Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Cinemaction #Georges Franju #Le Mystère Franju

F comme Franju

Publié le 14 février 2012 par

« Ce n’est pas le fantastique qui m’attire, c’est l’insolite » : le réalisateur des Yeux sans visage aurait eu 100 ans le 12 avril 2012

franju.jpg Georges Franju est pour certains l’un des plus grands cinéastes français, l’un de ses plus authentiques poètes avec Jean Vigo, et peut-être le plus secret, «  le seul metteur en scène insolite de ce temps, le seul depuis Vigo, à soumettre l’objectif à sa vision  » disait de lui Henri Langlois. Franju aurait eu cent ans le 12 avril prochain.

Surtout connu pour avoir réalisé Les Yeux sans visage, un classique de l’horreur et du cinéma d’épouvante, Franju a toujours fermement réfuté ce mot « fantastique » qu’on a voulu lui coller, faute de savoir définir son cinéma, en prenant ses distances avec un cinéma de genre vis à vis duquel il s’est toujours senti étranger.

« Comme on dit l’amour-fou, du premier long métrage de Franju, on dira : le cinéma-fou  » (Godard).

Pour l’occasion, un nouvel opus sur Georges Franju vient de sortir :Le Mystère Franju. Le Mystère Franju, c’est le mystère du style de Franju. La très sérieuse revue trimestrielle CinémAction créée par Guy Hennebelle consacre au plus singulier des cinéastes, une longue étude ‒ passionnante ‒ pour approcher la narrativité chez Franju, essayer de cerner ce qui constitue son mystère, mise à jour des signes, reflets de miroirs d’un film à l’autre, ces effets de perspective, d’angles, de lumière (Le Sang des bêtes) afin de rendre aux décors originels réels leur aspect insolite, «  nous avons cherché dans notre film à restituer au réel documentaire son apparence d’artifice et au décor naturel son aspect propre de décor «  planté  ». Pour y parvenir, nous avons cadré les bâtiments à pleine façade (moulin de Pantin) ou bien choisi des maisons profilées (pont de Flandre) en évitant toute épaisseur  » (Georges Franju), repérer ces brèches ouvertes dans le récit par lesquelles transperce le réel, qu’on a appelées effets de réel, impressions de réalité au cinéma, relever l’extrême précision du détail sonore, et éclaircir une aporie à laquelle beaucoup se sont livrés, pour définir ce style Franju, ineffable, que certains contournaient, avec la flamme du lyrisme, comme Jean-Luc Godard saluant La Tête contre les murs, dans Les Cahiers du cinéma, avec une jolie pirouette ‎ »Comme on dit l’amour-fou, du premier long métrage de Franju, on dira : le cinéma-fou. La tête contre les murs est un film de fou sur les fous. C’est donc un film d’une beauté folle  », style que beaucoup ont essayé de définir, avec plus ou moins de clarté, citons : «  quelques séquences ont une puissance d’évocation prodigieuse qui tient surtout à une surprenante présence du réel, à ce choc d’insolite et du réel  » écrit Pierre Marcabru à la sortie des Yeux sans visage, ou «  n’oublions pas que Franju est l’auteur du Sang des bêtes, où de la réalité la plus cruelle naît l’irréalité de la poésie, ou plutôt la seule réalité qui importe et que nous cache le visible  » (Claude Mauriac). Gérard Leblanc de compléter dans cette étude «  Le réel n’est pas donné au départ, et surtout pas dans le visible.  »

Il a cité souvent le film qui l’a fortement marqué, Trépanation pour crise d’épilepsie bravais-jacksonienne (1940) du Dr Thierry de Martel, inventeur du trépan électrique

oiseau.jpg Venu du documentaire, après avoir créé la Cinémathèque avec Henri Langlois, une revue nommée CINEMAtographe, dans laquelle il publie, en 1937, un article intitulé « Le Style de Lang », avoir coréalisé avec Langlois Le Métro, un court métrage que l’on aimerait voir refaire surface avec d’autres courts de Franju, tel La Première nuit (1958), fiction axée à nouveau sur le décor du métro, Georges Franju a manifesté tôt un intérêt aigu pour la science. Il a cité souvent le film qui l’a fortement marqué, Trépanation pour crise d’épilepsie bravais-jacksonienne (1940).

