Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

Filtré pour vous : L'actualité politique et intellectuelle

#Bernard Squarcini #Calmann-Levy #Tarnac

Tarnac, l’arnaque

Publié le 6 avril 2012 par

Depuis sa parution, le livre-enquête de David Dufresne fait l’effet d’une bombe à fragmentations

viviant3-2.jpg Qu’est-ce qu’un livre ? A quoi ça sert ? Des livres, il y en avait près de 5000 dans «  la bibliothèque partisane  » que Julien Coupat et ses amis avaient constituée à Tarnac, en Corrèze, parmi lesquels : Technique du chaos de Timothy Leary, Insoumission à l’école obligatoire de Catherine Baker, Le Sabotage d’Emile Pouget, Anarchie au Royaume-Uni de Nick Cohn, et déjà un livre de David Dufresne Maintien de l’ordre où le journaliste avait enquêté sur la gestion par la police des émeutes de 2005. Quant à l’affaire Tarnac, elle-même avait débuté par un livre : L’Insurrection qui vient publié de façon anonyme aux Editions de la Fabrique en 2007. Une première en France : ce petit pamphlet d’obédience situ fut versé au dossier d’instruction. Il devenait dangereux d’écrire dans ce pays.

Alors, il n’est peut-être pas illogique qu’un autre livre mette fin à cette lamentable histoire. Depuis sa parution, Tarnac, Magasin général fait déjà l’effet d’une petite bombe à fragmentation. Ainsi, le juge anti-terroriste Thierry Fragnoli a été dessaisi du dossier à sa demande, l’avocat de Julien Coupat lui ayant reproché de s’être exprimé dans le livre et d’avoir avoué à David Dufresne, naïvement sans doute, sa passion pour le film Kill Bill de Quentin Tarantino, et l’antipathie qu’il éprouvait pour le principal inculpé. Plus sûrement, il a dû lire le livre utile et en ressortir quelque peu dégoûté de son propre dossier. Car il n’est pas le seul, loin de là, à s’être mis à table. Ainsi le criminologue Alain Bauer, proche de Sarko et qui avait acheté à l’époque une quarantaine d’exemplaires de L’Insurrection qui vient pour les distribuer à des journalistes, n’y va pas par quatre chemins et parle de l’affaire comme d’un «  fiasco politico-policier  ». Ainsi Bernard Squarcini, le grand patron de la DCRI, a-t-il reçu trois fois Dufresne durant l’année 2009. Et pour lui dire quoi ? Selon l’ancien journaliste : «  Invariablement, la sentence Squarcini tombait : cette affaire, la DCRI ne l’avait pas voulue. C’était le fruit d’un héritage RG puis d’un emballement du ministère de l’Intérieur. Cette affaire était au confluent d’intérêts qui dépassaient les principaux intéressés, ceux de Tarnac comme ceux de Levallois  », le siège de la DCRI. Mais ils sont nombreux, les flics de toutes obédiences et de tous grades à vouloir témoigner, en «  off  » ou pas, auprès de celui qui, tel un lonesome cowboy revenu de tout, et surtout de la fabrique de l’info, a décidé de mener une enquête sur l’enquête.

Dufresne écrit : «  Le lieutenant de gendarmerie souriait maintenant. Parler le soulageait, c’était manifeste.  »

Dans des circonstances dignes d’un polar boîteux, on lui donne des rendez-vous tout portable éteint, pour raconter comment on a espionné Coupat et ses amis, et patati la guerre des services, et patata la guerre des polices. Les flics balancent à tout va, comme heureux de se confier, de jeter leur devoir de réserve aux orties, voilà qui est étonnant. Dufresne reçoit même des mails anonymes de gens suffisamment bien renseignés pour être eux-mêmes du renseignement. Pourquoi ? Sans doute pour déminer et évider un dossier en train de virer à l’affaire d’Etat, avec tout ce cirque médiatique que font les avocats et les parents des inculpés, les comités de soutien. Intoxiquer Dufresne ? Lui faire écrire en sous-main la repentance qu’eux-mêmes ont envie de lire ? Un officier de la sous-direction antiterroriste lui dit : «  Dans le service, j’en connais qui ne veulent plus bosser sur l’extrême gauche… Trop d’emmerdes, trop de médiatisation, ça démobilise.  » Cela paraît presque trop beau pour être vrai. Manipulation donc, peut-être, mais pas seulement. Ecoutez plutôt ce gendarme. Dufresne écrit : «  Le lieutenant de gendarmerie souriait maintenant. Parler le soulageait, c’était manifeste.  » Et voici ce qu’il dit : «  On n’est plus dans la police judiciaire quand on est dans la police antiterroriste (…) Une enquête sur initiative du parquet, comme l’a été cette affaire de Tarnac, c’est politique, c’est dangereux. Le politique s’est créé un outil, hors de contrôle, qui exécute les basses oeuvres. Cette affaire en est un emblème. Elle inaugure une nouvelle ère.  » Il faut imaginer des flics républicains. De temps en temps.

Car il y a aussi l’autre moitié du livre, celle tournée vers Tarnac. Avec ses écoutes illégales (dont, possiblement, celle de Dufresne lui-même), ses «  barbouzeries  », ses témoins sous X qui se révèlent fallacieux, ses micros au domicile de Gérard Coupat, le père de Julien… Il y a ces aveux arrachés, au terme de 4 jours de garde de vue, sans se laver, dans une lumière perpétuellement crue, avant d’être réfutés… Il y a cette conception judiciairement suspecte de «  pré-terrorisme  » qu’au demeurant l’affaire de Toulouse, autrement plus sérieuse, vient soudain de mettre à mal. Si bien qu’on ne voit pas comment, après ce livre d’aveux tous azimuts consignés par Dufresne, l’affaire de Tarnac ne se conclurait pas par un non-lieu. Mais aussi bien, on ne voit pas comment, aujourd’hui en France, on pourrait vivre autrement que sous un régime policier. Au demeurant, comme un signe, Dufresne s’est extradé au Canada.

Je m'abonne ! Partage Twitter Partage Facebook Imprimer

3 commentaires sur “Tarnac, l’arnaque

Laisser un commentaire

Ce site web utilise ses propres cookies et ceux de tiers pour son bon fonctionnement et à des fins d analyse. En cliquant sur le bouton Accepter, vous acceptez l utilisation de ces technologies et le traitement de vos données à ces fins. Vous pouvez consulter notre politique en matière de cookies.   
Privacidad