Influences (n. fem. pluriel)
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  2. Action exercée sur quelqu’un.
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Les Influences

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La France accorde le droit d’asile à un Sud-Coréen, Lee Yeda

Publié le 5 mars 2015 par

Pour la deuxième fois dans l’histoire des relations franco-coréennes, la France accorde l’asile politique à un ressortissant sud-coréen.

notes_coreennes.gif Lee Yeda. Ce nom suffit à faire pâlir n’importe quel officiel coréen en poste à Paris. Véritable cadavre dans le placard pour cette Corée qui veut se montrer sous ses atours les plus chatoyants, Lee Yeda n’est pas qu’un simple réfugié, c’est un réfugié politique. En effet la France a eu le culot de lui accorder l’asile politique pour objection de conscience.

Rien ne laisse présager que ce jeune homme issu de la classe moyenne connaisse ainsi un destin hors du commun. Mais en 2012, la réception de sa lettre de mobilisation le fait réfléchir sur sa vie. Le service militaire est obligatoire en Corée du Sud. D’une durée de vingt-et-un mois peu de gens y réchappent. L’objection de conscience n’est pas reconnue dans la péninsule, ainsi sur les 900 objecteurs de consciences emprisonnés à travers le monde, 700 le serait pour la seule Corée du Sud ; la peine étant de dix huit mois de prison. La plupart du temps les refus de devenir conscrit sont pour des motifs d’ordres religieux ou liés à l’appartenance à une minorité sexuelle. C’est d’ailleurs sur ces motifs que d’autres Sud-Coréens ont obtenu l’asile politique en Australie ou au Canada.
Sa date d’incorporation est pour septembre. Après un temps de réflexion, il décide de partir en France afin d’y trouver asile. Si son père prend plutôt bien la nouvelle, c’est par contre un drame pour sa mère.

Il arrive en France le 17 juillet 2012 avec 400 € en poche. Dès le lendemain de son arrivée, sans parler français et avec un anglais approximatif, il part à la recherche d’une ONG susceptible de l’aider dans sa demande de droit d’asile. Après des recherches infructueuses, il arrive à prendre contact avec France Terre d’Asile. Sans ressource, FTDA le renseigne et lui donne des informations afin de se loger et se nourrir[[A Paris, une majorité des demandeurs d’asile vivent dans la rue pendant le traitement de leur dossier. Même Voice of America s’est permis d’en faire un article : Paris Tent Camp Reflects Plight of Europe’s Asylum-Seekers ]]. C’est le début de la galère et du 115 qu’il faut appeler chaque jour afin de décrocher un logement d’urgence pour la nuit. En parallèle il arrive à nouer contact avec un couple coréen qui le loge gratuitement une fois par semaine, les soirs où le 115 fait défaut. Certains soirs, la seule solution qui s’offre à lui est de dormir dans la rue. Yeda ne souhaite à personne de vivre cette aventure : «  Supporter le froid est déjà difficile, mais le pire, bien que je ne comprenne pas le français, sont les éclats de voix ou le bruit des bagages tirés sur le sol qui vous mettent très mal à l’aise. Ça vous motive pour trouver un logement.  »
Dans cette période de galère, il a sollicité deux églises protestantes coréennes basées à Paris pour trouver un abri de fortune ne serait ce que pour une nuit. Si l’une l’a accueilli et a fait à la mesure de ses moyens, l’autre s’est montrée plus rétive, lui reprochant de ne pas travailler sans lui fournir d’aide.

L'Asahi Shimbun (12,6 millions d'ex diffusés) se fait l'écho du passage de Yeda au Japon dans son édition du 25 octobre 2014.
L’Asahi Shimbun (12,6 millions d’ex diffusés) se fait l’écho du passage de Yeda au Japon dans son édition du 25 octobre 2014.

L’hiver arrivant, ce sont les gymnases réquisitionnés dans le cadre du plan Grand Froid qui lui servent de toit. Pour une fois il se rappelle de cette époque le sourire aux lèvres : «  J’ai visité tous les gymnases de la Ville de Paris. C’était beaucoup mieux que le 115. Il n’y a pas besoin de téléphoner, pas besoin de faire une heure de bus pour rejoindre le logement. Il est même possible de s’y rendre jusqu’à minuit avec un repas abondant.  »

En avril, l’épreuve de vivre dans la rue est enfin finie. En effet FTDA lui trouve un hébergement dans un Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA). Les bonnes nouvelles n’arrivant jamais seules, un mois après il est convoqué pour un entretien avec l’OFFRA (Office français pour les réfugiés et les apatrides). Il obtient l’asile en juin 2013. Cette reconnaissance lui est attribuée sur la base de son refus d’effectuer son service militaire en Corée du Sud et par conséquence sa criminalisation. Si pour Yeda il y a une injustice dans le service militaire coréen, cette raison n’est pas recevable et son objection est passible de dix-huit mois de prison.