Ce film, en couleurs, du Dr Thierry de Martel, inventeur du trépan électrique, chirurgien de réputation mondiale, sera présenté pour la première fois, après la guerre par le Dr Denet au congrès annuel de l’Institut de Cinématographie Scientifique, fondé et dirigé par Jean Painlevé, Institut dont Franju a été nommé Secrétaire Général en 1945. « Il y eut les croix au crayon violet, les forages du trépan. Le malade souriait. La boîte crânienne sciée, le crâne ouvert, le cerveau, congestionné, sortit par l’ouverture. Le malade souriait toujours. Le chirurgien chercha la tumeur. Elle apparut dans une masse grise. Il en pratiqua l’ablation, cautérisa. La brûlure de l’hémostase émit une fumée comme chez le docteur Faust et le malade souriait encore. Le docteur Denet, dans son commentaire, avait précisé que le cerveau était un organe parfaitement indolore. Ainsi, la douleur du spectateur devenait intolérable parce qu’elle était sans partage. Des gens, qui ne pouvaient plus se lever pour quitter la salle, s’évanouissaient assis. Voilà un film d’épouvante. J’ajoute qu’il était, plastiquement, d’une réelle beauté  », confie Georges Franju à Marie-Magdeleine Brumagne pour son livre d’entretiens avec le cinéaste, Franju impressions et aveux, extraits que l’on retrouve dans Le mystère Franju.

« Qu’est-ce que l’insolite ? je n’ai pas de réponse. »

L’insolite dans le réel, il est déjà dans la façon de Franju de raconter la scène en précisant que «  l’hémostase émit une fumée comme chez le docteur Faust  ». Dans tous ses films, et plus particulièrement dans ses documentaires, où cela est plus détectable, à la recherche toujours de l’objet insolite, Franju inclut le subjectif, cette vision insolite d’objets singularisant son approche du réel. Du Sang des bêtes ‒ commenté par Painlevé, sur une musique de Kosma ‒ s’ouvrant et s’attardant sur les brocantes Aux Portes de Paris avant de faire pénétrer le spectateur dans les abattoirs de la porte de Vanves, aux longs plans d’oiseaux en vol personnalisant l’ouverture et la fin d’Hôtel des Invalides. Part documentaire mêlée à l’étrange, et à la fiction, «  ce n’est pas le fantastique qui m’attire, c’est l’insolite. Le fantastique est dans la forme, le fantastique se crée. Alors que l’insolite est dans les situations. Il ne se crée pas, l’insolite, il se révèle.  » confie Georges Franju à Serge Daney en 1986.

«  Qu’est-ce que l’insolite ? je n’ai pas de réponse. Je n’en ai pas d’autre que celle qui le définit communément comme appartenant à l’inhabituel. Je sais cependant qu’il se découvre, comme le fantastique se crée, s’exprime, en donnant à l’image émouvante une signification ressentie mais dont on ne perçoit pas le sens. Il est l’inconnu, le vide hanté, l’in-action. Il suscite l’émotion et l’angoisse.  » On peut, à ces mots, se repasser les images au noir et blanc contrastés de Judex, l’homme oiseau à tête d’aigle, les colombes, et la jeune fille voilée de blanc dans la nuit, où l’étrange et le merveilleux, le mystérieux côtoient le réalisme, imprégné de l’esprit du serial, «  l’insolite selon Franju, complète Gérard Leblanc, ne permet pas aux significations déjà là (qu’elles soient issues du fantastique ou du surnaturel) de l’investir.  »

Pas de surenchère. Pas de manichéisme. Aucune recherche d’effets. Aucun maniérisme. Intensité des regards.

