Un peu de correction ne nuit pas à la littérature
Publié le 9 septembre 2010 par Les Influences
Arnaud Viviant fait sa rentrée littéraire, et s’emballe pour l’élégant récit de Jean-Bernard Maugiron, le dernier des cassetins…
Puisqu’il en faut bien, c’est le petit bijou de cette rentrée littéraire. Henri Calet, j’en suis intimement persuadé, aurait adoré ce livre, un premier roman d’ouvrier, ce qui ne court désormais ni les rues ni les librairies, et qui est plus exactement un premier roman d’ouvrier du livre.
« Du plomb dans le cassetin » voilà son titre immédiatement accrocheur, avec sa part d’illisible. Qu’est-ce qu’un cassetin ? La définition est là, tout de suite, en exergue :
« Dans l’argot des typographes, ce mot désigne le bureau des correcteurs, et plus généralement un service de correction dans la presse ou l’édition ».
Les premiers chapitres commencent tous par la même phrase : « Je travaille de nuit comme correcteur de presse dans un grand journal régional ».
Ce qui est effectivement le cas de l’auteur, Jean-Bernard Maugiron, qui est employé au service de correction de journal Sud-Ouest, le dernier cassetin, paraît-il, de la presse quotidienne régionale française. Je me souviens encore de la disparition des correcteurs à Libération, c’était vers 1995, de ce qui fut alors perdu. Maugiron raconte donc ce métier en voie de disparition, les anciennes machines :
« Une Linotype belle comme une locomotive avec ses arbres, ses bielles, son bras élévateur, ses cames et ses galets »
Avec une précision dans le langage qui frôle pure poésie :
« Je réglais les moules et vérifiais la température du creuset dans lequel fondait le saumon de plomb »
Ah, fichtre, ce saumon de plomb qui fond ! Comme c’est beau, comme cela explose nickel à la fin de la phrase !… Et puis, un beau jour, fini les machines, on passe à la photocomposition, avec sa sécheresse, ses inconvénients :
Maugiron, lui, ne lézarde pas entre les paragraphes ; son petit bouquin de 110 pages file à toute allure vers la fin : la fin de la classe ouvrière, des ouvriers du livre, d’un argot, d’un langage, d’un compagnonnage, d’une solidarité :
« Les rotos étaient plutôt cocos, les typos gauchos, les correcteurs anarchos, alors souvent ça fritait lors des réunions d’équipe ou des tasses syndicales. Cela dit, quand on décide d’une grève on la fait tous ensemble (…) Pendant la grande grève au Parisien, on a tous donné dix pour cent de notre salaire aux collègues grévistes pendant deux ans. »
C’est quand même triste de se dire que, bientôt, des livres comme celui-ci on n’en écrira plus jamais….
2 commentaires sur “Un peu de correction ne nuit pas à la littérature”
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Un peu de correction ne nuit pas à la littérature
Avant-dernier paragraphe, il manque un s à ouvrier !
Un peu de correction ne nuit pas à la littérature
Corrigé. Merci !