Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Opus de la connerie

Publié le 25 juin 2012 par

La connerie inspire la philosophie. Les Puf viennent d’adapter un petit chef d’oeuvre italien du genre, Les lois fondamentales de la stupidité humaine. Et l’hollandaise Encyclopédie de la stupidité n’est pas mal non plus

veille.gifDrôle de bidule philosophicolittéraire datant de 1976 (mais édité pour la première fois en français cette année), Les lois fondamentales de la stupidité humaine, de Carlo M.Cipolla, nous livrent avec une mauvaise foi toute scientifique, un petit vade-mecum indispensable à la compréhension du mal le plus irrationnel dont puisse souffrir l’humanité…

Pour évoquer le concept de « stupidité » dans son acception la plus large, l’Homme moyen dispose depuis toujours de bien des synonymes, certains plus fleuris que d’autres, mais recouvrant presque toujours une même idée de son objet, à mi-chemin entre embarras et amusement. Forme de déficience plus ou moins handicapante, triviale plus que néfaste, agaçante parfois mais indolore souvent, la stupidité reste assez unanimement perçue comme un état plus que comme une ligne de conduite. Une pathologie quasi-irréversible, fruit des ravages de la culture ou des petites méchanceté de Dame Nature, selon que l’on se trouve du côté du gentil sociologue ou du méchant darwiniste social, mais qui n’impliquerai pas par essence un type de comportement bien défini.

Tout réside donc dans une nuance de vocabulaire, une nuance qui viendra structurer l’ensemble du théorème. Partant du postulat que non, « tous les hommes ne sont pas égaux » et que si « certains sont plus égaux que d’autres« , c’est bien le fait de la nature, l’ancien prof de Berkeley dit s’appuyer sur sa propre expérience pour affirmer en contrepartie que tout comme la nature se montre capable de réguler de manière prodigieuse la proportion des naissances hommes/femmes à l’échelle de l’humanité toute entière, elle s’attache de la même façon à restituer uniformément la même proportion d’individus stupides dans chaque groupe humain. Une fréquence constante et inaltérable quelques soient la religion, la nationalité, le sexe, la race ou le rang social du groupe en question (ouf, le politiquement correct est donc sauf)…

Le monde se divise en 4

Un peu facile à première vue! Si l’on en restait effectivement à une définition standard de ce qu’est la stupidité, il serait difficile même au plus idiot des idéalistes de concevoir qu’un groupe d’une dizaine de prix Nobel compte en son sein la même proportion d’individus stupides qu’un groupe d’une dizaine de supporters de l’OM. Et c’est ici qu’intervient cette fameuse nuance de langage. Un individu stupide n’est pas un crétin. Ces deux types d’individus ne formeraient d’ailleurs, selon l’auteur, que deux des quatre types d’individus composant toute société humaine. Explication :

L’humanité et tous les sous-groupes qui la composent se divisent théoriquement en quatre catégories, définis non pas selon leurs particularismes personnels, culturels ou génétiques mais selon deux critères uniques liés aux bénéfices produits par leurs actes. Une sorte de balance comptable sous la forme d’un diagramme à axe double (voir ci-dessous), l’axe x, horizontal, symbolisant ainsi le profit personnel (ne s’entend pas qu’au sens économique) qu’un individu tire de ses propres actions. L’axe y, vertical, symbolisant à contrario les bienfaits pour autrui générés par les comportements de ce même individu. Le tout permettant ainsi de dégager très simplement aux quatre coins de ce schéma chacune de ces fameuses familles d’êtres humains. C, S, B et I. Comprendre : Crétin, Stupide, Bandit et Intelligent.

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Se présente enfin la nuance que sous-tend le raisonnement de Cipolla entre « Stupide » et « Crétin ». Le crétin serait donc celui dont les actes profitent à autrui, mais jamais à l’intéressé lui-même. Il perd, donc les autres gagnent. La charité pourrait alors s’entendre dans le registre de la crétinerie, mais les actes de C ne sont pas étudiés à dessein. Ils ne soulagent pas sa conscience ou son sens moral et ne lui offrent pas non plus d’accès VIP à la droite de Dieu. Pour faire simple, non, l’Abbé Pierre n’était pas un crétin, puisqu’il s’y retrouvait, d’un point de vue immatériel du moins.