franju_aff.jpg Visage de la peur. Mise en images ‒ en abîme ‒ de la peur. Antre de l’horreur pure, sur le fil du rasoir. Masque des émotions. Peur du visible. Rêve éveillé que sont ces Yeux sans visage, film démentiellement beau, cinéma d’épure, touchant au vif, dès l’ouverture. Route nocturne balayée par les phares de la 2CV d’Alida Valli vêtue d’un ciré noir, contrastes visuels noir et blanc dus à Eugen Shuftan, un des grands chefs opérateurs du muet. L’opération pratiquée par le chirurgien des Yeux sans visage a la précision glaciale du geste médical. Pas de sadisme chez Franju. Pas de surenchère. Pas de manichéisme. Aucune recherche d’effets. Aucun maniérisme. Intensité des regards. Le chirurgien des Yeux sans visage, incarné par Pierre Brasseur, est loin des savants fous qui font le devant de la scène du cinéma fantastique, l’image opère sur le fil du réel, la crainte de voir. Peur de voir, qui est celle d’abord de l’héroïne, interprétée par Édith Scob, fille du médecin, défigurée, pour qui il procède à ces transplantations de peau, pratiquées avec le plus grand sang froid. Sans cynisme aucun. La froideur même. Off, les aboiements des chiens, dans des cages. Le fatum du docteur.

Le cinéma de Franju est hanté par l’animalité.

Jouant sur ce qui pourrait être vu ‒ sur ce qui n’est pas vu (Pleins feux sur l’assassin entre autres) «  démarche d’un cinéaste qui ne cesse d’interroger la frontière entre le visible et l’invisible  » pour citer Gérard Leblanc, ou «  hétérogénéité de la forme, persistance du style  » écrit Roxane Hamery, «  ici, c’est l’expression même de la peur qui est travaillée dans un cinéma de l’expressivité retenue.  » remarque Eve Le Louarn. Adapté d’un roman de Jean Redon, qui sera monté, en 1962, au Théâtre du Grand-Guignol, à Pigalle, Les Yeux sans visage suit La Tête contre les murs, autre film grand d’horreur où c’est la violence des institutions, où tournoie sa menace sournoise, qui fait peur. Le premier long métrage de Franju est loin du désir de rêve, de magie qui suivra.

Préciser, ce qui n’est pas dit dans Le mystère Franju, beaucoup de films de Franju ont leur scène d’enterrement.

Mocky met les pieds dans le plat, il revendique aujourd’hui la paternité de La Tête contre les murs, allant jusqu’à mettre son nom sur le DVD à la place de celui de Franju, collection consacrée aux films de J-P Mocky. Étrange éviction ! Ou meurtre du père… ce père qui le fait enfermer dans le film ?… Auteur du scénario, Jean-Pierre Mocky voulait réaliser La Tête contre les murs. Il a tourné, dit-il, des scènes dont celle de l’enterrement, Franju étant malade. On lira un court entretien à ce sujet dans ce numéro.

Préciser, ce qui n’est pas dit dans Le mystère Franju, beaucoup de films de Franju ont leur scène d’enterrement. Une chose revenant chez Franju de façon quasi obsessionnelle.

Auteur d’un cinéma réflexif, fervent admirateur de Georges Méliès auquel il consacre un film en 1952, Le Grand Méliès, Franju s’est entouré longtemps des mêmes fidèles collaborateurs, Marcel Fradetal, directeur de la photographie sur 16 films, Maurice Jarre (musique pour 8 films), Édith Scob, l’actrice favorite du cinéaste. On peut regretter, comme le remarque un auteur, que Franju, homme discret, ne se soit pas exprimé sur Fradetal, sur qui on saît peu de choses, sur le travail avec Maurice Jarre, avant qu’il compose la musique de Lawrence d’Arabie.

Édith Scob, fille d’un célèbre architecte de cinémas, s’est plus exprimée. Ce numéro sur le Mystère Franju arrive à l’heure où sont apparues les premières photos de Holly Motors, dernier film de Léos Carax, avec Édith Scob, l’actrice aux yeux gris qui tourna cinq films avec Franju. Signe particulier, Édith Scob reprend dans le film de Carax le masque des Yeux sans visage.
Une photo est sur internet.

Quand Judex rencontre Judex

Corps et chair sont encore au cœur du sujet de La Faute de l’abbé Mouret d’après Zola, avec Francis Huster et Gillian Hills, descendu à sa sortie par la critique (extrait d’un texte d’Henry Chapier). Analyse du film. Autres textes sur les films devenus invisibles, Thérèse Desqueyroux, Thomas l’imposteur… Analyse détaillée de La Première nuit (photographié par E. Shuftan).
Parmi les projets non aboutis, La Princesse et le comédien d’après La Princesse Brambilla d’Hoffmann.

