L’Exposition Universelle de la mégalomanie nationaliste
Publié le 19 février 2010 par Arnaud Vojinovic
A partir du 1er mai et jusqu’à la fin de l’année, Shangaï attend au moins 70 millions de visiteurs pour l’Exposition universelle que la Chine espérait depuis un siècle. Un enjeu géopolitique et de fierté nationale encore plus crucial que les JO de Pékin.
Cela fait plus de 6 ans que la ville de Shangaï prépare l’évènement mais la Chine rêvait d’accueillir l’Exposition universelle depuis 1910. Le premier ministre chinois, Wen Jiabao, a déjà qualifié l’exposition d’ « aboutissement d’une marche historique de cent années » en novembre dernier lors du 7ème et dernier forum consacré à l’événement. Placé officiellement sous le signe de la sagesse, cette exposition sera surtout celle de la démesure : 70 millions de visiteurs sont attendus du 1er mai au 31 octobre 2010, soit 400 000 par jour en moyenne. L’argent est là, à flots, pour financer ces projets pharaoniques et aujourd’hui encore les prétendants se pressent dans les coulisses de l’Exposition Universelle.
L’espoir de gagner un juteux contrat attise les appétits. Pas moins de deux cents quarante nations vont s’y exposer. Comme le note le journaliste Malcom Moore du Telegraph : « Tout pays qui souhaite dans le futur faire des affaires ici est obligé d’être présent ».
Qu’on se le dise : les absents auront tort. Avec un budget deux fois supérieur à celui des Jeux Olympiques de Pékin, ce sera l’Exposition universelle de la démesure, celle qui viendra replacer la Chine à la place qu’elle n’aurait jamais du quitter : le centre du monde.
La ville vit à un rythme effréné pour assurer l’ouverture de l’Exposition universelle en temps et en heure, et c’est peu dire pour une mégalopole qui connaissait déjà un développement exponentiel, se permettant dans la dernière décennie d’inaugurer un building de plus de 100 étages par jour! Rien n’est épargné. Tout est rénové. Les rues sont recalibrées. Six nouvelles lignes de métro ont été inaugurées. A coups de bulldozers et de chantiers colossaux, la ville tourne résolument le dos à son passé colonial afin de faire face à un avenir radieux que le monde entier devra bien entendu admirer.
Afin d’éviter ce qu’il estime être des dérapages médiatiques, les Jeux Olympiques de Pékin restant à cet égard un souvenir traumatique, le Parti Communiste se crispe et, là aussi, fait preuve d’une démesure certaine en renforçant de façon drastique la sécurité et la censure. Même les journalistes locaux se plaignent d’être espionnés par la police secrète lors de leur interview bien anodine. La pression est telle que les voix discordantes commencent à quitter la ville, de peur d’être arrêtées et incarcérées dans des centres de rétention pendant les six mois de la durée de l’exposition. Coïncidence ? Deux nouveaux « asiles pour aliénés mentaux » viennent de sortir de terre.
Beaucoup de Chinois n’ont pas oublié que si Shangaï connait depuis 20 ans un développement si florissant c’est que lors des événements de la Place Tiananmen, un groupe de caciques du Parti, surnommé « les Shanghaïens », a soutenu le pouvoir vacillant. Trois ans après, en 1992, Deng Xiaoping accorda une batterie d’avantages fiscaux à la ville en guise de remerciements.