Actuellement la Corée du Sud découvre les conditions très dures auxquelles sont soumis les appelés. Des simples brimades se transforment parfois en sévices comme ce conscrit qui a été torturé à mort en 2014 [[ Corée du Sud : sévices militaires ]]. Parmi les appelés, on dénombre une centaine de mort par an. Si l’acte suicidaire est le plus courant, il y a parfois des fusillades tragiques dont celle de juin dernier qui fit cinq morts.

Conférence de presse lors de son dernier passage au Japon en octobre 2014.
Conférence de presse lors de son dernier passage au Japon en octobre 2014.
Quand on lui offre l’occasion de s’exprimer sur la situation du service militaire en Corée du sud, Yeda n’hésite pas à se déplacer. Ainsi il est allé plusieurs fois au Japon pour donner des interviews et participer à des conférences de presse. Le Japon par l’article 9 de sa constitution «  renonce à jamais à la guerre  ». Devant la montée en puissance de la Chine, de nombreux conservateurs souhaitent la révision de la constitution pour que le Japon puisse se doter d’une armée en mesure de défendre le territoire national. Le premier verrou à la révision constitutionnelle a été levé le 1er juillet 2014. En marge du débat sur le bien-fondé de cet article, se pose le problème du service militaire obligatoire. C’est dans ce cadre que l’expérience de Yeda intéresse plus particulièrement les Japonais. Régulièrement invité, il n’hésite pas à financer ses voyages pour venir parler des travers de la conscription dans l’armée coréenne. Son discours est clair : «  La conscription a été mise en place pour défendre le pays. Mais c’est un mensonge dans le cas de la Corée. L’armée n’est pas là pour la défense du pays, c’est le bras armé du gouvernement qui en use comme il l’entend. On manipule l’armée et on entretient ainsi un sentiment de revanche. Il se passe la même chose au Japon. Avec l’assassinat de Goto Kenji, l’extrême droite a sauté sur l’occasion pour demander la modification de l’article 9.  »

Être objecteur de conscience était, il y a encore peu, très mal perçu en Corée du Sud. Mais depuis la fusillade de juin dernier, l’opinion publique est choquée par les maltraitances que subissent ses appelés au sein de l’armée. Après l’affaire du Sewol qui a mis en lumière les dysfonctionnement de la société coréenne, les maltraitances couvertes par la hiérarchie militaire sont devenues inacceptables pour la majorité des Coréens. «  Malheureusement il faudra du temps pour que les choses changent mais depuis les sévices, je reçois des signes de sympathie de la part des Coréens. Même si certains ne sont pas d’accord avec ce que j’ai fait, ils admettent que le système militaire doit changer  » comme le souligne Yeda. Bien qu’il ait conscience que l’armée soit parfois nécessaire, il souhaite qu’il y ait une réflexion sur l’utilité de l’armée et de l’armement. Ses yeux sont pleins de malice quand il imagine que «  tous les appelés refusent la conscription. Cela va tous changer et l’objection sera devenue un droit. Les Coréens font le service militaire car ils n’ont pas le choix. Et ils seront traités comme des esclaves pendant deux ans  ». Son message est clair : «  Si vous refusez d’y aller, cela deviendra un droit de ne pas vouloir la faire.  »

Un mai 68 est-il imaginable en Corée du Sud, un refus de la jeunesse de se plier à l’ordre établi ? A cette question Yeda remarque que : «  Déjà certains Coréens vivent comme des esclaves. Il y a beaucoup d’entreprises qui ne respectent pas les droits des travailleurs, ni même le salaire minimum. C’est un système vicieux. Les banques prêtent de l’argent pour financer les études et ensuite les salariés se saignent pendant dix ans pour les rembourser. On voit très bien que les banques prêtent à des populations qui sont incapables de rembourser rapidement. Et même dans ce cas précis, il y a très peu de revendications de la part des salariés pour remettre en cause ce système aberrant. Malheureusement je crois que je vivrai sans espoir de voir les choses changer.  »

Après avoir travaillé dans la restauration rapide, il souhaite maintenant s’investir dans une association aidant les demandeurs d’asile. Pour cela il a en ligne de mire une inscription à la fac lors de la prochaine rentrée universitaire.

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