Séoul découvre le modèle pluriethnique
Publié le 6 juillet 2009 par Arnaud Vojinovic
En 2020, les « kosian » (métis) devraient atteindre 30% des naissances de la population sud-coréenne qui depuis toujours se vit ethniquement pure. Au pays du matin calme, facilement raciste, on se prépare à cette donne majeure.
La sortie le 25 juin dernier dans les salles coréennes de « Bandhobi » (« mon amie » en bengali) du réalisateur coréen Shin Dong-il est symptomatique d’une transformation profonde de la société coréenne. Le pays que l’on qualifie encore parfois de « pays ermite » est en train de devenir une société pluriethnique. Pourtant la double nationalité n’est pas reconnue, sauf cas particuliers et de façon temporaire. Et les conditions pour obtenir la nationalité sont tellement contraignantes (à part pour les footballeurs de haut niveau) qu’aujourd’hui on dénombre 1 million d’étrangers (dont 200 000 qui seraient des illégaux) résidant plus de 3 mois en Corée. Cela n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes pour un pays qui il y a à peine dix ans se considérait comme ethniquement homogène.
La Corée avait pour habitude de fournir des contingents de migrants essaimant des communautés à travers le monde au fil de son histoire : en Chine, en URSS, au Japon pendant l’occupation (1910-1945), en Allemagne (en grande partie des infirmiers et des mineurs dans les années 1970), aux Etats Unis (dans les années 1980 afin d’assurer à leurs enfants l’accès aux meilleures universités) et en Amérique du Sud, pays auxquels on ajoutera les 200 000 enfants adoptés, du fait d’une natalité défaillante, le flux migratoire s’est inversé.
Ces étrangers sont des femmes asiatiques appelées afin de résorber le déséquilibre démographique dans les campagnes mais aussi des Philippins, Indonésiens, Bengali, Vietnamiens et Chinois d’origine coréenne venant grossir des bataillons d’une main d’œuvre bon marché dans les secteurs de l’industrie, de la construction et de la restauration. Les visas de longue durée viennent d’être étendus de 3 à 5 ans. Au delà le travailleur étranger doit retourner dans son pays d’origine et y résider au moins un mois avant de pouvoir revenir en Corée.
Tous rêvant d’un avenir meilleur auront une grande chance de ne connaitre que pauvreté et racisme au mieux, violence sexuelle ou domestique dans les pires des cas.
Une bombe démographique à retardement
Véritable bombe à retardement démographique, ces kosians (enfant dont un des parents est coréen et l’autre d’un pays asiatique) devraient selon les projections atteindre 30% des naissances en 2020. Et l’enjeu est majeur car aujourd’hui dans la culture populaire, la notion d’une Corée ethniquement homogène est fortement ancrée et le fait que les familles concernées soient pauvres n’aide pas à leur acceptation par le reste de la population.
Alors que les sondages montrent une société coréenne ouverte et tolérante acceptant sans difficultés ces enfants métis, la réalité est tout autre dans une société profondément raciste : absence de statut en cas de divorce avant d’avoir obtenu la nationalité coréenne, violence conjugale (avec une victime considérée par la société comme fautive), rejet et refus d’une mixité sociale avec des enfants métis quand ils ne sont pas maltraités à l’école [[Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies (CERD) relevait dans son rapport 2007 pour la Corée « la persistance d’une discrimination sociale généralisée à l’encontre des étrangers, notamment des travailleurs migrants et des enfants nés d’unions interethniques, dans tous les domaines de la vie, notamment l’emploi, le mariage, le logement, l’éducation et les relations sociales ».]].
Un programme d’accompagnement de 40 millions d’€
Pour essayer de prévenir une crise qui pourrait s’avérer destructrice, la langue étant la première barrière, le gouvernement à travers le Ministère de l’Education, des Sciences et des Technologies a développé un programme d’accompagnement pour ses familles qui s’étalera de 2009 à 2012. Doté d’une enveloppe budgétaire de 40 millions d’€uros le programme comporte des évaluations, des accompagnements scolaires et selon la nationalité de la mère l’édition du livret de vie scolaire des enfants en chinois, japonais, vietnamien ou encore mongole avec la possibilité de rencontrer un enseignant accompagné d’un interprète. 20 000 familles sont concernées par le programme.
Pour le bien de tous depuis les années 2000 de nombreuses associations civiques ont vu le jour et travaillent sur le terrain pour aider les « expats ». Mais elles attendent plus des régions et du gouvernement, de véritables programmes afin que la société coréenne acceptent enfin ses « familles multiculturelles » en leur faisant jouer par exemple un rôle notable dans le tissu local.