Elle mise sur les refuzniks du capital
Publié le 14 juin 2009 par Les Influences
Laurence Méhaignerie vient de cofonder Citizen Capital, un fond d’investissement dédié aux financements incorrects, ceux des entrepreneurs issus des minorités ethniques, des zones sensibles ou de parcours autodidactes et qui ont du mal avec les banques. Normal, elle finance celles et ceux qui lui ressemblent.
Pierre-Olivier Barennes, lui, était directeur chez Bridgepoint Capital. Tous deux s’intéressent désormais au créneau du « petit small cap », c’est-à-dire l’investissement délaissé des PME. Une belle niche : ces entreprises qui font entre 1 et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires et cherchent à passer un cap dans leur développement ne trouvent pas grand monde pour les financer, alors qu’elles sont potentiellement créatrices d’emplois. C’est leur constat : il existe des barrières sociales dans l’accès aux fonds propres : absence de réseaux, faibles diplômes, implantation dans des zones peu attractives, et autres embûches.
« L’expérience anglo-saxonne est éclairante. Il existe aux Etats-Unis plus d’une centaine de fonds dédiés au financement d’entreprises considérées comme « mal servies » par le capital investissement. Ces fonds gèrent 11 milliards de dollars. Un fonds britannique, Bridges Ventures, qui cible les 25% de territoires les plus défavorisés de Grande-Bretagne, a déjà levé son second fonds, pour 100M£. Le plus intéressant est que ces fonds sont parfaitement rentables ! ».
Citizen Capital privilégie donc les PME dont les dirigeants, alors qu’ils se trouvent dans une situation de forte croissance, finissent par atteindre le plafond de verre. Celui de la société française telle qu’elle se conçoit dans ses inégalités d’origine, de territoire ou de culture, et les digicodes des banques.
« Eloge du « think and do »
La société qui a déjà engrangé 13 millions d’euros devrait d’ici à l’année prochaine, boucler son closing de 30 millions. Le tour de table indique la présence forte de La Banque Postale, de la Caisse des dépôts ou encore de CGE Capital. Les deux jeunes animateurs de Citizen Capital qui ont investi dans le projet, ont également fait parler leur carnet d’adresses du côté privé. Ce sont des dirigeants qui en l’occurrence ont apporté leurs propres billes personnelles : on y dénombre Jean-Louis de Bernardy (fondateur d’Activa), Olivier Millet (OFI PE), ou encore Louis Le Duff (Brioche Dorée), le tout représentant 10% du capital actuel. Ces investisseurs-là se veulent impulseurs.
Citizen Capital se différencie des fonds de business angels français, tel que celui mené depuis trois ans par Aziz Senni, à la fois par leur cible et le montant investi. Pas d’angélisme : ces investisseurs promettent d’être très sélectifs et impitoyables dans leurs choix. « Nous finançons des entreprises à un stade plus avancé de leur développement, précise Laurence Méhaignerie, notre premier investissement s’est porté sur un montant de 800 000 euros. » En l’occurrence, une société martiniquaise, et qui occupe le créneau prometteur de la vidéo-conférence.
Est-ce un hasard, si elle s’est lancée dans un fonds d’investissement à forte teneur éthique en pleine crise financière mais aussi morale ?
Une des conclusions fortes de l’étude de marché de Citizen Capital est « les fonds d’investissement financent des dirigeants qui leur ressemblent ».
Elle est sensible à cette forme de pari qu’est le travail d’expérimentation en grandeur nature, ce que les anglais appellent un « think-and-do » : « Les pays qui parviennent à réformer leur Etat, comme le Canada par exemple, ont une culture de l’expérimentation et de l’évaluation qu’ils utilisent comme un levier pour amener la population à partager une volonté de réforme ».