Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Soûleries textuelles

Publié le 28 mai 2011 par

Une cave strasbourgeoise d’éditions rares annonce d’affolants nectars littéraires : Ivres de livres relance de grands crûs oubliés.

«  Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse  », fort bien mais pas tout à fait. Qu’est-ce qu’un livre ? Ce n’est pas n’importe quel flacon. Encore que le flacon qui délivre l’ivresse soit plus rare qu’on le croit. L’ambroisie n’est pas du Coca-cola. Auteur du Dictionnaire Flaubert (CNRS Editions) et passionné de Georges Perec, c’est assez pour nous plaire. Mais Jean-Benoît Guinot est aussi un tout jeune éditeur auto-distribué, qui ouvre une cave. Sa maison d’édition de «  breuvages littéraires anciens  » a pour nom Ivres de livres, elle est basée à Strasbourg et c’est aussi une librairie, sise au 29 de la rue Wimpheling.

Ivres de livres a pour le moment fait paraître cinq ouvrages, et pas des moindres. On fait rarement plus convaincant comme catalogue (il faut dire qu’avec cinq titres, on peut se louper). En décembre 2010, Guinot a publié un choix d’aphorismes de Victor Hugo (Aphorismes, justement) : travail minutieux d’anthologiste du caprice, nourri des extraits des romans et des carnets de l’Homme-Océan (Choses vues, Les Misérables, Tas de pierre, Actes et Paroles, etc). Un joyau.

Ensuite, l’atelier bibliomane est à l’origine de la réédition d’un curieux petit traité de Bibliomanies. Sénèque, Pétrarque, La Bruyère, Charles Nodier, Albert Cim entre autres y soignent leur névrose bibliophile. Les formes sont variées, l’humour n’en est pas exempt, la diachronie fonctionne : la littérature est une grande famille. Il y a aussi l’immense Première tentation de saint Antoine par Gustave Flaubert, dont les pages ne sont pas coupées. On dirait du José Corti, mais avec une couverture violette. Une Vie de saint Antoine par Saint Athanase et Jacques de Voragine (première édition française datant de 1733) et un glossaire mirifique en plus, à la fin du livre. Enfin, le mois de mai 2011 a été prolifique pour la petite maison strasbourgeoise. Deux traductions du Hamlet de Shakespeare (celle de François-Victor Hugo et celle de Marcel Schwob & Eugène Morand), réunies sous l’appellation de Double Hamlet et un recueil amusant d’extraits du Grand Dictionnaire Universel de Pierre Larousse, 1500 mots oubliés. On y apprend la signification de «  courcet  », de «  paucité  », d’ «  odométrie  », d’«  arsis  » ou d’«  effigier  ». Tout un programme, et il nous enchante. Bienvenue chez nous, soyons tous ivres de livres.

La princesse de Clèves n’est pas une pouffiasse

Vous vous plaignez ? J’en suis fort aise. Mais, ne vous déplaise, l’édition française regorge de forces vives. Que faisiez-vous au temps chaud ? Nuit et jour à tout venant, moi je lisais, j’étais ivre de livres. L’édition indépendante fleurit et se porte bien. Et encore, je n’évoque pas Vagabonde (http://vagabonde.net/) et Les éditions du Sandre (http://www.editionsdusandre.com/) qui assurent à eux seuls une grande partie des illuminations annuelles des rechercheurs de raretés. Les livres existent, les lecteurs existent, les éditeurs vivent, La Princesse de Clèves n’est pas une pouffiasse et une guichetière a le droit de lire ce roman, «  imaginez un peu le spectacle !  » . Les livres ne sont pas un spectacle debordien, ils ne sont pas non plus des morts-vivants, ils sont au contraire ce qu’il y a de plus vrais dans la vie («  La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c’est la littérature  », dit Marcel) ; ils sont au contraire ce qui reste de vivant après la mort d’un souffle. La parole est imprimée, les esprits perdurent, s’échangent sous le manteau des choses oubliées ou bannies ou moquées. Rutebeuf demande vers 1270 ce que sont ces amis devenus. Légions, tout simplement. Et Beuve déterre Chénier, André Marie de Chénier, l’extrait de son cachot en 1829, dans Vie, Poésie et Pensée de Joseph Delorme, trente-cinq ans après sa mort. Arthur Rimbaud arrête d’écrire en devenant un marchand, un voyageur, un homme : un vivant pourrions-nous dire ? Fichtre ! C’est son moment d’avant-vie, qui pour nous est sa vie. Il est le prophète du nouveau langage et le langage pourtant s’invente encore, le texte nait, se développe dans les ventres jeunes. Les livres vous tendent grand leurs pages, à perte d’encre et de brochure. Je ne connais personne qui, les aimant, a cessé de les aimer. Quant à ceux qui les écrivent, ils ne sont tous pas Immortels. Tous éternels, au moins.

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