Seun Anikulapo Kuti, l’endorphine de Lagos
Publié le 18 juillet 2011 par Rédaction LI
Avec From Africa with Fury : Rise, l’héritier de l’afro-beat nigerian et son groupe Egypt 80 veulent secouer l’apathie des jeunes générations africaines.
Anikulapo : « L’Homme-qui-porte-la-mort-dans-son-carquois ». Ainsi se porte le patronyme de Seun Anikulapo Kuti, fils de Fela Anikulapo Kuti (1938-1997), géant de l’afro-beat et de la diatribe en pidgin, influent dissident des juntes nigérianes, parti le 2 août 1997 du méchant Sida. Mais le musicien politique du Nigeria avait quelques petits « African soldiers » en réserve.
Son fils aîné Femi Kuti (1962) occupe la scène de l’afro-beat et du jazz subtil depuis les années 80-90 avec le succès de Bang Bang Bang, en s’ingéniant à se démarquer du père, tout en conservant la filiation. Mais le cadet, Seun (1983), s’est imposé à l’énergie. Lui qui chantait depuis sa plus tendre enfance est apparu notamment à l’occasion des funérailles de Fela en 1997 : en compagnie d’Egypt 80, la formation paternelle, il stupéfia les esprits comme une sorte de petit clone musical, semblant avoir pillé la garde-robe, la musique et la gouaille du boss de Lagos. Au début des années 2000, au Centre culturel français de la ville, Seun reforma l’esprit du « Shrine », le club privé de Fela, avec sa densité électrique, ses danseurs fous et ses fumées d’herbe. Il y avait tout de même un trouble à voir un fantôme transpirer à mimer le prophète de la révolution nigériane.
Quelques années sorcières plus tard, le second fils renaît.
Moins d’ironie chargée de ganja et de sexe que le docteur Fela peut être, mais assurément une énergie à revendre qui reste dans l’attraction de la planète. Son deuxième album, From Africa with Fury : Rise, confirme et affirme les beats, les choeurs puissants, le souffle profond de Many Things (2008).
Certes, Seun Anikulapo Kuti est toujours accompagné par la formation, Egypt 80, que dirigeait son père. Mais le boss a changé, et sa voix puissante le démontre comme débordent l’énergie funk, les cuivres et les chants du groupe. Le premier titre, « African Soldier », signe tout de suite l’impressionnante métamorphose.
S’éloignant de Lagos, Kuti s’est glissé dans la musique mondialisée, avec la rescousse des producteurs Brian Eno et John Reynolds et Kuti, les enregistrements aux studios de Rio de Janeiro et de Londres, les mixages d’un John Reynolds et d’un Tim Oliver. L’album se développe comme une lente et très sûre montée d’endorphine. Des musiciens anglosaxons (Brian Eno, John Reynolds, Justin Adams, Léo Abrahams, Julian Wilson) embarqués dans la transe nigériane l’enrichissent.
Anikulapo Kuti contre la prédation économique
Moins révolutionnaire, moins pamphlétaire vis-à-vis de la cupidité et des moeurs de la junte militaire que pouvait l’être son père, le nouveau petit prince de Lagos n’en décoche pas moins quelques flèches ciblées. Monsanto, Halliburton, les compagnies diamantaires, les firmes pétrolières en prennent ainsi pour leur grade dans la chanson « Rise ».
Mais le combat se veut plus large : c’est contre une apathie généralisée en Afrique, elle aussi, submergée de musiques standards que Seun a chargé son carquois. « La pop d’aujourd’hui ne parle que de moi, moi, moi. Personne ne s’intéresse à nous.« Seun Anikulapo Kuti ne rend pas les armes, l’héritage est entre de bonnes mains.