L’étude inclut les téléfilms réalisés par le cinéaste, La Ligne d’ombre d’après Conrad, L’Homme sans visage, série parallèle aux Nuits rouges, un entretien inédit avec Georges Franju, datant de 1968.

Influences. Lectures. Secrets d’écriture, et naissance des personnages, dont celui de Cocantin joué par Jacques Jouanneau. Péripéties du tournage de L’Homme sans visage en Yougoslavie.

Filmographie détaillée, fiches techniques des films et téléfilms, augmentées, avec ordre d’apparition des acteurs aux génériques respecté.

Pour finir, une conversation, savoureuse, cocasse, avec Jacques Champreux, scénariste de Franju, petit-fils de Louis Feuillade, et fils de Maurice Champreux, réalisateur de la version de Judex de 1934, nous raconte la genèse de la production de Judex version Franju lorsque Francis Lacassin, futur coscénariste du film, va voir Robert de Nesle au Comptoir français du film pour trouver de la doc sur les péplums qu’il avait coproduits avec l’Italie. Robert de Nesle (qui n’est pas cité) ignorant alors qui est Judex…

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22 commentaires sur “F comme Franju

  1. F comme Franju
    Le plan de la DS
    Cahiers : L’image a un aspect très brut, presque documentaire, et elle est en même temps très composée. Comment avez-vous travaillé avec Schuftan?
    G. Franju : D’abord, j’ai toujours eu un découpage extrêmement précis. Et Schuftan, avec qui j’avais déjà fait La tête contre les murs et un court métrage, La première nuit, est aussi très précis et rigoureux. Il ne demandait jamais des explications sur un plan, mais sur toute la scène, sur son atmosphère d’ensemble : Qu’est-ce ce qui se passe ? Qu’est-ce qu’il fait ensuite ? Est-ce qu’il sort du champ ou est-ce qu’on le suit ? Il me demandait toujours : Qu’est-ce que vous me donnez pour éclairer? C’est à dire quel espace la mise en scène lui accordait-elle pour placer ses lumières. Prenons le plan de l’arrivée de la DS dans la cour de l’Institut Médico-légal, filmée en plan plongeant. La scène est vue du bureau du professeur Piedelièvre, au-dessus de la morgue, et l’acteur qui interprète va à la fenêtre et dit : « Ah, le voilà ». Schuftan avait utilisé un objectif qui isolait la voiture en plan assez serré. Je regarde à la répétition et je lui dis : ça ne va pas, ce qui compte c’est la cour. Il faut que le champ soit plus large parce que – c’est mon côté documentaire – le champ, le décor, c’est l’objet, ensuite seulement vient le sujet, et le sujet, c’est la voiture. Il a changé d’objectif en prenant un champ plus large, j’ai revu la scène de là-haut, j’ai fait comme si l’acteur disait « Ah, le voilà » et je dis : Partez. Le temps que ça se répercute en bas, que la voiture se mette en branle et rentre dans le champ, la cour restait vide pendant un instant. Dans la première version, on suivait la voiture en panoramique. Là j’ai dit à Schuftan : Surtout pas. Il faut laisser la voiture rentrer dans le champ toute seule et se garer. J’ai vu ça et j’ai dit : Là, il se passe quelque chose. C’est une image qui annonce un malheur. C’est une image insolite, et qui contient un mystère. Etc.
    Entretien avec Georges Franju, Les figures de la peur, Cahiers du cinéma 389 Novembre 1986

  2. F comme Franju
    Il s’agit, en vérité, du texte de Marc Chevrie, Cahiers du cinéma novembre 1986, consacré aux Yeux sans visage, année où Serge Daney a longuement interrogé Georges Franju.

  3. F comme Franju
    On peut compléter Le mystère Franju avec Les Yeux sans visage de Georges Franju par Pascale Risterucci, très beau petit livre, aux éditions Yellow Now, Côté films, richement illustré, paru en octobre 2011.
    Photos regroupées par thèmes, correspondances. Analyse du film. Photos rares, lieux de Paris, la DS noire du chirurgien devant le bâtiment de la morgue, quai de la Rapée, petit bistrot alors en face…
    « Le décor est un grand acteur, Doubles, Passages, impasses, Doubles fonds, Fil(s) d’Ariane »… etc.
    Sur amazon à un prix très abordable.

