Il recrute pour une Europe neuve
Publié le 6 juin 2009 par Les Influences
Olivier Ferrand, président du think tank Terra Nova, appelle les jeunes générations de politiques et d’intellectuels à se saisir du chantier européen. Vous voulez une Europe comme une grosse Suisse, tapez 1, comme un hypermarché mondialisé, tapez 2, comme une machine à rêve possible et durable, tapez 3.
Olivier Ferrand a commencé le chantier. Dans le livre qu’il vient de publier, un peu sec, un peu timide mais pédagogique et finalement convaincant, « L’Europe contre l’Europe », Olivier Ferrand reprend la rhétorique d’un autre livre, best-seller des années 1990, « Capitalisme contre capitalisme » (Le Seuil, 1991).
A l’époque, son auteur, Michel Albert, voyait la guerre des mouvements et des idées entre le modèle capitaliste rhénan (social-démocratie) et le modèle capitaliste anglo-saxon dont on mesure aujourd’hui la trajectoire désastreuse. Avec l’Europe, le modèle comparatiste tient.
Selon Olivier Ferrand, trois scénario s’ouvrent devant le (pas encore) citoyen de la communauté européenne : une « Europe-Suisse » (statu quo), une « Europe-monde » (frontières indéfinies, et préfiguration régionale d’un gouvernement mondial) et « Europe-puissance » (système fédéral, et Président de la Commission européenne issu des rangs d’une majorité politique au Parlement).
Ces élections européennes de 2009 ont comme un goût de frustration citoyenne, de cendres politique et de papier mâché bureaucratique. Trop technique, pas assez politique.
« L’UE a été historiquement a-européenne pour devenir aujourd’hui anti-européenne : les acteurs européens se sont retournés petit à petit contre l’Europe » analyse Olivier Ferrand pour IDEE @ JOUR.
« Jacques Delors a pactisé avec le diable »
Comment en est-on arrivé là ? L’Acte Unique Européen (AUE), entré en vigueur en juillet 1987,intégrait pour la première fois, dispositions communautaires et intergourvernementales, et approfondissait les objectifs, ouvrant la voie à la réalisation du marché unique. La Commission prévoyait la libre circulation des marchandises, ses services, des capitaux et enfin, des personnes.
Or, « Pour obtenir cet Acte Unique, Jacques Delors a pactisé avec le diable, estime cet ancien conseiller politique du Président de la Commission européenne Romano Prodi . La construction européenne patinait du fait de « l’euroscepticisme », et il a dû faire des concessions aux éléments les plus libéraux. Au fil des années, la Commission s’est retournée contre l’Europe politique. L’Europe technique a été nécessaire, elle fut même un coup de génie de Jean Monnet pour que cette idée puisse avancer. Mais en chemin, on a oublié le second objectif de sa feuille de route : cette fameuse Europe politique.
Insidieusement, s’est installée, s’est confortée même l’idée d’une Commission européenne toute puissante et strictement technicienne, ce qui est faux. Cette idée est partagée aussi bien à droite qu’à gauche. De Pascal Lamy à Michel Barnier, on estime qu’il vaut mieux rester dans l’entre-soi des experts, « loin des passions citoyennes » comme il a été dit. Aujourd’hui, cette Europe là est devenu un déni démocratique. »
En 2009, José-Manuel Barroso, reconductible président de la Commission européenne, est considéré par Olivier Ferrand, comme le symbole de cet enlisement politique. « Le Parlement européen a une grande faiblesse. Il lui manque le pouvoir principal dévolu aux parlements nationaux dans les démocraties parlementaires : le pouvoir d’investir, et de censurer, le gouvernement. Or en Europe, le gouvernement, c’est la Commission : un exécutif technique nommé par les Etats, et qui n’est pas démocratiquement responsable devant les citoyens européens. »
La boussole personnelle d’Olivier Ferrand, c’est l’Europe comme « modèle d’irréductibilité de la dignité humaine », ainsi que le formulait l’ancien intellectuel de Solidarnosck et pilier du Parlement européen, disparu à l’été 2008, Bronislaw Geremek. « Cette irréductibilité là est passée par l’abolition totale de la peine de mort, ou la non-commercialisation du corps humain », rappelle Olivier Ferrand. L’Europe a encore quelque chose à dire.