Naneun Ggomsuda, la satire qui énerve le Président
Publié le 29 décembre 2011 par Arnaud Vojinovic
Alors que la Corée du Nord enterre son tyran, la Corée du Sud défend une émission de web-radio que veut interdire le Président accusé de malversations.
C’est le podcast de la bibliothèque iTunes le plus téléchargé au monde : 2 millions de downloads pour chaque émission. Une émission satirique innovante par son format. En effet, hebdomadaire, elle est diffusée uniquement via Apple iTunes, s’affranchissant des canaux de diffusion classique et donc des pressions politiques possibles. Une émission innovante par sa forme : les quatre animateurs dont un ancien député de l’opposition, Jeong Bon-ju, ne mâchent pas leurs mots. L’humour est travaillé sur la base d’un véritable travail de journalisme. Leur revue de l’actualité ridiculise sans ménagement l’actuel président de la Corée du Sud, Lee Myung-bak, et son parti. Le nom de l’émission est d’ailleurs la reprise d’un surnom donné au président actuel en place, « 나는꼼수다 » (Naneun Ggomsuda) [[L’expression est entrain de devenir une expression courante]] que l’on peut traduire par « je suis rusé » en référence à toutes les combines douteuses dans lesquelles trempent le président. Les quatre animateurs veulent dévoiler les « ruses » du président.
Traduction de l’introduction de l’émission n°21: « Vous écoutez le podcast le plus téléchargé dans la catégorie « news & politique” en provenance de Séoul. Nous, Coréens, sommes le peuple le plus heureux du monde car nous avons le président le plus respectable qu’il soit. Ce président montre ses goûts pour la littérature en disant “allons dehors prendre l’air” [[Citation de l’intéressé]] quand il flirte avec une fille. C’est un homme avec des goûts musicaux fins. Il aime danser le blues. Il a montré des habitudes alimentaires incroyables en mangeant du chien pendant trois mois[[Pendant 3 mois il s’est rendu dans un restaurant spécialisé de chien. Ils venaient à quatre mais ne commandaient que 2 portions]]. Mais au-dessus de tout c’est l’argent qui a été et sera toujours sa principale motivation[[Dernière affaire en date. Lee Myung-bak souhaite privatiser l’aéroport d’Incheon, un symbole de l’économie coréenne. Le principal acquéreur possible est une société australienne dont le PDG en Corée est son propre neveu.]]. Il a montré sa foi unique et indéfectible dans la sauvegarde de l’économie en la ruinant d’abord. Nous sommes heureux de ce véritable leadership dont il sait faire preuve. Ce pays est un paradis sur terre. Le nom de notre président est … ». L’émission a prévu de s’arrêter après l’élection présidentielle de décembre 2012. L’émission est bâtie autour de la réputation de Lee Myung-bak. Comme celui-ci sera jeté en prison lorsqu’il quittera la présidence et que l’Iphone y est interdit, l’émission n’aura plus de raison d’être.
Une émission qui mixte journalisme d’investigation et humour corrosif sur un président qui risque la prison, une fois achevé son mandat
Condamné à un an de prison ferme pour diffamation d’un président reconnu coupable de malversations
Depuis quatre ans, le pouvoir en place a tout fait pour museler l’opposition à coups de contrôle fiscal, d’enfermement arbitraire pour intelligence avec l’ennemi, s’appuyant sur la loi sur la sécurité intérieure ou à coups de pressions sur les médias. Les Sud-Coréens n’ont plus confiance dans les médias traditionnels et cette émission est une véritable bulle d’oxygène. Avec l’emprisonnement du député satiriste, se pose aujourd’hui de façon plus aiguë, les menaces réelles sur le travail d’investigation et les limites de la liberté d’expression à Pyong Yang, pardon, à Séoul.
3 commentaires sur “Naneun Ggomsuda, la satire qui énerve le Président”
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Naneun Ggomsuda, la satire qui énerve le Président
Bonjour,
Tout d’abord, merci d’avoir traité ce sujet. L’article est très intéressant, je dois avouer que je suis plus que surprise de voir que cette émission fait le sujet d’un article sur le web français.
Néanmoins, il y a une petite erreur dans le nom de l’ancien député qui se trouve actuellement en prison : son nom en coréen est ‘JEON Bong-Ju’ et non ‘JEONG Bong-Ju’.
Cela peut paraître anodin pour les occidentaux mais autant donner la bonne information aux lecteurs français, non? 🙂
Par ailleurs, lorsque vous employez le terme ‘blues’, ce mot signifie en coréen le ‘slow’ (quelques pas de danse en mode ‘collés serrés bien cul-cul la praline avec les hôtesses de karaokés ou room salons!!!). D’où ses fins goûts musicaux…
En tous cas, ravie d’avoir découvert cet article et un grand merci pour votre intérêt sur la culture du pays du matin calme!
Bien à vous,
A. Kim
Naneun Ggomsuda, la satire qui énerve le Président
Merci pour la précision sur le « blues ».
En ce qui concerne l’orthographe de son nom :
L’animateur s’appelle 정봉주 que l’on retranscrit par Jeong Bong-ju. Ce que vous proposez correspondrait à 전.
Arnaud
Naneun Ggomsuda, la satire qui énerve le Président
Merci pour votre retour!
Effectivement, il s’agit bien de ì •ë´‰ì£¼ donc vous avez bien raison pour la retranscription par JEONG. 🙂
Merci.