Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Kostas Axelos, l’ami grec

Publié le 7 février 2010 par

Décédé le 4 février 2010, le philosophe d’origine grecque emporte avec lui la mémoire de la résistance et de Castoriadis, l’épopée de la revue postmarxiste Arguments, et une pensée planétaire, inspirée d’Héraclite.

Bio-express. Philosophe franco-grec. Né le 26 juin 1924 à Athènes. Résistant communiste, condamné à mort. Exil à Paris en 1944. Professeur à la Sorbonne. Co-fondateur puis rédacteur-en-chef de la revue Arguments (1956-1962), directeur de la collection Arguments aux éditions Minuit. Dernier ouvrage : Ce qui advient (2009). Mort à Paris le 4 février 2010.
Bio-express. Philosophe franco-grec. Né le 26 juin 1924 à Athènes. Résistant communiste, condamné à mort. Exil à Paris en 1944. Professeur à la Sorbonne. Co-fondateur puis rédacteur-en-chef de la revue Arguments (1956-1962), directeur de la collection Arguments aux éditions Minuit. Dernier ouvrage : Ce qui advient (2009). Mort à Paris le 4 février 2010.
 » Tous les jours, je bois de l’encre. La presse écrite, c’est ma drogue », disait-il drôlement, en allant acheter l’édition du Monde au kiosque du boulevard du Montparnasse. L’agitation de la planète, ce « jeu du monde et de l’errance », et l’information qui s’auto-consume une fois rédigée faisaient donc grand intérêt dans la vie du philosophe Kostas Axelos, décédé à Paris ce 4 février 2010 à l’âge de 85 ans. Une énigme de plus alors qu’il critiquait l’esprit du journalisme, cet « affairisme culturel éphémère », qui envahit désormais toute pensée et aplatit tout.

Sa philosophie restera pour longtemps encore comme celle de la pensée interrogative sur l’être et le destin planétaire, ne tenant pas compte ou si peu du brouhaha des sciences humaines et sociales et de leurs nouveaux savoirs. Dans son tout dernier livre, Ce qui advient ( Encre marine éditions, 2009), texte conçu en fragments et qu’on lit avec un coupe-papier à la main, il relie ainsi cette démarche de « se poser des questions pour lesquelles il n’y a pas de réponse » à la pensée d’Héraclite l’Obscur ( vers -510, vers -460) qu’il étudia ( Héraclite et la philosophie, 1962) et dont il continua le mouvement. Son travail n’a cessé d’interroger la condition de « l’homme d’aujourd’hui » qui « n’a pas le souci ni le besoin de la pensée et de la poéticité » : est-il un jouet face aux « forces élémentaires » que sont l’amour, la mort, le travail et la pensée, sans oublier la puissance de la technique (Marx et la technique, 1961) ? Une grande partie de ses livres est consacrée à la critique strictement philosophique de la technique. Il y a de la mélancolie héraclitéenne chez K. Axelos, un soupçon de misanthropie tranquille, de l’obscurité savamment menée, mais aussi la vision d’une « pensée planétaire » à l’oeuvre, qui n’est pas sans rappeler le « mobilisme » héraclitéen, ce changement permanent parce que « tout s’écoule » dans un monde soutenu par « l’unité des contraires ».

« Productivement conflictuel »

En 1945, exclu du Parti Communiste et condamné à mort pour faits de résistance contre les occupations allemande et italienne, il quitta la Grèce sur un bateau en partance du Pirée, avec un autre jeune philosophe, Cornélius Castoriadis (1922-1997). Il poursuivra ses études de philosophie à La Sorbonne, université où il deviendra professeur.

