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Manuel Cervera-Marzal : ceci n’est pas une fake news

Publié le 12 décembre 2018 par

En janvier, le philosophe publie un éloge de la post-vérité et réclame l’égalité de tous les citoyens devant le mensonge.

vu_et_repere_120-3.jpg Inégalités. Le mois des Gilets jaunes nous aura particulièrement servis en rumeurs, buzz, contre-vérités, fake news de toutes sortes. La bataille des propagandes a rythmé les camps adverses. Ces mensonges ont constitué un petit bout de paradis politique. Telle est la théorie ironique de Manuel Cervera-Marzal, philosophe d’inspiration chrétienne et anarchiste. Dans un essai à paraître en janvier, il prend plaisir au contre-pied de tout ce qui s’énonce sur la post-vérité (Post-truth). Ce mot a surgi dans le vocabulaire politique mondial en 2016. Le Dictionnaire d’Oxford décrit cette notion comme «  des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles  » .

Tout le monde ment, qu’il soit dominé ou dominant, rappelle Cervera-Marzal, et cela a commencé avec les pères fondateurs de la révolution française dont le tout premier acte fut de mentir. «  Les révolutionnaires français mentirent en affirmant que les hommes étaient égaux. Les hommes ne naissaient pas égaux, et les révolutionnaires le savaient pertinemment. » Mais ils firent bien de mentir, car ils transformèrent le monde, le rendant plus juste et abolissant des privilèges. « Pour gagner sa liberté, il faut mentir« , affirme Manuel Cervera-Marzal.

La post-vérité peut être un motif de réjouissance démocratique

Le mensonge est devenu inadmissible parce qu’il percute trois valeurs suprêmes des sociétés contemporaines : rationalité, transparence, responsabilité. Une société démocratique et libérale comme la nôtre ne risquerait-elle pas de sombrer sous les effets du mensonge généralisé et de son désordre ? Certes. Mais fort heureusement tout le monde n’a pas le droit de mentir, argumente Manuel Cervera-Marzal. Journalistes, scientifiques, historiens, juges ont des rôles de garde-fou dans cette société qui se la raconte beaucoup. Mais là aussi, l’hygiénisme ambiant qui cherche à tout désinfecter peut être pire que le mal. Le philosophe s’en prend au phénomène du fact-checking, et plus particulièrement, avec férocité enjouée, au Décodex du journal Le Monde qui sous couvert d’algorithme et de tri intransigeants, décide quel est le média de la bonne opinion et celui qui ne l’est pas.
En revanche, «  une société abandonnée toute entière aux acteurs politiques n’a jamais existé, pour la bonne raison qu’une telle société ne tiendrait pas debout une semaine. Le mensonge est nécessaire à la politique, voilà pourquoi le terme de  » science politique  » et les métiers qui s’y rattachent sont à peu près inutiles. En politique encore, le menteur serait volontiers un réformateur (la ruse pour y arriver) quand le cynique, lui, est un conservateur (le faux mouvement pour rester sur-place).

Mais en quoi la post-vérité serait-elle motif de réjouissance démocratique ? S’il faut se réjouir de l’inflation de cette notion explique notre philosophe libertaire, c’est qu’elle est «  le symptôme de la panique des élites qui sentent que plus grand-monde ne leur fait confiance  », et que toutes les certitudes dont celle cardinale de leur autorité se dérobent sous leurs pieds. «  De ce point de vue, la post-vérité ne signifie pas une ère d’abrutissement généralisé mais au contraire, une prise de parole par celles et ceux qui en étaient privés. » Libertaire à la manière des contributeurs de Wikipédia, Manuel Cervera-Marzal soutient qu’une délibération plus large apporte un surcroit de vérité et des réponses moins fausses. En ce sens, le système démocratique est bien plus risqué qu’une dictature.

Manuel Cervera-Marzal, Post-Vérité, pourquoi il faut s'en réjouir, Le Bord de l'eau, 128 p., 12 €. Publication : 12 janvier 2019.
Manuel Cervera-Marzal, Post-Vérité, pourquoi il faut s’en réjouir, Le Bord de l’eau, 128 p., 12 €. Publication : 12 janvier 2019.

Pour gagner sa liberté, il faut mentir.

Dans ce petit essai alerte ( de belles pages justement sur le fait d’écrire un essai), de parfaite mauvaise foi, d’humour certain et de clarté voulue, il déroule en 45 points de nombreux aspects de la post-vérité. Le sociologue Gérald Bronner, ennemi affiché des antiprogressistes et des faux sociologues, qui n’est pas nommé en prend tout de même pour son grade. Les jeunes essayistes conservatrices Eugénie Bastié et Laetitia Strauch-Bonart sont délicieusement interpellées pour leurs visions machistes de l’homme moderne. Il discute les mensonges de l’extrême droite ( elle a gagné probablement la bataille des idées mais certainement pas celle de la vérité ) et de l’extrême gauche (Chantal Mouffe et sa construction du peuple).

Autant spoiler : La vérité s’en sortira toujours car elle est tactile entre les êtres qui s’aiment, ou évidente chez certains êtres «  authentiques, exemplaires et intègres  ».

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