Sainte Simone de Beauvoir
Publié le 5 juin 2010 par Rédaction LI
La philosophe n’était pas une grande fervente du care. Selon Karine Tinat, sociologue mexicaine du genre, Simone de Beauvoir donnait toute son attention à ses cadets, mais pas à ses aînés, non par empathie mais par goût du pouvoir.
Et pourtant, soutient K. Tinat, il y a chez Beauvoir un sens de l’abnégation, certain et singulier à la fois.
Simone de Beauvoir n’a jamais caché dans ses écrits son épouvante de la vieillesse et des corps affaiblis. Ce qui ne l’a pas empêché d’assister sa mère au seuil de sa vie, mais aussi un Jean-Paul Sartre très dégradé. Mais elle se conduit plutôt en « Grande Sauveuse » de ses cadettes, comme sa soeur Poupette, ou son élève Olga. Dans ses lettres à Sartre, elle nomme ses amies et anciennes élèves de « petites personnes aimables et faibles », « aux existences minables« . Elle prend soin (care) d’elles, les console. Reste que la philosophe, souligne K. Tinat, a été moins guidée par l’empathie, mais bien par la question du pouvoir. En effet, dans son aide de l’autre, dans sa protection de plus faible que soi, Simone de Beauvoir y voyait le moyen d’exercer son pouvoir, « prouvant sa capacité à tenir le monde. »
K. Tinat avance une scène originelle de cette attitude : « Durant son enfance qui a coïncidé avec la Première guerre mondiale, quand Beauvoir aimait se déguiser en infirmière, c’était pour ramasser les blessés sur le champ de bataille, mais jamais ne lui venait l’envie de les soigner. » Conclusion de la chercheuse: « Dans le rapport à l’autre et le soutien qu’elle peut lui offrir, Beauvoir se sent moins attirée par l’acte de soin que par l’acte d’héroïsme. » Grande Sauveuse, mais pas angélique.