  4. F comme Franju
    « Juste avant d’aller présenter Les Quatre cents coups à Cannes, François Truffaut mit Georges Franju seul en face d’un magnétophone comme il avait mis, quatre mois auparavant Jean-Pierre Léaud seul en face de l’objectif d’Henri Decae. Deux heures durant ils dialoguèrent; plus exactement, deux heures durant Franju monologua. Toute retranscription de cet Entretien – nous, aux CAHIERS, on aime bien Franju – apparut très vite comme une trahison. Déchiffrer (ce n’est pas toujours facile : aux pleurs de Laura T., au glouglou répété du whisky dans les verres tintants, s’ajoute la friture, parfois stridente, spécifique de l’appareil) puis publier dans leur intégralité les propos de Franju ne rendrait pas toujours compte de l’essentiel : le spectacle. La voix de Franju. Le regard de Franju. La présence de Franju. Il faudrait noyer de monologue de notes, indiquer l’angle de prise de vue, l’éclairage, préciser les gestes, etc. Il faudrait écrire un découpage, ou, si l’on préfère, mettre en scène. Découpage impubliable tel quel, quand même il serait possible de l’établir, auprès duquel les pléthoriques indications scéniques dont un Jean Wauthier truffe ses pièces sembleraient insuffisantes, ce qui, on en conviendra, n’est pas peu dire !
    (introcduction à l’entretien de Georges Franju par François Truffaut, Cahiers du Cinéma n°101, novembre 1959)

  5. F comme Franju
    Le texte de Franju :  » le style de Lang » est au sommaire du n° 101 des Cahiers du Cinéma (novembre 1959), en couverture Edith Scob avec un des chiens des Yeux sans visage,
    dans le même n° une interview de Franju par François Truffaut, avec une photo de Brigitte Bardot sous laquelle on lit : « Brigitte Bardot serait pour Franju l’interprète idéale de La faute de l’abbé Mouret. »
    Franju ne tournera ce film, 1er long métrage de GF en couleur, qu’en 1970, avec Gillian Hills, et Francis Huster.

  6. F comme Franju
    dvd anglais La tête contre les murs Eureka ! The masters of cinema series
    Head against the wall
    a film by Georges Franju
    av reprod affiche de Villemot. Son digital 2.0 Français, sous titres anglais

  7. F comme Franju
    Autre différence avec le film de Jess Franco, le personnage de la fille n’existe pas. Alors que le film de Franju est – pour ce qui la concerne – vu par la fille du chirurgien (Edith Scob). D’où le vrai visage de la peur…

    1. F comme Franju
      Bien vu. De mémoire, elle est, assurément, beaucoup moins présente que les personnages de fille dans le Ferroni et dans le Franju. Quant à dire qu’elle « n’existe pas » … un peu excessif peut-être car je crois me souvenir qu’Howard Vernon dialogue quand même avec elle durant une ou deux séquences ?
      Cela dit, j’ai un doute et plus aucun moyen de vérifier : j’ai vu le film au Brady il y a très longtemps, je n’ai plus la vidéo magnétique Secam et je ne l’ai pas encore en vidéo numérique PAL. Il ne m’en reste que des photos françaises d’exploitation, d’ailleurs toutes plus belles les unes que les autres.

      PS merci pour les remarques concernant la qualité des images sur Ecran large. Je ne sais pas si vous voulez parler des captures numériques, des reproductions d’affiches originales, et parfois selon les titres, des reproductions de photos d’exploitation ou des lobby cards. La valeur ajoutée graphique est parfois très mignonne concernant certains titre chroniqués, c’est certain.

      Dans le cas des YEUX SANS VISAGE, on peut contempler dans la fiche du film (à partir de laquelle il est possible de naviguer vers sa critique, ses captures, ses affiches, ses diverses éditions) une belle affiche rouge – alternative à celle illustrant l’article de Mathis et qui est aussi très belle, avec son allusion au masque de la tragédie et comédie antiques. Elle donne en effet, à nouveau, la primeur plastique et dramaturgique à la fille aux dépends du père, du point de vue graphique, confirmant ainsi votre remarque.

