Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

Filtré pour vous : L'actualité politique et intellectuelle

#Barack Obama #Le Rhéteur cosmopolite #Nicolas Sarkozy #Sonique #Theodore Roosevelt

Propos vacants sur le sonique en politique

Publié le 17 août 2010 par

(Source Klincksieck)
(Source Klincksieck)
Je suis en vacances et je regardais avant-hier M. Obama donner du menton derrière son pupitre, comme jadis Mussolini à son balcon, et aboyer, sur le bulletin de la chaîne internationale russe RT. Ceux qui lui font toujours leurs dévotions en dépit de ses reniements de Judas vont me faire une scène. Tant pis, qu’ils respirent à fond car s’ils l’écoutent bien, ils percevront qu’il aboie quand il veut faire autoritaire, sentencieux, «  executive  » comme on dit à Washington. GW Bush faisait rarement «  executive  » mais plutôt bonhomme, dans le dernier style Chirac. M. Obama, par contre, est tout en phrases courtes, claquées dans la mâchoire, chacune sur un souffle à la fois. Phrases aboyées. Aucun legato. Et s’ils observent bien le cadrage et l’angle de prise de vue, ils verront que les cameramen, comme s’ils s’étaient donné le mot, le filment le plus souvent en gros plan et en contre-plongée. Du coup, on voit son menton et sa mâchoire. On le voit par où il fait du son, par la mâchoire, et c’est ainsi que se crée une impression d’autorité immédiate, immanente et innée. En outre, puisque l’art du cadrage est de créer du hors-cadre, ce qui est hors-cadre ce sont ses oreilles, peu seyantes dans leur saillie, figurant ironiquement le fait que M. Obama ne sait pas être à l’écoute, sauf de lui-même (sur quoi s’entendent les «  insiders  » de Capitol Hill). M. Obama fait du son «  oua ! oua ! oua ! », et promet de mordre – allez donc l’écouter à propos de l’affaire BP.

A propos, regardez-vous RT ? J’aime cette chaîne paradoxale – car une chaîne russe en anglais, qui la regarde ? Pas les Russes en goguette ? Pas les Anglo-Saxons qui captent SKY, CNN, BBC ? Qui ? Mystère. RT fait du son. A preuve, on ne sait jamais si le son que RT émet est une blague ou pour de vrai : tous ses présentateurs ont l’accent d’Oxford, parfois poussé à la caricature, et les indigènes eux-mêmes ont réussi à se défaire de leur accent russe, du «  i  » couiné et du «  t  » mouillé qui trahissaient, jadis, dans les bars de Berlin et les Heuriger de Vienne, l’espion formé à l’école des langues de l’ancienne URSS; tandis que leur correspondante à New York s’arrange toujours pour peindre de Manhattan un tableau apocalyptique, mais avec un parfait accent yankee. RT c’est l’ARTE du son : l’œil de Moscou qui sonne anglais ou américain, à la perfection, un peu comme ces diplomates israéliens dont l’accent américain est si bien ajusté qu’en fermant les yeux on croit entendre le Départment d’État : ah ! si les Iraniens et les Palestiniens avaient compris ce subterfuge sonique et formé leurs diplomates à l’art du semblant sonore, alors qu’ ils sont là à ahaner dans un sabir d’opérette cairote ! Prestidigitation sonique qui fait la séduction, soit dit en passant, de Tariq Ramadan.

Hier matin je lisais un article fort savant commis par un rhétoricien américain sur la «  présidence sonique  ». Mes homologues d’outre-Atlantique ont l’art d’inventer les «  champs d’étude  » comme d’autres des multi-profils sur les sites de rencontre avec des ados. Ils créent une expression, ils captent une niche du marché et publient un bouquin. On peut les railler mais comme, en Gaule transalpine, nous les singeons sans relâche, nous devrions plutôt nous épouiller – par exemple, cette dame sur TV5 Monde, la chaîne la plus sotte du monde, qui expliquait à une autre dame que le mot tendance sur les plages pour rembarrer un mec nul c’est de le traiter de «  douche bag  », qu’elle traduisit par «  loser  » (on admire la trad’ qui ne trad’ pas : du son), alors que le terme, extrêmement vulgaire, veut dire que le bellâtre de la Chambre d’Amour fait l’effet d’un lavement vaginal, ce qui n’est pas forcément désagréable. La présentatrice de Télématin, je crois, faisait du «  sonique  ».

