Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Fayard #Gaston Deferre #Gérard Unger

Deferre coeur d’acier

Publié le 19 décembre 2011 par

Une biographie de Gaston Deferre, un peu hagiographique, mais qui rappelle la force symbolique du maire de Marseille en grand duc de province

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deferre.jpg Defferre était un voyou, nonce apostolique et baroudeur à la fois. Les moeurs politiciennes de Marseille ne sont pas une déroute de la démocratie comme certains tristes sires, plus que compromis le pointent ; elles font partie de la stratégie de bouclage effervescent d’une salle de presse en état de surchauffe, chaque conseil municipal est un Yalta où la surenchère de compétence cloue l’adversaire politique au pilori par un bon mot ou une pirouette.

Tout le monde se rappelle la gâchette facile de Gaston quand il voulait déquiller un quidam imprudent. Qui marchait sur ses plates-bandes recevait une bastonnade en public. L’Hôtel de la Marine siège de la mairie abrite un théâtre à la Goldoni : les personnages avancent masqués, se vouent des haines changeantes, caricaturent l’autre, pratiquent une intimidation qui fuse. Il hèle au fond de la salle Hyacinthe Santoni, élu de l’opposition : « Monsieur Santoni, quand on porte un nom de fleur, on se fait oublier. » Prêt à tout pour moucher le récalcitrant de service, le pauvre hère, maigre et nerveux, s’était rassis, violet de honte. Tradition de la commedia dell’arte qui persite dans les méandres des officines. Joute connue du conciliabule, les attendus sont publiés avant l’exécution du menuet ; les vociférations sont singées ainsi que les grands cris et l’indignation. Les acteurs sont plus ou moins bons ; il y a toujours un nombreux public à ces empoignades, les chiffres ne sont pas les mêmes ou ne veulent pas dire la même chose selon les camps.

Le boss ne partage rien, la délégation, c’est pour les faibles. Extrêmement détaillée et sourcilleuse du moindre entrelacs des guerres picrocolines au sein de la SFIO, l’opus n’évite pas l’hagiographie et le biographe reste fasciné par son sujet.

deferre2.jpg Defferre était un chef de bande au même titre que Pasqua et d’autres héros de la Résistance. La plupart des moyens sont bons pour réussir son coup, accéder là où on veut. La dernière biographie parue chez Fayard autour de ce monument de la Vème République le signifie largement. Le boss ne partage rien, la délégation, c’est pour les faibles. Extrêmement détaillée et sourcilleuse du moindre entrelacs des guerres picrocolines au sein de la SFIO, l’opus n’évite pas l’hagiographie et le biographe reste fasciné par son sujet. La ruse qui caractérise cet édile impressionnant est magistralement décrite. Comment un avoué bègue construit et consolide son influence, comment il s’appuie sur les querelles d’appareil, défait les alliances, conclue des pactes inavouables, pénètre des milieux hétérodoxes. A la vision de cet art confondant de l’entremise, le lecteur se perd ou se retrouve saoulé par des accointances de couloir. Le feuilleton est assez fidèle, pas de trouvailles fracassantes ni de révélations fameuses. Des morceaux d’anthologie, la confiscation du Petit Provençal, l’assaut de la Préfecture le 23 août 1944, rappellent que Defferre a pris le pouvoir par les armes, il a fait valider par la suite ce coup de force en tramant des réseaux. un courage physique qui lui a fait porter une arme toute sa vie, le goût des duels, une compulsion à la polémique et l’éclat en font un homme mystérieux. Pas de son siècle, il ferraillait pour l’honneur. Davantage condottiere qu’homme politique, il a suivi le cursus de nombre de professionnels de la tribune, de Copé, Sarkozy et Mitterrand, le passage par le barreau lui a inculqué le goût de la joute. Enseignant ou avocat, avec quelques professeurs de médecine égarés, ce sont les fonctions de départ des fonctionnaires de la politique. Trente-trois ans de règne en deux fois (25 et 8ans), les longs mandats caractérisent le pouvoir local. Pour pouvoir supporter la féodalité de Marseille, il convient d’assimiler les codes, de les lustrer quotidiennement et de déjouer les pièges. Nous avons avec cette figure l’exemple d’un potentat circonscrit à un territoire ; Perpignan, Nice et Lille perpétuent cette tradition du pouvoir municipal lié à un clan, une personne, une aura. Clientélisme et concussion ne sont pas les nerfs exclusifs de la gestion des affaires dans les métropoles blessées. Cette façon de régner est histologique, elle est liée aux tissus. Rendre service permet aux obligés et obligataires de danser ensemble. L’assignation au renvoi d’ascenseur trame les affiliations en profondeur, ciment que Michel Maffesoli considère comme le limon de la prospérité ou du déclin. Si l’entraide et la solidarité sont des notions vertueuses au départ, il apparaît assez vite qu’elles mènent souvent à une servitude bénie. Rien dans ce livre pondu par un entrepreneur (il n’est jamais dit dans quelle branche, en l’occurence la com) ne nous en apprend sur l’intrication des liens entre dockers, armateurs, directeurs d’hôpitaux et chefs de service municipaux, l’oligarchie s’adosse sur la recommandation et la dette d’honneur.

