Ikigami, une mort annoncée
Publié le 4 janvier 2010 par Arnaud Vojinovic
Un citoyen sur mille doit mourir dans le but de motiver les autres et pour la prospérité du pays. Nominée au prestigieux prix du 37ème festival d’Angoulême, la manga Ikigami est une critique sombre d’un Etat totalitaire, Etat qui présente quelques similitudes avec le Japon moderne.
Le jour de cette vaccination de masse se nomme « La vaccination pour la prospérité nationale » qui a été instauré par la « Loi pour la sauvegarde de la prospérité nationale ». L’objectif poursuivi est de faire « redécouvrir la valeur de la vie » à la population en y inoculant la peur de la mort même si pour cela l’Etat doit sacrifier un citoyen dans la masse. Pour compensation, la famille du défunt reçoit de la part de l’Etat une « pension de prospérité nationale ». La famille est éligible uniquement si le destinataire d’un ikagami n’a pas commis de crimes ou d’actes répréhensibles dans les dernières 24 heures qui lui reste à vivre. Dans le cas contraire, la famille sera astreinte à payer des réparations. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, il a été noté une baisse sensible des suicides et actes de délinquance. Le PIB et la natalité, eux, ont augmenté.
Nous suivons le parcours d’un jeune fonctionnaire de 25 ans, Kengo Fujimoto, nouvellement formé qui vient d’être affecté au service d’état civil de sa mairie. Il a en charge de remettre dans son secteur les fameux ikigami. Chaque tome de la série se décline en deux descriptions de destins plutôt poignants de destinataires de préavis. En parallèle, au fil du temps, le héros s’interroge sur l’utilité de cette loi, la valeur de la vie et la notion de devoir. La première chose que ce jeune fonctionnaire apprendra est qu’il ne faut pas remettre en question ce système, sinon on court le risque d’être exécuté pour tentative de sédition. Même sort funeste pour ceux qui éprouveraient de la compassion pour ces jeunes voués à mourir prématurément.
« Ikagami, préavis de mort » est une œuvre hors norme chargée émotionnellement et philosophiquement, mais surtout qui sait être critique vis-à-vis d’une bureaucratie administrative (un vice souvent dénoncé au Japon) qui met en œuvre un projet totalitaire et fascisant dans un total aveuglement … pour le bien tous et la prospérité de la société.
La série qui compte actuellement 7 tomes (4 sont disponibles en français, le 5e à venir le 28 janvier prochain) vendue à plus d’un million d’exemplaires a été adaptée en film en avril 2008 par Tomoyuki Takimoto; le film sera projeté en avant première lors du festival d’Angoulême en janvier.