Hier soir, en donnant des graines de tournesol à Pamela, ma dame paon, avant qu’elle ne se retire et n’aille se percher dans l’olivier sauvage, j’écoutais d’une oreille lointaine Euronews, la fastidieuse chaîne de propagande bruxelloise, qui peu à peu se hisse au niveau de TV5 Monde, encore un effort camarades ! et qui une fois encore nous infligeait de la ventriloquie. Un sinistré pakistanais, dans la boue de l’Indus, hagard et hébété, éructait en français par la voix d’un blanc-bec surexcité. C’est une mode : les traducteurs radio-télé se jouent la comédie de la personnification, ils font la roue, et rajoutent à la traduction des mots une interprétation sonique. Et ce sont toujours des jeunes gens. Aucun vieux dans cette troupe ventriloque. Le pire de ce système de ventriloquie adultophobe vous le verrez à l’œuvre sur Télévision Suisse Romande où des pécores criaillent à qui mieux mieux et souvent à contre-sens du ton de ce que disent les interviouvés (la TSR doit bien inventer quelque excitation pour rendre intéressants leurs interminables bulletins sur le ranz des vaches ou les dangers de la baignade après cinq heures). La ventriloquie traductrice qui falsifie par le son.

Ce matin, en regardant passer les premières baleines du printemps qui viennent vêler dans la baie, je saisis une émission où le secrétaire pour la communication du Parti socialiste, M. Assouline, se calait aux étriers pour la rentrée politique en imitant sans le vouloir, qui sait ? à la fois Jack Lang et Nicolas Sarkozy. Au premier il avait emprunté le bronzage étudié et l’élocution chochotte (jamais on ne dira suffisamment les ravages créés dans l’élocution politique française par Jean-Louis Trintignant pour les uns et pour les autres Simone Signoret – j’y reviendrai). Au second, une forme oratoire qui consiste à se poser à soi-même les questions que le journaliste ne vous pose pas, à se répéter sous deux ou trois formes, à abuser du «  je dis que  » et de l’interpellation directe, et à se trémousser sur sa chaise. Comme nous disons en rhétorique : action (les gestes) et prononciation (le ton de voix). M. Assouline fait du son.

Où veux-je en venir ? A ceci : dans l’étude signalée ci-dessus[[Greg Goodale, «  The Presidential Sound  », QJS 96/2, 2010.]], l’auteur qui a analysé les enregistrements des discours présidentiels ou par des présidentiables américains depuis 1908 (les élections de cette année-là ont été marquées par la première distribution de discours enregistrés) explique comment, par exemple, Theodore Roosevelt brise avec l’élocution chic, théâtrale, patricienne de ses rivaux, bref avec le «  son  » politique du temps. Il escamote des consonnes (alors que le style chochotte était de les tenir longtemps), il finit ses phrases clefs sur un ton descendant (alors que le style oratoire était de finir sur une tonique, en montant…je vous laisse repérer qui fait encore ça, en France), il liait deux phrases en prolongeant une voyelle afin que la syntaxe ne brise pas la tenue d’écoute (alors que le style du prétoire qui sévissait et sévit encore chez M. Obama, un ancien assistant, temporaire, en fac de droit, est d’aboyer chaque sentence), ce qui est une technique de conteur populaire du Far West nous dit-on. Mais voici une remarque encore plus intéressante sur cette production d’un son neuf en politique : Teddy Roosevelt (tout en paradoxes : écologiste et safariste, impérialiste et Nobel de la Paix, patricien et touche populaire, vétéran et plus jeune président américain) avait compris que le nouveau son américain était le do. Le do ? Oui : à cause de la commercialisation du piano, aussi banal alors dans les foyers américains que la télé aujourd’hui. Au piano on chantait des airs à la mode, dans les fermes du Minnesota, les mines du Colorado, les bastringues de l’Arizona, les cabanes de l’Oregon et les pavillons du New Jersey, et ces airs étaient écrits dans cette clef. Teddy lâcha donc le grand air d’opéra politique et judiciaire pour adopter l’air populaire à la mode. Sa clef de parole, son «  sonique  », était le do. Celle de son auditoire.

Conclusion : en politique le son, ou mieux le «  sonique  » est une réalité. Et voilà pourquoi M. Sarkozy a gagné les élections : il avait compris la demande sonique du moment, car comment croire un seul instant que ses idées ou celles qu’on lui a soufflées aient pu, en quoi que ce soit, lui donner l’avantage ? Mon avis aux politiques est de cesser de donner dans le mode opératoire RT, de mettre au rancart la ventriloquie du «  je vous traduis bien  », de briser là l’imitation du président ou des «  has been  » sentencieux de l’autre bord. Mon avis en «  Eloquent Leadership  » est celui-ci, et je le donne gratuitement puisque nous sommes en vacances: trouvez de quel «  sonique  » sera faite la victoire en 2012.

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