Il est plus que signifiant que le héraut de la décentralisation qui a donné son nom à la loi-cadre de 1982 soit un grand duc de province, un féodal d’envergure.

Il est dommage que cet homme d’affaires Gérard Unger qui a écrit le bouquin ait endossé la livrée du militant, il passe sur le rôle plus qu’ambigu de notre alcade en 1954 alors qu’avec son camarade de Jarnac futur président, tous les deux déjà ministres, de l’Outremer et de la Guerre, ils ont couvert l’épisode sanglant de la répression à Madagascar ; le chiffre de 70 000 victimes est avancé. Il déclare sans fard : « Aujourd’hui, il existe en Afrique noire un malaise. »

La restauration d’une image lisse d’un serviteur de la République se révèle, en dépit de la documentation bien fournie, fastidieuse. Le scribe Gérard Unger a repassé sa plus belle liquette, il encense la combinazione tel un extra qui guette la fin du banquet pour grappiller les restes. L’auteur vante sans fin les qualités de bosseur de Defferre dont les habitants de Marseille, en dehors des statuts privilégiés des affidés à la culture Marcel Maréchal et Roland Petit qui ont gangrené le budget pendant des lustres, n’ont pas réellement vu l’efficacité. Aucun regard critique, une fascination indolore pour un fakir faussement rond.
L’aventure rocambolesque montée par L’Express de JJSS – à noter la première apparition du sigle pour les patronymes à 3 ou 4 lettres JFK ou PPDA, DSK, VGE- de la candidature de Mr X aux présidentielles en octobre 63 mérite d’être rappelée. Lancée comme une campagne de pub, est sortie une campagne d’affichage avec le pourtour vide d’une découpe anonyme. Qui est cet homme, qui est ombre ? Personne dans l’opposition ne se posait en rassembleur. D’où l’idée d’un troisième homme, d’une candidature hirsute. Créditée de 6 à 8 %, cette candidature a pris l’eau et Defferre fut assez vite soupçonné de jouer les Fantômas. L’histoire du duel a aussi creusé la légende du consul romain impétueux, capable de coups de grisou. Ses colères étaient phénoménales et ses haines historiques. Pour un mot, il a giflé un sarcastique qui lui en a demandé réparation. L’intelligence du terrain a sauvegardé ces despotes pas si bonhommes que ça qui ont dirigé nos métropoles pendant des décennies : Jacques Médecin à Nice, Mauroy à Lille et Gastounet à Marseille.

Parce qu’il faut le rappeler, Defferre était populaire, son combat pour sa ville, pour la défendre là-haut, lui valait nombre de suffrages. Ces élus connaissent leur monde, se rappellent les prénoms (à l’instar de Napoléon), saluent les citoyens dans la rue. S’ils font carrière à la capitale, ils n’oublient jamais le terreau dont ils sont issus, d’autres font des carrières à Issy les Moulineaux, Meaux ou Troyes ; ils pensent pouvoir être appelés plus vite. Cette proximité par l’idylle est feuilletonesque par essence : le fief est à protéger par tous les moyens. La herse se baisse très vite et il est plus que signifiant que le héraut de la décentralisation qui a donné son nom à la loi-cadre de 1982 soit un grand duc de province, un féodal d’envergure.

A lire tout de même pour la doc. Cette destinée est symbolique de l’après-guerre et de la montée en puissance des socialistes comme force de gouvernement.

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Un commentaire sur “Deferre coeur d’acier

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