William Burroughs, une sacré santé !
Publié le 5 janvier 2011 par Les Influences
« Le porte-lame » est un petit livre mordant de William Burroughs, écrit en 1974, sur le système de santé déglingué des Etats-Unis. Même pas une ride !
« La surpopulation a conduit à un contrôle croissant des citoyens par le gouvernement, non pas sur le modèle à l’ancienne de l’oppression et de la terreur typique des états policiers, mais en termes d’emploi, de crédit, de logement, de pension de retraite et de couverture médicale : des services qui peuvent être suspendus. Ces services sont informatisés. Sans numéro, pas de prestations ». C’est beau comme du Mélenchon au scalpel ! Et Burroughs continue : « Cela n’a toutefois pas produit les modules humains standardisés et décervelés postulés par les prophètes linéaires tels que George Orwell ». Et pan sur la tranche de « 1984 » en 1974 ! « Au lieu de quoi un important pourcentage de la population a été forcé de passer dans la clandestinité. Personne ne sait la valeur exacte de ce pourcentage. Ces gens sont innombrables parce que non numérotés ».
La grande révolution de 1984
Ce que raconte Burroughs, c’est une triple dialectique.
Premier acte : en 1980, l’héroïne est légalisée, et les impôts des classes moyennes servent à soigner les « assistés » qui cherchent (ou pas) à décrocher. Les classes moyennes sont du coup paupérisées et ne peuvent plus se soigner.
Deuxième acte : Cette situation débouche sur une révolution en 1984 qui donne l’impression que New York a subi une attaque nucléaire. Le Président signe le National Health Act en 1999 qui étend la gratuité des soins médicaux à tous les citoyens et habitants des USA. Vive la gratuité ! Mais la loi sur la Sécurité sociale pose bientôt plus de problèmes qu’elle n’en résout. L’espérance de vie grimpe jusqu’à 125 ans, et en même temps la population « imbibée d’antibiotiques à l’efficacité croissante » redevient vulnérable à des infections qui avaient disparu… La médecine passe alors dans la clandestinité. Entendez, la vraie médecine, celle qui soigne et guérit. « Le modeste entrepreneur, l’innovateur, l’aventurier bannis depuis longtemps aux limbes de l’économie par la coalition des grands laboratoires pharmaceutiques et de la FDA refont surface ». Un roman que Burroughs a certainement écrit en pensant beaucoup à Wilhelm Reich, plusieurs fois cité, dont les écrits sur l’orgone ont été fâcheusement brûlés par la CIA…