Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Congo #David van Reybrouck #Edition #Prix Médicis

Congo, prix Médicis

Publié le 8 novembre 2012 par

Le journaliste écrivain belge David van Reybrouck a reçu le Prix Médicis 2012 de l’essai pour son magistral Congo, une histoire, le plus romanesque des pays africains qui jusqu’alors n’avait pas eu le droit à un récit digne de ce nom sur ses 90 000 ans. Entretien avec l’auteur.

fabrique_230-2.gifEdition. «  Ce qui se passe là-bas est extrême, mais c’est le résultat de comportements humains  » Pour raconter l’histoire du Congo (aujourd’hui appelé République Démocratique du Congo) qui n’avait jamais eû encore à ce jour une fresque aussi impressionnante, David van Reybrouck, 41 ans, a enquêté six ans dans ce vaste pays d’Afrique centrale. Après un passé de best-seller en Belgique et aux Pays-Bas, son «  Congo, une histoire  » publié en France cette rentrée s’est vu décerner le prix Médicis de l’essai. Le «  journaliste-archéologue-romancier-philosophe  » belge a rencontré des centaines de témoins qui donnent chair et nerfs au passé captivant de ce pays potentiellement richissime, dont la population est une des plus pauvres de la planète.

LES INFLUENCES : Pourquoi avez-vous choisi de rédiger cette histoire principalement à partir des témoignages des Congolais ?

David van Reybrouck : J’ai voulu me départir de tout eurocentrisme. J’ai cherché ce qu’on retrouve rarement dans les textes : des petites bribes de vie qui en disent beaucoup sur l’air du temps. Ayant étudié l’archéologie, j’attache une grande valeur aux informations non textuelles, car elles permettent souvent d’obtenir une image plus complète, plus tangible. Je voulais interviewer des gens, pas nécessairement des personnalités influentes, mais des gens ordinaires dont la vie est marquée par l’Histoire du Congo. J’avais envie de leur demander ce qu’ils mangeaient durant telle ou telle période. J’étais curieux de savoir quelles couleurs ils avaient portées, à quoi ressemblait leur maison quand ils étaient enfants, s’ils allaient à l’église…

Au cours de vos recherches, quelles sont les découvertes historiques qui vous ont le plus marqué ?

Il y en a beaucoup. Par exemple, j’ai été surpris de voir le rôle important qu’a joué le Congo Belge dans les deux guerres mondiales. Les soldats congolais ont libéré la Tanzanie de l’occupation allemande en 1916. Puis, en 1941, ce sont encore les soldats congolais qui sont partis déloger l’Italie mussolinienne d’Ethiopie. J’ai aussi mieux cerné combien le tribalisme était une notion coloniale, urbaine et moderne. C’est le colonialisme, et surtout les missionnaires belges, qui l’ont renforcée. A Kinshasa, cette identification était bien plus forte en 1950 qu’en 1910.

En lisant Congo, on a l’impression que ce pays pourtant doté de toutes les richesses aimante le malheur. Comment l’expliquez-vous ?
C’est un de ses paradoxes. Aucun pays n’a eu autant de chance avec ses richesses naturelles : à chaque fois que le marché international a exprimé une demande pour des matières premières, le Congo les avait. Il y a eu l’ivoire à l’époque victorienne, le caoutchouc après l’invention du pneu gonflable (en 1888, ndlr), le cuivre lors de la forte expansion industrielle et militaire au 20ème siècle, l’uranium pendant la guerre froide et enfin le coltan et la cassitérite à l’ère des téléphones portables. Le Congo a toujours eu tout, il pourrait être le pays le plus riche du monde. C’est une éponge humide posée au milieu d’un continent très sec, qui pourrait fournir en électricité ou en eau potable toute l’Afrique… Mais son drame, c’est que cette richesse est couplée avec une extrême faiblesse de l’Etat. Ça attire les convoitises.

C’est-à-dire ?

Il n’y a pas d’organisation étatique, alors que l’Etat pourrait imposer des taxes et des impôts qui seraient redistribués pour construire le pays, comme c’est le cas ailleurs dans le monde. Du coup, le pays est victime de toutes les prédations. De la part des multinationales qui se servent en matières premières, mais aussi de la part des Congolais eux-mêmes qui tentent de survivre par tous les moyens possibles. La corruption est endémique, elle existe à tous les niveaux. Dans le livre, j’écris que si elle passe pour un comportement injustifiable en Occident, la corruption est souvent considérée comme un comportement raisonnable au Congo : quand on laisse passer une occasion en or de nourrir sa famille, c’est là qu’on a une attitude irresponsable. Dans ce contexte, les services publics disparaissent, il n’y a plus de Poste, l’eau et l’électricité sont distribuées aléatoirement. Et l’espace démocratique se rétrécit. Depuis l’indépendance, il n’y a eu qu’une seule fois des élections locales, or c’est par là que se fait la culture démocratique, non ? Aujourd’hui, les élections nationales sont un protocole, un emballage pour rassurer les bailleurs de fonds.

Le Congo est un pays plus romanesque que les autres ?

Non. J’essaie d’éviter ce genre d’exotismes. Ce qui se passe là-bas est extrême, mais c’est toujours le résultat de comportements humains. Il n’y a rien d’inexplicable. Le Congo ne se situe pas en dehors de l’histoire.

Comment voyez-vous l’avenir de ce pays ?

Il aura encore longtemps des atouts économiques exceptionnels. De nouveaux acteurs économiques s’y intéressent, comme la Chine, mais aussi l’Inde, la Corée du Sud, le Brésil ou l’Afrique du Sud. Il faut juste espérer que les résultats de ces nouveaux échanges puissent enfin profiter au peuple congolais. Il ne faut pas qu’ils continuent à être victimes des prédations extérieures. La RDC a un potentiel énorme, mais il faudra beaucoup de temps pour remettre ce pays sur les rails. »

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