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#Claude Quétel #Histoire #Michel Foucault #Psychiatrie

Est-il permis de critiquer (en France) Michel Foucault ?

Publié le 30 septembre 2009 par

Claude Quétel
Claude Quétel
« Il y a plusieurs façons de répondre à cette question ! Est-ce nécessaire dans le sens où il y aurait matière à critique ? Oui. Est-ce permis au sens de : est-ce bien prudent ? Non.

On ne peut impunément s’attaquer à un mythe, celui de « Histoire de la folie à l’âge classique » de Michel Foucault, car c’en est un ! En 1991 déjà, j’avais présenté lors d’un colloque à Sainte-Anne une communication s’intitulant justement : «  Faut-il critiquer Foucault ?  » Ce fut un beau tollé. Le philosophe Pierre Macherey s’écria que je faisais «  de l’histoire bête  ». Plus perfidement, Georges Canguilhem s’accusa de ne pas avoir su apercevoir tous les errements que je prêtais à Foucault et qu’il attendait avec impatience ce que j’allais mettre à la place.

Le lendemain dans Le Monde, Michel Kajman, parlant de moi, évoqua «  un tel historien et ses semblables  »… De quoi diable allais-je être accusé ? De néo-positivisme, rien de moins ! Voilà qui était grave assurément : je n’avais pas de «  grille d’analyse  ». Je prétendais enquêter comme historien, mesurer, dater. Cette séance et le compte-rendu (si l’on peut dire) du Monde illustraient si bien le climat de sectarisme qui régnait alors que je renvoyai la rédaction de mon Histoire de la folie à des jours plus sereins.

Ce temps, me semble-t-il, est venu. J’ai donc repris ma plume et voici enfin ce livre.

«  J’écris une histoire de la folie sur la longue durée  »

Il était temps d’en finir avec Foucault et ses mythologies même si elles occupent toujours le paysage épistémologique et surtout médiatique. Je n’écris d’ailleurs pas un livre contre Foucault et encore moins à la place de Foucault. Je ne suis pas philosophe et encore moins idéologue. J’écris une histoire de la folie sur la longue durée, de l’Antiquité à nos jours (ainsi, on aperçoit mieux le paysage) : Les fous dans la réalité quotidienne, c’était quoi, c’était quand, c’était où ? En quoi, depuis les premières civilisations, la folie a-t-elle fait problème ? Quelles réponses théoriques, thérapeutiques, juridiques, sociales, les sociétés occidentales ont-elles apportées ? Il se trouve que les résultats de cette vaste enquête sont en totale contradiction avec ce que ses thuriféraires appellent pieusement «  le dire  » de Foucault. Eh bien, tant pis ! Clio y reconnaîtra les siens !

Je signale au passage que sur plus de 600 pages, j’en consacre tout au plus une trentaine à Foucault proprement dit. Je parle d’histoire. Je montre que la folie-maladie a toujours existé, parfaitement distinguée depuis l’Antiquité de la folie au sens de déraison, loin donc du monisme de Foucault et de tous les jeux de culpabilité qu’il a voulu introduire dans cette maladie certes pas comme les autres du fait qu’elle s’habille toujours dans la civilisation où elle vit. Prenons l’exemple, et non des moindres, du Grand Renfermement  » (expression forgée par Foucault) au XVIIe siècle. Foucault veut y voir un coup de force du pouvoir distinguant soudain la folie et décrétant son enfermement («  le classicisme a inventé l’internement  »). Or je crois démontrer assez qu’il n’en est rien.

En réalité, l’édit de 1656 s’inscrit en amont et en aval d’une longue suite d’édits tentant mais en vain de réprimer le vagabondage des mendiants valides. Pas d’insensés dans cette visée. Ce n’est qu’au fil des années, à la fin de l’Ancien Régime, que leur présence d’ailleurs très minoritaire dans les lieux d’enfermement posera problème –et un problème médical. Un autre exemple, lui aussi central, lorsque naît la psychiatrie proprement dite : là où celle-ci se fonde sur un fou-sujet, un fou ayant encore quelque part un reste de raison par lequel va pouvoir s’introduire le traitement moral (idée que Hegel salue au passage), Foucault voit au contraire un fou-objet («  Le statut d’objet sera imposé d’entrée de jeu à tout individu reconnu aliéné  »).

