Jean Birnbaum tourne une page du Monde des livres
Publié le 7 juin 2011 par Rédaction LI
Le supplément littéraire du quotidien a un nouveau responsable qui croit à une meilleure présence sur le Web pour relancer l’influence du titre.
On s’attendait donc à une nomination mécanique de Raphaëlle Rérolle, lorsque Jean Birnbaum (1974), rédacteur en chef adjoint chargé des idées et des sciences sociales, à présenté sa candidature, assortie d’un plan bi-média papier et internet et a changé la donne.
Qui est donc cet arbitre des élégances intronisé ? Il a ses trucs, ou ses TOC professionnels. Il utilise trois Stabilo Boss pour rendre fluorescentes les lignes d’un livre, avec un code couleur connu de lui seul. Il passe son temps dans les bibliothèques. Même pour un misérable articulet de 1500 signes, format de plus en plus réducteur comme le Q.I de la presse. Il se veut loin des influences et des modes. Il dit qu’il laisse faire, mais aime la dispute. Il croit encore qu’« une idée vaut quelque chose ». On le dessinerait bien avec une pointe sèche, un peu Rubempré en cachemire, assez personnage de Sempé dans The New Yorker avec un tremblé d’angoisse et de l’humour acidulé. Avec cette malédiction de confondre souvent Jean avec Pierre, son père historien et sociologue.
« L’Arbitre » en crise
L’héritage du Monde des livres ne semble pas tout à fait une sinécure. Le quotidien a réduit un peu plus la voilure, et les moyens comme les collaborateurs sont réduits. Pression supplémentaire : l’un des trois actionnaires de référence, Pierre Bergé, s’est déjà montré très sourcilleux quant à la ligne éditoriale du quotidien, et devrait être toujours plus attentif quant au contenu des pages culturelles. Il y a quelques années encore, cette nomination à la tête du Monde des livres aurait fait fondre plus d’un dans le monde de l’édition, de l’université et de l’influence intellectuelle. « L’Arbitre » écrivait Jane Kramer, la correspondante de The New Yorker à Paris dans les années 1980. Désormais, l’évocation d’un livre retenu par Le Monde des Livres semble plus importante que le jugement lui-même d’une critique en crise d’autorité, ici comme ailleurs. La puissance d’influence s’est diluée. Un blogueur peut prescrire mille fois plus désormais, et Le bouche-à-oreille communautaire démentir les spécialistes.
« C’est un navire hyper-fragile qui peut se démanteler en un claquement de doigts, a toujours prétendu Jean Birnbaum. Nous travaillons avec un certain rythme, en nous efforçant de nous situer au-dessus des clivages idéologiques et sociaux. Ce qui nous escorte, nous protège depuis des années, c’est la rumeur publique bienveillante ». Cela n’a pas toujours été le cas. En 2002-2003, Le Monde des Livres aura traversé une crise profonde, à l’image du journal, mais avec sans doute plus de violence symbolique. Les feux se sont concentrés sur sa rédactrice en chef, Josyane Savigneau –qui désormais se consacre aux longs entretiens.
Mais « l’Arbitre » a encore de beaux restes. « Même si nous n’avons ni la qualité ni l’exhaustivité de la New York Review of books qui fait rêver tant d’intellectuels et journalistes français, je me dis que nous sommes tout de même un miracle de la presse française, et je pousse cette chance à fond », répète l’ancien pigiste, nourri à l’école France Culture, celle qui a le goût du debriefing et de la critique réflexive.
Il coordonnait jusqu’à maintenant une équipe de critiques qu’il avait entièrement recomposée, et, tradition du supplément oblige, qui étaient recrutés à l’université, et non dans les cohortes de journalistes vulgaires. « Ils sont très génération Halimi » disait-il drôlement. Comprendre : Serge Halimi, directeur de l’urticant Monde Diplomatique et auteur d’un efficace pamphlet à succès, Les nouveaux chiens de garde, contre le journalisme de connivence.
