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#Elisabeth Roudinesco #Esther Benbassa #Gaza #Histoire #Israël #Psychanalyse #Sociologie

Esther Benbassa et Elisabeth Roudinesco sont OK

Publié le 13 novembre 2009 par

Divisées en juin dans le conflit qui opposait le sociologue Vincent Geisser au CNRS, la directrice de recherche de l’Ecole Pratique des Hautes-Etudes et l’historienne de la psychanalyse à Paris VII tombent plutôt d’accord, dans leurs publications respectives, sur le statut d’Israël et de la judéité.

Bio-express. Esther Benbassa. Née à Istanbul le 27 mars 1950. Directrice d'études à la section sciences religieuses de l'EPHE. Directrice du Centre Alberto Benveniste d'études sépharades et d'histoire socio-culturelle des juifs.
Bio-express. Esther Benbassa. Née à Istanbul le 27 mars 1950. Directrice d’études à la section sciences religieuses de l’EPHE. Directrice du Centre Alberto Benveniste d’études sépharades et d’histoire socio-culturelle des juifs.
Une question de tempérament. A ma gauche toute, Esther Benbassa. A ma gauche, Elisabeth Roudinesco.

En mai et juin, elles avaient fourbi leurs armes et polémiqué publiquement au sujet du chercheur du CNRS Vincent Geisser, spécialiste de l’islam. Celui-ci s’était retrouvé devant un conseil de discipline pour avoir exprimé une opinion dans un mail privé contre le fonctionnaire chargé de la sécurisation du système informatique et des missions sensibles de l’organisme. Aucune sanction, ni tape sur la main pour le moment, si ce n’est une lettre très colère du directeur général du CNRS, Arnold Mingus, adressée au garnement. Mais pour Esther Benbassa surexposée en première ligne du soutien à Vincent Geisser, c’était la recherche qu’on cherchait, si ce n’est à abattre, à contrôler à travers ce fait-divers scientifique.

Pour Elisabeth Roudinesco en revanche, ce Vincent Geisser était suspect d’islamofolie aveugle et n’était surtout pas le Voltaire moderne qui aurait mérité une grandiloquente pétition. Elle le fit savoir dans une tribune publiée par Libération. L’échange entre ces deux chercheuses fut vif, et dans la grande tradition du pouvoir intellectuel français, c’est à qui disqualifierait la première.

Quelques vacances et une rentrée plus tard, Esther Benbassa et Elisabeth Roudinesco tombent à peu près d’accord sur le même sujet dans leurs publications respectives réfléchissant sur Israël et son devenir, mais aussi la judéité à l’heure de la mondialisation. Se sont-elles envoyées leurs oeuvres dédicacées ?

Comment être juif dans l’Israël de 2009 ?

Esther Benbassa publie « Etre juif après Gaza » (CNRS éditions). Un petit texte dense aux phrases polies et au ton plutôt modéré qui se demande « comment être juif après l’offensive israélienne contre Gaza » ?

Elisabeth Roudinesco, elle, propose une réflexion psycho-historique dans « Retour sur la question juive » (Albin Michel), titre en hommage à Jean-Paul Sartre. A la fois exploration érudite, fragments autobiographiques et essai sans pathos, elle s’en prend aux abus de langage et aux postures d’intimidation, tant « l’antisémitisme reste la faute capitale » comme l’assure l’écrivain Maurice Blanchot en exergue du texte. L’accusation d’antisémite, comme celui de la pensée unique ou de la référence au fascisme à tout bout de champ, fait partie de la machine contemporaine à exclure l’interlocuteur ou écraser le débat.

« Juif universel », « juif de territoire »

Bio-express. Elisabeth Roudinesco. Née à Paris, le 10 septembre 1944. Elle tient, depuis 1991, un séminaire sur l'histoire de la psychanalyse dans le cadre de l'École doctorale du département d'Histoire de l'Université Paris VII-Denis-Diderot (UFR de Géographie, Histoire, et Sciences de la Société, G.H.S.S.) et de l'École Pratique des Hautes Etudes.
Bio-express. Elisabeth Roudinesco. Née à Paris, le 10 septembre 1944. Elle tient, depuis 1991, un séminaire sur l’histoire de la psychanalyse dans le cadre de l’École doctorale du département d’Histoire de l’Université Paris VII-Denis-Diderot (UFR de Géographie, Histoire, et Sciences de la Société, G.H.S.S.) et de l’École Pratique des Hautes Etudes.
Elle opère les distinctions de l’antijudaïsme qui traverse la chrétienté médiévale, celui des Lumières, d’un Voltaire et d’un Diderot qui fustigeaient en réalité l’obscurantisme religieux jusqu’à celui à prétention scientifique du XIXe siècle. Sans oublier « la haine de soi juive » théorisée au XVIIIe siècle par le théologien allemand Ephraim Lessing. Elle recense également tous les négationnismes de l’après-guerre, et notamment ceux qui s’ignorent comme le linguiste Noam Chomsky. Elle s’élève aussi contre les « procureurs »et autres « inquisiteurs » à petits pieds qui prétendent mettre à l’index tout ceux qu’ils considèrent, à tort et à travers, comme antisémites.

