri d’un oiseau pour me transporter loin et à l’intérieur  ».

Qui n’a pas fait l’expérience étrange en parlant avec un rescapé des camps d’extermination nazis, avec cette hypermnésie qui caractérise le discours, qu’il parlait avec quelqu’un qui semblait ne pas avoir quitté le camp ? Ce que Haddad nous dit c’est que l’expérience du camp est désormais tatouée sur l’âme de l’occident. Selon la sentence de Lacan au fronton de l’Ecole dont il avait rêvé : «  Le camp est le réel de notre temps  ».

Que croire ? A qui peut-on faire confiance ? Ces questions de base que tout enfant demande à son père fondent toute humanité. Ne sont-elles pas définitivement blessées après l’Holocauste? Selon Haddad «  Notre tâche est l’écriture d’une nouvelle page, celle qui s’attellerait à la guérison des structures malades du camp, à la reconstruction du n?ud brisé de notre psychisme  ». «  Comment peut-on vivre si on ne fait jamais confiance à personne ? ». Le Kaddish de Tzipi murmure en chacun de nous.

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7 commentaires sur “Gérard Haddad, psychanalyste du désastre

  1. Gérard Haddad, psychanalyste du désastre
    Je viens de découvrir votre discours devant les médias et je me suis dit que cela faisait longtemps que l’on avait pas entendu un vrai juif, c’est à dire un frère en humanité, un croyant, un généreux, un penseur, un rassembleur. Vous êtes comme tous ces juifs qui m’ont considérés comme un membre de leur famille lorsque j’étais illettré. De ceux qui m’ont appris que je suis un sémite. Votre vision du futur d’Israël est d’un pragmatisme sans faille. C’est des gens comme vous je montrerai à mes enfants lorsqu’ils me demanderont ce qu’est être juif. Merci

  2. Gérard Haddad, psychanalyste du désastre
    Perte de la confiance, perte du prépuce, même tabac ! Car le prépuce est un formidable sex toy, à renier et vilipender les joies naturelles données par le créateur, on en vient tout naturellement à l’abjection et à la banalisation du mal :

    « Un sondage préliminaire : 83% des circoncis ignorent les petits orgasmes en série, 88% des intacts en jouissent ! »
    https://www.academia.edu/5917294/Un_sondage_préliminaire_83_des_circoncis_ignorent_les_petits_orgasmes_en_série_88_des_intacts_en_jouissent_mis_à_jour_08.08.2015_

    « Lèvre érogène et protectrice d’érogénéité, le prépuce est un organe sexuel ; son ablation est une mutilation »
    https://www.academia.edu/3892351/Lèvre_érogène_et_protectrice_dérogénéité_le_prépuce_est_un_organe_sexuel_son_ablation_est_une_mutilation_mis_à_jour_03.08.2015_

  3. Gérard Haddad, psychanalyste du désastre
    Bonjour je me permet de vous écrire

    Mons Haddad une de mes sœurs Marlene. Riahi a perdu son fils qui était en grande souffrance , j’aimerai que ma sœur se fasse suivre par vous je pense qu’elle en a besoin , elle cherche a se détruire pour rejoindre son fils pas en se suicidant mais a noyer son chagrin pas dans l’alcool mais en ne cessant pas de fumer4 voir 5 paquets de cigarettes par jour en prenant des calements .
    Pourriez vous l’aider elle refuse de consulter un Psy.
    Ma cousine Mme vidal Jeannette m’a donné vos coordonnés mon mail est simonemselati@yahoo.fr
    Merci de me contacter si vous le voulez vous pouvez joindre ma cousine qui vous transmettra mon tel
    Cordialement Mme Simone Souffan épouse Mselati

  4. Gérard Haddad, psychanalyste du désastre
    Il serait donc grand temps, pour prévenir le prochain génocide réciproque, l’entre-extermination probable en Palestine, et à coups de bombes atomiques, d’arrêter de se frapper la tête contre les murs des lamentations, voir d’en construire de supplémentaires (de la honte), et d’abolir la circoncision.

  5. Gérard Haddad, psychanalyste du désastre
    «  Comment peut-on vivre si on ne fait jamais confiance à personne ?  »

    La réponse à cette question réside dans une autre question, fondamentale :

    Comment peut-on vivre en imposant la torture de la circoncision, c’est à dire son propre handicap physique et mental, à ses enfants, en particulier puisque la conséquence est la suivante :

    http://www.academia.edu/2517991/Les_mutilations_sexuelles_feminines_et_masculines_le_plus_grand_crime_contre_lhumanite_catalyseur_de_genocides_11.02.2013_

  6. Gérard Haddad, psychanalyste du désastre
    Cher Gérard Haddad, je vous ai écouté hier soir le 18 janvier ‘Les mots de minuit’ et j’ai beaucoup apprécié votre référence à Yechayahou Leibowitz. Je ne peux pas vous dire combien je souffre du silence de mes parents sur la Choa par balles mais je préfère vous dire combien j’apprécie le travail que vous accomplissez à commencer par le rêve traversé que j’ai lu et relu étant pour ma part professeur agrégé d’hébreu qui oeuvre pour la paix et l’entente entre les peuples de toute la Méditerranée.

    1. Gérard Haddad, psychanalyste du désastre
      Cher Rina,
      Il m’aura fallu des mois pour découvrir votre message, si touchant. Merci. Nous ne sommes hélas plus très nombreux de ce côté de la barricade

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