« Les critères sont simples : on se vouvoie tous, ils sont très solides sur leurs bases et me protègent de mes pulsions et de mes a priori sur tel ou tel auteur », assurait t-il dans une merveilleuse langue de coton. Disons que contrairement aux journalistes, les a priori des universitaires sont comme ceux des imams cachés.
A la source de polémiques
Le Monde des Livres veut faire l’opinion. « Jamais, nous ne mettons en opposition deux opinions sur un livre, nous tranchons et nous ne nous retranchons pas. », nous expliquait-il encore en 2010, au lendemain de quelques polémiques épicées. L’opinion émise peut être une bombe à retardement qui prend son temps. Ainsi Le Monde des livres qui avait loupé la sortie et sous-estimé le succès de l’essai controversé de l’historien Shlomo Sand, aura attendu un an et demi et la publication en poche de l’essai, avant de lâcher pas moins de deux critiques en stéréo signées Nicolas Weill et Pierre Assouline dans le même supplément de 8 pages du 11 février. Mais en 2008 et toute l’année 2009, c’est la critique enthousiaste sur le livre de l’historien Sylvain Gougenheim, Aristote au Mont Saint-Michel (Seuil), minorant le rôle de l’islam dans l’introduction de la culture grecque dans l’Occident chrétien, qui a mis le feu à la brousse intellectuelle. « Plusieurs de nos historiens avaient témoigné de l’enthousiasme pour ce livre avant de s’apercevoir qu’il posait problème », disait fermement le rédacteur en chef adjoint. Résultat des courses : pétitions universitaires internationales, violentes interpellations et livre critique pour l’auteur comme pour Le Monde des Livres.
Jean Birnbaum est désormais à la manœuvre de cette institution de papier affaiblie, mais symbolique, et qu’il voudrait toutefois mieux installer sur Internet pour retrouver du lustre et une ligne d’influence.
7 commentaires sur “Jean Birnbaum tourne une page du Monde des livres”
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Jean Birnbaum tourne une page du Monde des livres
Je viens d’ouvrir le Monde des Livres..Terrible desillusion. Des résumés, du remplissage. Je me demande comment sont choisis ces élus intronisés redacteur en chef qui proposent un plan mi-internet , mi-papier? Le succés d’un journal est fondé sur la plume des collaborateurs.(Pourquoi je préfere lire un papier de Philippe Lancon plutot qu’un demi-sel du Monde? Parce qu’il a du talent nom d’une pipe en bois.Voila la raison. Par contre je suis incapable de citer un critique du monde.)
Jean Birnbaum tourne une page du Monde des livres
Papier pour les épluchures de poule… Dommage qu’il n’y ait plus la cabane au fond du jardin avec le papier journal pour vous savez quoi. Celui-là, si c’était le cas, je m’en servirais. Je parlerais de l’intouchable profondeur d’esprit en faisant référence au dernier papier que Jean Birnbaum a écrit sur le sublissime film Intouchable et l’auteur du livre dont il est inspiré. D’ailleurs, touche pas à mon film sont les mots qui me viennent tant j’ai eu le dégoût de lire cet edito. Cet edito intitulé pompeusement, « prière d’insérer ». Je crois que M. Birnbaum devrait méditer sur la prière.
Je peux enfin m’exprimer sur la toile alors que sur le site du Monde, il faut être abonné pour pouvoir réagir…..
Jean Birnbaum tourne une page du Monde des livres
Enfin un peu plus d’épaisseur (dans tous les sens du terme) pour le supplément littéraire…? Il serait temps.
à la poubelle !
vous êtes encore trop gentil, Charles T., de parler de supplément ‘littéraire’ à propos de ce triste encart publicitaire…
toujours sauver ce qui peut l’être
eh bien moi, je m’en sers pour garder les épluchures pour les poules, y m’a toujours donné satisfaction
Jean Birnbaum tourne une page du Monde des livres
Un combat, mondain, d’arrière garde.
Jean Birnbaum fait son intéressant
je me demande si vous z’êtes pas un peu optimiste, en utilisant le mot « combat » à propos de ce blanc-bec…