  8. F comme Franju
    Films de Georges Franju disponibles en dvd :

    Coffret Franju JUDEX et NUITS ROUGES (avec Gayle Hunnicutt, Jacques Champreux, Gert Froebe) Cahiers du Cinéma 2 dvd (collection 2 films de). Entretien avec Jacques Champreux, bonus.

    LES YEUX SANS VISAGE René Chateau vidéo

    EYES WITHOUT A FACE édition coréenne, film en français, sous-titres anglais, Wide Screen, 1,66

    LA TÊTE CONTRE LES MURS (Head Against the Wall) édition étrangère, avec reproduction d’une magnifique affiche originale de Bernard Villemot en couv.) Langue : français, sous-titres anglais. 25$ environ.

    L’édition de LA TÊTE CONTRE LES MURS dans la collection Films de J-P Mocky est indisponible aujourd’hui sinon qu’à des prix forts, 99 euros sur sites Fnac ou Amazon.

  9. corrigendum + addendum
    CORRIGENDUM :
    C’est l’acteur Donald Wolfit, et non pas Victor Maddern, qui se fait dévorer par ses propres chiens à la fin de LE SANG DU VAMPIRE [Blood of the Vampire] (G.B. 1958) d’Henry Cass.
    ADDENDUM 1:
    J’en profite pour préciser que cette analogie avait été déjà remarquée par Jean-Marie Sabatier, LES CLASSIQUES DU CINEMA FANTASTIQUE, éd. Balland, Paris 1973 in deuxième partie, « Pour un musée imaginaire du fantastique », notice « George Franju ».
    ADDENDUM 2 :
    Il y a un tempérament auquel il faudrait aussi comparer, mais cette fois-ci au sein de la seule histoire du cinéma fantastique français, Franju : Jean Cocteau lui-même. Il y a un cinéaste du SANG DES BÊTES et il y a un cinéaste du SANG D’UN POETE qu’il ne faut pas confondre mais qui dialoguent d’une manière singulière. À chaque nuit suffit sa peine…

  10. La spécificité de Franju comme cinéaste fantastique
    Excellent article de Mathis qui résume et analyse de près l’essence du style de Franju.
    Je voudrais simplement ici lui ajouter un complément en guise de commentaire d’histoire et d’esthétique du cinéma mondial.

    Il y a un exercice très simple qu’on peut faire, si on veut avoir une idée exacte de la spécificité de Franju dans l’histoire du genre qu’il désavouait, auquel il refusait qu’on le fît appartenir : le cinéma fantastique. Il suffit de comparer ces trois films produits et distribués à peu près simultanément :
    – LES YEUX SANS VISAGE (Fr. 1960) de G. Franju
    – LE MOULIN DES SUPPLICES [Il Mulino delle donne di pietra] (Fr.-Ital. 1960) de Giorgio Ferroni
    – L’HORRIBLE DOCTEUR ORLOF [Gritos en la noche] (Esp. 1961) de Jesus Franco
    L’argument du Franco et celui du Franju sont presque identiques : un père médecin veut sauver sa fille défigurée par des opérations esthétiques, quitte à tuer pour les mener à bien. Quant au film de Ferroni, il s’agit aussi d’un père médecin et de sa fille malade. Bien que le visage de cette dernière ne soit pas atteint, l’angoisse de mort repose sur le fait qu’il puisse l’être, sur le fait que le visage d’Elfie (la divine Scilla Gabel) puisse un jour, sous l’effet de l’obscure maladie du sang qui la mine, se décomposer à la manière dont les mannequins de cire brûlant dans l’incendie final se décomposent finalement sous nos yeux.