Tandis que « Corneille », avec Claude Lefort, créera le mouvement Socialisme ou Barbarie, K. Axelos s’embarquera à partir de 1956, pour cette mythologie intellectuelle que constitua la revue post-marxiste Arguments, Arg. pour les initiés, plate forme de tous ceux qui dans la gauche française souhaitaient prendre des distances avec le marxisme. On y trouvait autour d’Edgar Morin, Jean Duvignaud (1921-2007), Pierre Fougeyrollas ( 1923-2008), Roland Barthes (1915-1980), Colette Audry (1906-1990) ou encore François Fejtö (1909-2008), Edouard Glissant, Dyonis Mascolo (1916-1997) et le jeune Georges Perec (1936-1982), liste non exhaustive. Kostas Axelos traduisit et fit connaître à ses amis, des textes majeurs de Martin Heidegger (1889-1976) et de György Lukács (1885-1971),

« Nous étions des camarades, au sens philia du terme » nous confiait-il en septembre 2006, à sa table du Select, où ce colosse aux allures de matou trop grand semblait avoir ses habitudes. De ces années mythiques, il conservait une image d’ensemble assez froide : « Nous n’aimions pas vraiment les mots en « isme », nous nous en tenions à l’écart. Notre visée était postmarxiste. Nous avons commencé à ouvrir la voie à une pensée planétaire, puis nous nous sommes arrêtés parce que nous ne portions plus, nous ne savions plus dépasser les arguments pour animer des pensées en puissance. »

C’est lui encore qui déclencha en 1960 une sorte de putsch avec J. Duvignaud pour reprendre en main la direction de la revue éditée par Minuit et que délaissait de plus en plus son grand animateur E. Morin pris par ses multiples activités et ses voyages à l’étranger.

« Productivement conflictuel », décrivait K. Axelos, son apport de philosophe dans la tribu des sociologues qui colonisait Arguments ne fut pas vain. Edgar Morin reconnait sa dette pour le concept de pensée planétaire, qu’il incorporera et remodèlera avec le succès que l’on sait. Témoignage d’E. Morin : « Kostas Axelos ? Un aérolithe humain qui nous parlait de pensée interrogative et de la multi-dimensionnalité, ce qui finalement a fini par très bien nous aller. » Le philosophe, traducteur de Martin Heidegger, fit connaître également le livre maudit de Luckas, « Histoire et conscience de classe », que la revue contribua à faire publier, obtint un texte d’Adorno sur Hegel et fit connaître à la communauté, cette pensée critique allemande qui contribuait à la remise en cause radicale du marxisme.

Persécutions situationnistes

La revue Arguments se retrouva dans le collimateur du situationniste Guy Debord, qui avait échoué dans un premier temps à s’emparer de la rédaction en chef. Voué aux gémonies, ses animateurs, notamment Morin et Axelos.

En mai 68, les situationnistes vandalisèrent l’appartement du philosophe grec, l’humilièrent en le forçant à écrire une lettre auto-critique qu’ils lurent à la Sorbonne. Un second commando « situ » tenta de nouveau quelques jours après la première attaque, de souiller son appartement, avec des sacs bourrés d’excréments. Cette fois, il les attendit de pied ferme derrière sa porte, armée d’une canne-épée, et ayant appelé à sa rescousse E. Morin et l’historien André Burguière.

Tirant lui-même la grille de la revue en 1962, K. Axelos perpétua la fidélité aux années Arguments à sa façon, en dirigeant toujours pour Minuit la collection Arguments. Une belle galerie d’auteurs y figurent tels L’Erotisme, de Georges Bataille, Eros et civilisation, d’Herbert Marcuse (1963) ou Spinoza et le problème de l’expression, de Gilles Deleuze (1969).

Depuis la parenthèse somptueuse d’Arguments, K. Axelos s’est tenu au bord du monde, en lisière de la ménagerie intellectuelle médiatique, ne passant ni à la télévision ni à la radio, se cantonnant à la seule discipline philosophique, mais entretenant avec l’extérieur et les gens qu’il avait connu une singulière amitié. On peut lire une forme d’autoportrait dans son Lettres à un jeune penseur (1995) :

 » L’amitié traverse l’ensemble du rapport homme et monde. Elle se déploie avec une certaine sérénité, mais son mouvement est également conflictuel, engendre des conflits, est engendré par eux, est donc ambivalent. Amitié courageuse et combativité distanciée peuvent fort bien aller ensemble. Et l’amitié, comme tous les élans et toutes les situations, échoue, ayant réussi presque le maximum du possible. « 

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