Olivier Roller, l’homme qui capture le pouvoir
Publié le 8 novembre 2009 par Rédaction LI
Olivier Roller s’est lancé dans une entreprise gigantesque : photographier les hommes de pouvoir contemporain, de tous les pouvoirs.
Depuis quelques années, les photographies de ce portraitiste s’imposent dans les pages de Libération ou du Monde. Elles sont comme des lumières révélatrices, arrachant les masques sociaux, ou les visages trop vus. Luc le Vaillant, responsable du service « Portrait » à Libération : « Avec lui, il faut s’attendre à un choc. D’ailleurs, il a secoué plus d’un de nos clients. »
Laurent Abadjian, directeur de la photographie à Télérama, et qui le fit débuter à Libération au début des années 1990 : « C’est notre Richard Avedon à nous. Il y a du combat dans ses images. Olivier Roller n’est pas belliqueux, mais ses images sont issues de rencontres brèves où tout doit être dit. » Le photographe ne se doutait pas en 2008, lorsque le Louvre lui a commandé une exposition sur les statues d’empereurs romains conservées dans les salles ou les coursives du musée, qu’il entreprendrait un périple photographique et intellectuel inattendu. Un voyage au bout du pouvoir.
Depuis, Olivier Roller photographie le pouvoir, tous les pouvoirs : politique, économique, médiatique, intellectuel ou spirituel. « Mon travail veut montrer le pouvoir, en France, au début du XXIe siècle, commente t-il. Plus exactement, ces photographies montrent des hommes de pouvoir. Ce qui n’est pas la même chose. Si le pouvoir est immuable, les hommes de pouvoir, eux, sont friables. »
Contourner les dircom
« Dans cette époque de com intensive, tous les hommes de pouvoir ont une idée précise de leur image en self-contrôle, remarque le photographe. Ils veulent imposer leur sourire, se mettent dans des postures stéréotypées et veulent nous imposer leur dispositif. Face aux bataillons de dircom et de faiseurs de propagandes, un Vélasquez contemporain aurait toutes les peines du monde à imposer sa très particulière vision du pouvoir, avec ses gnomes grotesques et ses trognes vineuses, ses femmes disgracieuses et ses rois mal posés. Une grande partie de mon travail, et peut être quasiment tout mon travail, consiste à lutter contre cette tendance. » En photographie comme dans les rapports de pouvoir, on appelle cela « recadrer ».
Certains, très peu au fond, ont voulu tenir tête au photographe. Qui une ministre people de la diversité, qui un jeune présentateur de télé-radio. En un 250ème de seconde, Roller saisit le descellement des visages, l’instant exact où ils ne cherchent plus à se reprendre. D’autres se sont laissé aller d’entrée de jeu tel Bernard Kouchner, la veille de sa nomination au titre de ministre des Affaires Etrangères : l’acide de la mélancolie du french doctor semble le ronger, tandis que le vernis du pouvoir ne l’a pas encore totalement figé.
Révéler les caractères
Dans la théorie du « storytelling » énoncé par le chercheur Christian Salmon, dont tous les dircom et les directeurs de marketing se gargarisent désormais sans être allé au bout du livre, la sincérité doit reprendre la main face aux artifices du récit préfabriqué. C’est exactement la démarche et la fonction d’Olivier Roller.
Ce qu’il sait obtenir au fond d’eux-mêmes est le terrible secret ésotérique des initiés de la puissance : face au temps, les hommes de pouvoir, les vrais, savent qu’il ont perdu. « Je suis originaire de Strasbourg, et d’une famille de protestants calvinistes, une influence qui a pesé sans doute sur mon goût du portrait dépouillé au maximum. Au fond, Je dois être un photographe protestant. »