Jean-Paul Sartre : « Penser ça rend dingue »
Publié le 8 juin 2011 par Les Influences
Un philosophe dans l’intimité d’une amitié : toute la saveur des entretiens de John Gerassi avec Sartre au faîte de sa liberté intellectuelle.
L’autre raison, c’est que ces entretiens enregistrés au magnétophone au début des années soixante-dix, alors que Sartre est en train de rédiger son Flaubert de 3000 pages tout en étant plongé dans l’activisme politique auprès de la Gauche Prolétarienne, devait être pour John Gerassi la base de travail pour une biographie officielle de Sartre… qu’il n’a finalement pas écrite. Mêlées, ces deux raisons nous permettent en tout cas d’entendre un Sartre toujours aussi peu hypocrite, mais beaucoup plus intime.
La pensée solitaire à sa table
Quand il répond aux questions de Gerassi, Sartre vient enfin, septuagénaire, de réaliser sans doute sa liberté. Cette période où il écrit le matin son Flaubert qu’il sait invendable, et où en même temps il combat l’après-midi et le soir auprès de jeunes gauchistes, est sans doute la plus heureuse de sa vie. Il a réglé son problème, il a réglé son Œdipe avec la littérature en écrivant « Les Mots » qui sera son dernier livre d’écrivain petit-bourgeois, celui pour lequel il refusera le Nobel de littérature.
A un moment, chose tout à fait étonnante pour un philosophe, il exprime l’idée que « Penser, ça rend dingue ». Il dit : « La pensée, la pensée véritable, ce qu’on fait tout seul, à sa table, c’est le contraire de la passion, de l’engagement, de ce qui fait la vie ». Là, il agit. Contrairement à 1936, où il n’est pas allé en Espagne (mais à l’époque, rappelle-t-il, il n’était pas politisé, en confère « La Nausée »).
Contrairement à l’Occupation où les historiens continuent, certes à tort, de le situer « largement à la périphérie de la Résistance » [[Cf. l’article de « Books » rendant compte ce mois-ci du livre d’Alan Riding, « Et la fête continua. La vie culturelle dans Paris occupé ». Dans le livre avec John Gerassi, Sartre raconte qu’il faisait partie d’un réseau de propagande dirigée par Merleau-Ponty, que la petite amie de ce dernier fut arrêtée avec des tracts, déportée, et qu’on ne la revit jamais. Sous l’Occupation, Sartre écrivait pour des journaux communistes clandestins, et pour « Combat », fondé par Camus qu’il avait justement rencontré à la première des « Mouches ».]], de lui reprocher d’avoir obtenu des autorités allemandes que l’on jouât ses pièces, bien que « Les Mouches » fussent un appel métaphorique à tuer des Boches [[Mais étrangement, personne ne reproche à Albert Camus d’avoir publié « L’Etranger » en 1942.]], Sartre, au début des années 70, est cette fois indiscutablement engagé.
Le hash et la passion
L’intimité de Gerassi avec Sartre fait toutefois qu’il aborde avec lui des sujets extrêmement personnels. La drogue, par exemple. Où l’on apprend qu’à 70 ans, Sartre fume du hash : « Arlette, moi et Wanda, ça nous fait vraiment décoller, surtout quand on fait l’amour ». Et puis, les femmes, casse-pieds, chronophages, dispendieuses, mais indispensables. L’amour transcendant pour Beauvoir (même si, à un moment, il la déclare « passive » politiquement), et la multiplicité des amours contingentes. A ce sujet, Gerassi raconte cette anecdote presque effrayante.
Un jour, il arrive en pleurs chez Sartre, parce que sa petite amie vient de le quitter. Beauvoir est présente, et Sartre dit devant elle : « Eh bien, je vous envie. Je n’ai jamais pleuré pour une femme de ma vie ». Et là, devant Beauvoir atterrée, d’expliquer que puisqu’ils avaient décidé le Castor et lui d’avoir ce système d’amours libres entre eux, il s’était interdit la passion amoureuse, celle qui fait pleurer. « Choisir de ne pas choisir, c’est encore un choix », disait-il aussi.
Un commentaire sur “Jean-Paul Sartre : « Penser ça rend dingue »”
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Jean-Paul Sartre : « Penser ça rend dingue »
Comment pouvez-vous vous intéresser à ce « non livre » ? Sartre traduit en anglais puis retraduit en français, le résultat est qu’on ne reconnait pas du tout Sartre. Avez-vous déjà lu une page de Sartre ? Pour le reste des anecdotes fausses du début à la fin. John Gerassi fait dire à Sartre ce qu’il a envie d’entendre, l’épaisseur de Sartre est absente du début à la fin. C’est le degré zéro de la littérature. C’est navrant.
PS : Gerassi est connu pour être un affabulateur même ses élèves de Queen college s’en rendent compte