Ce contresens absolu et voulu (on ne fera pas l’insulte à Foucault d’être inculte) et ceux tout aussi graves qui construisent son livre servent un propos idéologique selon lequel le fou, loin de toute pathologie, serait un artefact créé par le Pouvoir (au sens le plus large) pour exclure ce qui n’est pas dans sa norme. A travers l’exclusion de la folie, c’est l’exclusion tout court que dénonçait Foucault au temps de l’antipsychiatrie et des mirages égalitaires. Je me plais à penser qu’on n’en est plus là aujourd’hui mais peut-être n’est-ce qu’un vœu pieux ? »

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Un commentaire sur “Est-il permis de critiquer (en France) Michel Foucault ?

  1. Est-il permis de critiquer (en France) Michel Foucault ?
    Bonjour,

    Malgré d’indéniables qualités, je pense que ce M. Claude Quétel est passablement « naïf » (pas au sens Traditionnel Métaphysique ou « ancestral-Primordial » malheureusement) ou plus exactement très crédule (et c’est extrêmement courant chez les universitaires qui croient à une sorte de toute puissance du rationalisme ou du positivisme) envers toute forme de « pouvoir », c’est-à-dire toute institution. Il devrait profondément méditer l’expérience du Pr. Stanley Milgram sur la « soumission à l’autorité », dès lors que celle-ci se dissimule volontairement sous les oripeaux totalitaires et profondément pervers de l’idéologie « libérale ».
    Car c’est à travers une radicale indépendance de tout ce qui relève, peu ou prou, de cette idéologie que l’on peut évaluer la pertinence scientifique d’un travail surtout sur la thématique sensible sur laquelle Michel Foucault a longuement travaillé. Tout ce que j’ai pu lire comme soi-disant « critique » sur la thématique traitée en l’espèce par Michel Foucault s’arrange toujours de façon manipulatrice et hypocrite au dernier degré pour éviter systématiquement d’envisager la problématique du totalitarisme « libéral », qui a pourtant fait l’objet d’un chapitre remarquable de la part de Claude Polin dans l’excellent volume de la collection « Que Sais-Je ? » qu’il a consacré à cette épineuse question. Le fait que ce « Que Sais-je ? » n’aie point été réédité en dit long sur une forme pernicieuse de censure qui s’enracine dans la même conception à priori de refus complet de l’analyse critique objective des institutions modernes, des délires du « scientisme », et des présupposés épistémologiques de l’idéologie « libérale » !
    Le premier problème qui se pose est ici et nul part ailleurs, et M. Claude Quétel fait semblant de ne pas vouloir l’appréhender comme bien d’autres médicastres ou soi-disant « universitaires ».
    Nous sommes désolé de ces propos qui seront perçus peut-être comme peu amènes, mais lorsque l’on sait que nombreux furent les psychiatres et médecins à entrer (par fascination) dans la Waffen SS et aujourd’hui à soutenir ou fréquenter des mouvements d’extrême-droite (nous avons des noms précis et des faits démontrés le cas échéant…). Quant aux liens étroits, une fois encore, enter le nazisme et l’idéologie « libérale », c’est un médecin-psychiatre devenu écrivain qui précisément et notamment en a fait l’objet d’un fort bon roman : François Emmanuel, « la Question humaine » !… Oui car c’est bien de cela qu’il s’agit et que Michel Foucault a exploré avec un talent sans pareil et une cohérence qui, précisément, dérange les caciques du sacro saint libéralisme, soit disant parangon des libertés individuelles, jusqu’à ce que l’on découvre, en son nom, (par l’intermédiaire de certaines multinationales) l’assassinat de Salvador Allende au Chili, le rôle des aciéries Krupp en Allemagne durant la seconde guerre mondiale et d’innombrables cas toujours patent en ce moment même…
    Longue vie à l’oeuvre révolutionnaire de Michel Foucault…
    Merci de votre attention
    Tom Bombadil

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