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#Egypte #Guillaume-André Villoteau

Villoteau, l’ethno-musicien bonapartiste de la musique égyptienne

Publié le 26 avril 2012 par

Comment être musulman et français ? Depuis la mort de l’islamologue Mohamed Arkoun en 2010, la France n’a plus de scientifiques dans le domaine des questions liés à l’islam. Il est temps de retrouver un peu de mémoire

e-andalus.gif Fin mars 2012, lors d’une rencontre télévisuelle sur Public Sénat entre le candidat socialiste François Hollande et de jeunes étudiants des minorités dites visibles, on a vu le handicap des uns et des autres à trouver les mots justes. Pour se positionner face au terrorisme d’un Mohamed Nerah qui se revendiquait du djihad. Pour analyser le soudain, massif et tout azimuts investissement du Qatar en France. Et même 50 ans après la décolonisation, mettre à plat les rapports entre la France et l’Algérie. Bref, comment être à la fois musulman et français ?

A la jeune femme ayant la crainte de la stigmatisation à cause de son appartenance à la même religion que Mohamed Merah, le politique répond qu’avant de voir en elle la musulmane, il voit d’abord la citoyenne française. On n’ira pas plus loin, non plus, sur le Qatar. Que ce dernier achète le PSG, 1% par-çi de Lagardère et 1% par-là de Vivendi, cela ne pose manifestement pas problème, mais que le Qatar se substitue aux collectivités locales et à l’Etat pour guérir les maux de nos banlieues, cela pas question. Sauf que le candidat socialiste n’a pas l’air d’être certain de se qu’il avance. Le «  sarkozysme  », cette capacité à faire du bruit, ne semble pas avoir de réponse non plus. Lors de sa conférence de presse présidentielle, le jeudi 5 avril 2012, Nicolas Sarkozy fustige le terrorisme, la barbarie, mais n’a aucun nom de français référent sur les questions de l’islam en terre de Voltaire et Victor Hugo à nous donner en exemple.

Depuis la mort de l’islamologue Mohamed Arkoun (1928-2010), la France n’a plus de scientifiques dans le domaine des questions liés à l’islam, uniquement des experts du champ politique et du terrorisme al-quaidien. Qu’il s’agisse du printemps arabe, des tueries de Montauban et Toulouse, de la montée en puissance de l’islamisme dans le desert algéro-malien et au Proche-Orient, ce sont toujours les mêmes personnalités, formés à la louche Sciences-Po et EHESS, qui interviennent dans les médias. Des experts au même profil qui peuvent vous citer de mémoire l’itinéraire d’un leader islamiste, la mosaïque des fractions islamistes dans le monde arabe, les petits secrets des services secrets sur ce sujet, et la chronologie des attentats d’El Qaïda… Comment veut-on que l’étudiante musulmane qui interpelle le candidat socialiste dans une émission de télévision, puisse avoir une vision sereine de son identité ?

Ainsi, devant l’affaire de Mohammed Merah, les investissements douteux du Qatar et la poussée légitime des enfants et petits-enfants de l’immigration maghrébine à être reconnus comme musulmans et citoyens, on a décidé ici de raconter des destins de Français, des rendez vous ratés de la France en termes de diversité qui aujourd’hui sont la preuve de l’impasse du pays à donner des codes, des référents culturels aux minorités visibles de confession musulmane. Des femmes et des hommes dont l’itinéraire couvrent deux siècles de l’histoire de France, liées à son versant sud de la Méditerranée. Dans l’ordre, nous commençons avec Guillaume-André Villoteau, un musicographe qui a participé à l’expédition scientifique d’Egypte de Bonaparte et qui à son retour à offert à la France la plus remarquable des études sur les musiques arabes de tout les temps.

Villoteau, le premier ethno-musicien de Bonaparte et de l’Egypte

Il ne figurait même pas sur la liste des scientifiques prévus pour accompagner Bonaparte en Egypte. Au départ, c’était le chanteur Lays qui devait être du voyage. En 1797, Guillaume-André Villoteau, chef de choeur à l’Opéra de Paris, embarque au dernier moment pour l’expédition. Il n’imagine pas qu’il va s’imposer dans l’histoire culturelle comme le premier ethnomusicologue moderne du patrimoine musical arabe. Un contributeur qui ne sera jamais reconnu et finira pauvre, près de Tours en avril 1839.

A sa naissance en 1759 à Bellème dans l’Orne, la vie n’est pas rose pour Guillaume-André Villoteau. Il se trouve à l’âge de trois ans et demi, orphelin d’un père professeur. Très rapidement, il est placé comme enfant de choeur à l’église collégiale du Mans. Mais, ne voulant pas rentrer dans les ordres comme l’espérait sa mère, il fuit le Mans pour devenir un musicien errant avant de s’engager dans un régiment de dragons. Là aussi, la vie de soldat n’est pas faite pour lui et il quitte son régiment pour l’apprentissage de la musique dans un choeur de la cathédrale de La Rochelle. Il reçoit les ordres sacrés et est associé avec le choeur de la cathédrale de Paris. Quand la révolution arrive, il s’éloigne de la vie ecclésiastique et il rentre en 1792 à l’Opéra de Paris comme chef du choeur. C’est là, qu’en 1797, on vient le chercher pour remplacer au pied lever un candidat malheureux à l’expédition scientifique d’Egypte qui accompagne le général Bonaparte.

La visée de Guillaume-André Villoteau est de collecter des documents et des matériaux concernant la musique des divers peuples sur le sol égyptien, en particulier les Arabes, les Coptes, les moines grecs, les Juifs et les Arméniens. Il retourne à Paris en 1799, lesté d’une considérable et inédite moisson de notes, de traités, d’instruments de musiques et s’attelle à sa grande œuvre, la vie musicale de l’Égypte, laissant à montrer la cartographie inconnue et subtile de toutes ces musiques. Son étude considérable est publiée dans les célèbres volumes de l’Expédition d’Egypte, réalisés par l’Imprimerie nationale. Les travaux de Guillaume-André Villoteau, occupent pas moins de 450 pages.

Las, ce travail remarquable du membre de la Commission des sciences et des arts d’Egypte ne fut pas reconnu à sa juste valeur. De tempérament discret, Guillaume-André Viloteau se retrouve sur la touche par les scientifiques plus aguerris en mondanités de la Commission. Cet ethnomusicien avant l’heure finit par s’exiler dans la région de Tours. Il sera tout de même maire d’un petit village du nom de Savonnières avant d’être ruiné par un notaire peu scrupuleux et de décéder en 1839 dans une ferme abandonnée et des musiques égyptiennes plein la tête.

Source : photo de Amr Abdellah Dalsh-Reuters
Source : photo de Amr Abdellah Dalsh-Reuters
Ce père français de l’archéologie musicale du monde arabe n’aura jamais un hommage à la hauteur de ses découvertes. Et aujourd’hui, un nouveau malheur s’ajoute à l’oubli de Guillaume-André Villoteau. Le 17 février 2011, en plein printemps arabe, l’Institut d’Egypte à proximité de la place Tahrir, est détruit par un incendie aux cocktails Molotov. Deux cent mille ouvrages et huit volumes originaux tirés à 1000 exemplaires de la Description d’Egypte sont partis en fumée. On peut retrouver quelques bribes du travail de Villoteau notamment grâce à la numérisation de planches par l’Ecole des mines de Paris.

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