« L’individu stupide est le type d’individu le plus dangereux »

S, l’individu stupide, est donc en ce sens bien pire que le crétin. Les actes de S, tout comme ses actes manqués (l’homme étant un « animal social », même ses non-actions influent sur le reste de l’Humanité) ont une influences néfaste aussi bien sur lui que sur les autres. Il est un trou comptable. Il ne se contente pas d’opérer un transfert de richesse de sa poche à celle d’un autre. Il détruit. Il est un agent de décroissance. S est une récession. S est un cancer…

Stupide et crétins ont donc pour point commun un certain masochisme, un goût pour l’automutilation sociale et affective. Ils se font du mal, et quel que soit le résultat de leur activité pour autrui, ils sont incompréhensibles aux yeux des deux types d’êtres qui se partagent la partie droite du schéma. B et I, Bandit et Intelligent, sont des êtres rationnels. B et I ne peuvent donc que rester dubitatifs devant C, et devraient à fortiori rester sur leur garde face à S dont les actions frappés du sceau de l’irrationalité en font donc « le type d’individu le plus dangereux », capable de frapper à tout moment et en dépit de tout bon sens ou instinct de conservation.

Même B, le bandit, a à craindre de l’individu stupide. B fait le mal, certes. Mais il reste prévisible. Il est possible de le combattre car il est possible de comprendre ce qui le pousse à agir de la sorte. Puisqu’il n’est pas à l’image de l’intelligent, capable, ou suffisamment volontaire pour faire le bien tout en se faisant du bien, le bandit prend dans la poche de l’autre ce qu’il met dans la sienne. Le bandit moyen opère simplement d’un point de vue comptable un transfert proportionnel de richesse, quand un bandit intelligent saura lui convertir en grands bénéfices un petit larçin. Mais pour ce qui est du bandit à tendance stupide, méfiance! Il est parfaitement apte à faire beaucoup de mal pour un profit minimal. En d’autres termes, celui-ci vous plantera pour un billet de 10 euros !

La connerie, une simple question d’équilibre?

Le lecteur (rationnel) touchant au bout de la démonstration, aussi séduisante et ludique soit-elle, butera tout de même quoi qu’il arrive sur un lot d’imperfections inhérent à toute tentative de théorisation de l’humain. Partant du postulat «  agréable  » que la proportion d’individus stupides et que leur pouvoir de nuisance reste invariablement stable quel que soit le groupe de sujets observé, comment expliquer dès lors qu’une société puisse prospérer, vivre heureuse et en plein essor, quand une autre périclite, s’effondre, se vautre dans l’autodestruction? Et bien très simplement répond le professeur : Toute la différence réside dans l’influence des autres groupes d’individus, et dans le ratio pertes personnelles / profits collectifs. Si les bandits sombrent dans une violence démesurée tandis que les intelligents se rapprochent des bandits en se contentant de ne pas faire de mal lorsqu’ils se font du bien, alors cette société part en quenouille…

Ne serait-ce donc qu’une simple question d’équilibre? Dans son Encyclopédie de la stupidité, le néerlandais Matthijs Van Boxsel pointe lui aussi la difficulté à définir de manière satisfaisante cette abstraction, attribuée par la nature et cultivée par la culture, « ne pouvant se définir que négativement, en contraste avec une autre particularité ou comme un manque. » Et lui aussi de replacer la stupidité dans une perspective, de la faire vivre de par la place qu’elle tient à l’un des bout du spectre des relations sociales : « La stupidité ne s’oppose pas à l’intelligence. Elle s’oppose à l’absence de stupidité, et l’intelligence à l’absence d’intelligence…. »

Et si, finalement, ce stupide théorème tenait debout?

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2 commentaires sur “Opus de la connerie

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