    En les comparant, on peut saisir l’essence de chacun des trois cinéastes :
    – Franco oscille entre baroque démentiel et nouvelle vague (écran large N.&B.) au sein du genre codifié qu’il accepte de servir,
    – Ferroni maintient une ligne très classique mais traversée d’éclairs expressionnistes (Wolfgang Preiss en vedette, la même année que chez Fritz Lang où il est aussi vedette du DIABOLIQUE DOCTEUR MABUSE) et d’éclairs baroques (veine italienne oblige, écran large couleurs oblige aussi)
    – Franju est le plus modéré, en apparence, des trois mais sa modération est foncièrement trompeuse et il va même jusqu’à reprendre (en l’ayant su ?) la fin démentielle du SANG DU VAMPIRE (G.B. 1958) d’Henry Cass dans laquelle Victorn Maddern, tout comme Pierre Brasseur, finit dévoré par ses propres chiens. L’idée remonte loin, il est vrai : au final de LES CHASSES DU COMTE ZAROFF / LA CHASSE DU COMTE ZAROFF[The Most Dangerous Game] (USA 1932) de E.B. Schoedsack & I. Pichel.

    Le fantastique de Franju relève du surréalisme au sens strict : on comprend qu’il ait été ami de Painlevé. LE VAMPIRE (Fr. 1945) de Jean Painlevé – un documentaire scientifique sur la chauve-souris d’Amérique centrale, accompagné d’une musique de Duke Ellington ! – devait davantage lui parler que les chauve-souris ouvertement fantastiques du BAISER DU VAMPIRE (G.B. 1962) de Don Sharp (récemment décédé, soit dit en passant).

    Il y a eu un disciple – méconnu comme tel ? – de Franju dans l’histoire du cinéma français et du cinéma fantastique : Jean Rollin. Les séquences de l’abattoir dans le FASCINATION (Fr. 1980 circa) de Rollin avec Brigitte Lahaye m’ont toujours semblé devoir être considérées comme un hommage de Rollin au SANG DES BETES de Franju.

    Rollin admirait, on le sait, un autre cinéaste : Fernando Mendez. Il s’était inspiré, pour la scène du livre chutant des rayons de la bibliothèque dans LE FRISSON DES VAMPIRES (Fr. 1970) d’une scène de LES PROIES DU VAMPIRE [El Vampiro] (Mex. 1957). Il me semble, en repensant à cette filiation, que que la chauve-souris attaquant l’enfant péon dans LES PROIES DU VAMPIRE aurait plu à Franju : sa dramaturgie, son apparence, sa mise en scène la font osciller entre chauve-souris vampire réelle et chauve-souris vampire irrélle.

    La scène où Brasseur examine, dans LES YEUX SANS VISAGE, l’enfant malade, et son diagnostic final frappé au coin de l’ironie la plus noire et la plus sadienne, après les jeux de lumière techniquement quasi-scientifiques qui ont précédé son cruel et énigmatique énoncé, auraient plu à Luis Bunuel, aussi un autre cinéaste avec qui on peut lui discerner des affinités, je pense.

    Plutôt que de surréalisme, il faudrait parler d’un réalisme saisi par la surréalité, et parfois par le surnaturalisme le plus plastique : le plan final des YEUX SANS VISAGE, un des plus beaux jamais tournés dans l’histoire du cinéma français comme dans l’histoire du cinéma fantastique mondial.

    Franju se voulait réaliste d’abord – relire sa déclaration esthétique, au sens de philosophie de son art propre, telle qu’elle est reproduite par Georges Sadoul, DICTIONNAIRE DES CINEASTES, éd. du Seuil, coll. Microcosme, Paris 1965 dans la notice « George Franju »- mais intégrant la surréalité comme un élément fondamental, fondateur de la réalité.

    Il faudrait revoir, à la lumière de son oeuvre pouvant relever du cinéma fantastique, ses adaptations littéraires de la THERESE DESQUEYROUX de Mauriac ou du THOMAS L’IMPOSTEUR de Jean Cocteau, frappées telle que je me les remémore, au coin d’une sourde tension, tension un peu analogue à celle qui émanait de celles que tournait, quelques années plus tôt, un Alexandre Astruc lorsqu’il adaptait LE RIDEAU CRAMOISI de Barbey d’Aurevilly ou bien encore UNE VIE de Maupassant.

    On peut en outre relire le n° de CINEMA 59 dans lequel on trouve un entretien passionnant de Franju, accordé pendant le tournage des YEUX SANS VISAGE, si ma mémoire est bonne.

    Francis Moury

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