Dominique Reynié, malmené par les populistes
Publié le 27 avril 2012 par Rédaction LI
Le think tank influent qu’il dirige s’apprête à basculer dans l’opposition en mai
Trente ans plus tard, le citoyen du monde n’écrit plus en esperanto, il est un politologue en vue qui travaille sur les courants du populisme et dirige depuis 2008, le think tank La Fondapol (Fondation pour l’innovation politique). Un triptyque caractérise la petite entreprise à idées : » libéral, progressiste et européenne« . Depuis son arrivée à la tête du think tank, Dominique Reynié n’aura connu que des situations de crise. Interne tout d’abord : la Fondapol, créature lancée en 2004 par l’ancien conseiller de Jacques Chirac à l’Elysée, Jérôme Monod , et l’aide financière de l’UMP (17% la première année), dérivait en une sorte d’assemblée de copains chiraquiens avec armée mexicaine pléthorique et production d’idées plus proche de la littérature de comptoir que du sport intellectuel de combat. En un quinquennat à peine, le professeur de sciences politiques à l’IEP-Paris Dominique Reynié a tenté avec un certain succès d’éclairer les débats publics autour de la dette par exemple. Profession de foi : « Dans les temps de routine, le travail des idées est reléguée au second plan. En revanche, il devient indispensable lorsque l’histoire change de rythme, annonçant de grands changements. Il faut alors malgré toutes les réserves et les réticences, penser autrement et agir différemment. C’est dans ce contexte qu’un think tank trouve sa pleine utilité sociale. » Règle d’or, Etat, relance du pouvoir d’achat, écologie innovante, démocratie, école, nouvelles générations et nouveau monde… La Fondapol a fait plancher des chercheurs et des spécialistes sur de nombreux thèmes afin d’alimenter les arguments notamment de l’UMP. Avec plus ou moins de bonheur.
Théoricien de la Règle d’or
Le think tank a d’ailleurs commencé à montrer quelque persuasion à partir de 2010. En février de cette année, la Fondapol publie une note de l’économiste Jacques Delpla. C’est d’ici qu’historiquement, est partie l’idée d’une règle d’or des finances publiques à constitutionnaliser. La théorie de l’économiste Jacques Delpla aura fait le tour du tout Paris politique afin d’affiner ses analyses et convaincre ses interlocuteurs de tous bords. Sans surprise, la Règle d’or forme la première grande idée « prioritaire » defendue mordicus par La Fondapol. Elle propose notamment « d’instaurer une règle budgétaire prévoyant le vote d’une trajectoire pluriannuelle de retour à l’équilibre (objectif de solde) et reposant sur un mécanisme d’amortissement des déficits non anticipés ». Certitude de Dominique Reynié : « Droite ou gauche, on y viendra. En l’absence de majorité au Congrès, on peut recourir au référendum pour inscrire cette règle d’or dans la constitution ». Une dizaine de propositions accompagnent le grand principe. Se côtoient des idées un peu ressassées comme « le financement du désendettement par la cession de participations non stratégiques de l’Etat » et d’autres plus toniques telles que « mettre sur pied une TVA antidélocalisation, après avoir réduit le champ des exemptions ».
La Fondapol propose impulsions, transformations, mutations du rôle de l’Etat : « passer de l’Etat providence à l’Etat solidaire ». Elle invite à abandonner « l’illusion de l’élimination des inégalités » mais en revanche envisage que l’on se consacre à la possible « éradication de la pauvreté ». Elle se bat « contre l’esprit de rente qui bride et introduit une distorsion du marché par un pouvoir ou un lobby, qu’il soit économique, social ou politique. » Il s’agit de fait de relancer le pouvoir d’achat. L’une des idées force de réforme des services publics serait de « créer des Maisons de l’Etat », animées par des agents polyvalents, dûment équipés de nouvelles technologies numériques, et répartis sur tous les territoires. Ils assureraient ainsi « un rôle de guichet unique de l’information, et, à terme de traitement des démarches. » De nombreuses idées avancent des changements dans l’écologie, le cursus scolaire, l’université, la diversité et le vivre ensemble. Des innovations qui se veulent toujours travaillées à l’aune des libertés individuelles et collectives, d’une certaine bienveillance pour les nouvelles technologies et l’esprit de progrès, et « le refus de la guerre civile, secret de fabrication typiquement français » estime Dominique Reynié.
» En France, il y a y une certaine dévalorisation du travail intellectuel »
Le libéral think tanker ne souhaite pas faire commerce de ses idées. « Nous sommes de farouches partisans du open data, des sources ouvertes et de la gratuité accessible de nos notes et de nos études, ambitieuses et coûteuses parfois. Nous pourrions, c’est vrai, nous faciliter la tache en multipliant les expertises auprès de contributeurs amis, mais je ne désire pas que nous devenions un bureau d’études. » Le rôle du think tanker, et peu importe l’obédience, n’est pas pour autant gratuit ou annexe. « En France, il y a y une certaine dévalorisation du travail intellectuel, remarque t-il. A la Fondapol, nous rétribuons les missions d’études de nos experts qui ne sont ni des militants, ni des amis de réseaux et sont tous externalisés. » L’universitaire se décrit comme un petit entrepreneur entreprenant. Un entrepreneur d’idées, des idées comme levier de croissance pour un nouveau nouveau monde. »L’important n’est pas d’avoir raison mais d’influencer » résume Dominique Reynié. Ce qui n’a pas marché cette fois avec le candidat naturel de la Fondapol, Nicolas Sarkozy, tentant plutôt la stratégie très droitière de son conseiller Patrick Buisson.
Pour 2012, une hypothèse devrait se réaliser : huit ans après sa création, la Fondapol risque fort de se retrouver dans l’opposition après le 6 mai. Et ce, par la cause même de ce que dénonce Dominique Reynié, soit l’incrustation dans l’Europe politique, des partis populistes. Et il y a fort à parier que le Front national modèle Marine Le Pen, vent en poupe, ne mette les libéraux de la droite française en compote à dure épreuve d’influence.
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Dominique Reynié, malmené par les populistes
« L’important n’est pas d’avoir raison mais d’influencer » résume Dominique Reynié. Bref on peut avoir tort, et vouloir tout de même influencer.