Moins dense en informations qu’un ouvrage de Pierre-André Taguieff, moins inventif qu’Edgar Morin et sa « Condition juive » (le Seuil, 2007) qui fait ressortir l’image moderne du « judéo-gentil » (un juif universel, diasporique et acteur de la mondialisation), et s’interroge sur la judéité contemporaine au temps d’Israël, l’essai d’Elisabeth Roudinesco, plaide tout de même avec une belle conviction sur la nécessité d’une « judéité universelle inspirée des Lumières ».

C’est que l’idée sioniste, conçue en 1900 par Theodor Herzl et Max Nordau comme une « décolonisation de soi », est venue bousculer l’édifice théorique de la question juive, distinguant le « juif universel » du « juif de territoire ».

Elisabeth Roudinesco démêle les situations intellectuelles qui voudraient que la critique du sionisme soit considérée comme fatalement de l’antisionisme. Elle pointe également cet antisionisme qui finit par se superposer à l’antisémitisme.

En 2009, « la judéité universelle » d’Elisabeth Roudinesco se trouve contrariée par l’extrême droit israélienne qui veut faire un état juif en réhabilitant le concept de la race, sous l’égide d’un dieu vengeur.

L’assèchement intellectuel du sionisme

C’est ici qu’Esther Benbassa reprend la main. « C’est parce que je suis une Juive sans Dieu qu’Israël fait partie de la religion que je n’ai pas, mais c’est aussi parce que j’y ai grandi que je tiens à son existence et ne puis donc qu’être critique », affirme t-elle.

A ses yeux, l’offensive israélienne sur Gaza au début de cette année marque une rupture.  » Les exactions d’Israël contre les Palestiniens n’ont évidemment pas commencé avec Gaza, mais là quelque chose de nouveau s’est passée » estime Esther Benbassa. A savoir ce qu’un juif peut admettre, avec l’histoire dont il est le dépositaire, et « ce qu’il ne peut que refuser s’il veut que son judaïsme reste une vision du monde empreinte d’humanité, donc d’universalité. » C’est pour cette raison qu’elle a soutenu cet été l’universitaire pacifiste Neve Gordon, mis en quarantaine de l’université Ben Gourion pour un article publié dans Los Angeles Time.

A la suite du sociologue Georges Friedmann notant dès 1965, dans « La Fin du peuple juif ? » (Gallimard), la fracture au sein d’Israël entre Ashkénazes (juifs d’Europe centrale et orientale) et sépharades (ce « deuxième Israël » venu du Levant et d’Afrique du Nord), et la place de la religion dans un Etat démocratique, ce court texte de la chercheuse de l’EPHE, mais qui n’a pas le souffle court, décrit un pays qui additionne ses soldats morts actuels aux victimes de la Shoah, s’approprie une mémoire historique sans partage aucun, masque ses dissensions et ses fractures et surtout, « déshumanise l’Autre ».

Esther Benbassa, comme Elisabeth Roudinesco, redoutent l’assèchement intellectuel du sionisme et les impasses actuelles d’une société israélienne, sans oublier une communauté française recroquevillée sur elle-même. Elles sont moins radicales néanmoins que l’historien Shlomo Sand qui, dans son livre controversé et publié en France au début de l’année, Comment le peuple juif fut inventé (Fayard), récuse le fait que les juifs soient les descendants du peuple de David.

Etat binational ? Confédération ? Pour l’instant, Esther Benbassa, comme nombre d’intellectuels de ces trente dernières années, voit surtout le salut politique d’Israël par une « action énergique des Etats-Unis et de quelques autres puissances qui ne portent pas le poids de la culpabilité du génocide », sans oublier le déblocage des mentalités par l’influence des diasporas juives.

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Un commentaire sur “Esther Benbassa et Elisabeth Roudinesco sont OK

  1. Esther Benbassa et Elisabeth Roudinesco sont OK
    Esther Benbassa et Elisabeth Roudinesco en harmonie. Problème !

    Déjà que je suis surprise de la comparaison, mais leur conflit de juin ne portait-il pas sur l’affaire d’Etat Geisser ? un suivisme sans le moindre esprit critique d’un côté et de l’autre une démarche scientifique qui à conduit Elisabeth Roudinesco à se méfier – à juste titre – d’une «  pétition à l’aveuglette  ».

    Il est possible qu’Esther Benbassa ait enfin rejoint l’analyse de Mme Roudinesco. Auquel cas oui, elles sont en phase.

    Mouche Kyla

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