Influences (n. fem. pluriel)
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Les Influences

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La guéguerre des rosses

Publié le 20 mai 2012 par

« Plus dangereux que le FN » : Comment un tweet déclenche les hostilités entre le courant qui se réclame de la « Gauche Populaire » et les représentants de la gauche libérale

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Sylvain Bourmeau (source : villagillet.net)
Sylvain Bourmeau (source : villagillet.net)
Elle est la première dispute intellectuelle et politique du quinquennat Hollande. Fini l’état de grâce, les escopettes sont de sortie. Certes, le combat a pris une allure picrocholine, et ne concerne pour l’instant que des intellectuels de gauche qui représentent moins de trois cabines téléphoniques entre le Select, Solférino et la terrasse de Libération. Mais il y a fort à parier que la guéguerre va s’installer, et approfondir ses tranchées : entre les tenants de la « Gauche populaire » et ceux qui relèvent d’un informel socialisme libéral, la hache de guerre est déterrée et les enjeux posés sur la table.

« Un signal de lepénisation des idées »

Petit rappel des faits. Un tweet plus que succint, émis le 1er mai, a provoqué le malaise chez le politologue Laurent Bouvet, figure emblématique de cette gauche auto-qualifiée Populaire, et déclenché la tempête sous les crânes. Signé Sylvain Bourmeau, directeur adjoint de la rédaction de Libération, il est lapidaire et lapide sec. La Gauche populaire ? « Encore plus dangereux que le Front National« . Le thème de « l’insécurité culturelle » notamment théorisé par Bouvet dans la revue Le Débat et une tribune dans Le Monde ? « Concept d’extrême droite » claque encore Sylvain Bourmeau. Trois jours plus tard, dans une tribune publiée sur Slate.fr, c’est à l’historien au Centre d’Histoire de Sciences-po et producteur de France-Culture, Sylvain Kahn, de remettre le couvert des arguments fascistoïdes ( http://www.slate.fr/tribune/54377/identite-insecurite) :  » N’est-ce pas un signal de lepénisation des idées? Telle une ombre portée, l’emprise du marinisme s’étendrait à la sphère des idées et de la parole experte —en l’occurrence de gauche? » De cette sentence, mais qui vaut aussi sanctification victimaire, la « Gauche populaire » fait depuis ses choux gras sur Internet, de Marianne2 en blog de la pétillante Coralie Delaume ( http://www.marianne2.fr/l-arene-nue/Les-lepenistes-de-gauche-sont-parmi-nous-Sylvain-Bourmeau-les-a-vus_a40.html.).

Pourquoi ces accrochages vifs ? Le Peuple avec majuscule a fait l’objet d’une intense course à l’échalote idéologique durant la campagne présidentielle. Sur les 17,9% de suffrages du premier tour, 29% des ouvriers auront voté pour Marine Le Pen. Dans le camp de François Hollande, on a assisté à un vrai concours de beauté pour savoir qui, de Laurent Baumel, secrétaire national adjoint du PS à l’international et maire de Ballan-Miré, et Pierre Kalfon, conseiller régional d’Ile-de-France et secrétaire national du PS en charge des études d’opinion, deux ex-strauss-khaniens, ou bien de Laurent Bouvet parviendraient à influencer le leader du PS sur cette thématique qu’ils voient tous cruciale : renouer avec les classes populaires. Le tandem Baumel-Kalfon avait publié en mai 2011, un opuscule L’Equation gagnante : la gauche peut-elle enfin remporter la présidentielle ? (Le Bord de l’eau), où étaient déjà précisées des analyses sur la fragmentation des classes moyennes et populaires, mais également la nécessité de « ne pas laisser la laïcité à la droite et à l’extrême droite« , ou encore d’ « oser parler de l’identité française« .

De Claude Mergier, Christophe Guilluy, Camille Peugny, Malek Boutih à Gaël Brustier et Laurent Bouvet

Les membres de « La Gauche populaire » seront-ils, sous ce quinquennat hollandais, une sorte de décalque de « La Droite populaire », aéropage d’élus au langage musclé de l’UMP ? Ils s’en défendent farouchement. Pour ce groupement d’intellectuels et d’élus, l’alerte a été donnée (et justifiée) par un rapport jugé arrogant et surréaliste de Terra Nova, l’association intellectuelle proche du Parti Socialiste, en mai 2011, « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? » ( http://www.tnova.fr/essai/gauche-quelle-majorit-lectorale-pour-2012 ). Tout comme au lendemain de la catastrophe électorale de 2002, de jeunes-Turcs de la politologie et de l’appareil du PS ont songé à rompre radicalement avec cet électorat ingrat et jugé perdu pour la gauche. En substance, le think tank dirigé par Olivier Ferrand suggérait de s’orienter nettement vers une clientèle « plus jeune, plus diverse, plus féminisée« . Parce qu’elle est plus « progressiste sur le plan culturel« . Soit les entités déclinées par Terra Nova que sont les diplômés, les jeunes, les minorités dites visibles et les quartiers populaires, les femmes. Hors de question de se détourner des peuples de gauche traditionnels : Plaidoyer pour une gauche populaire (Le Bord de l’eau) a constitué la signature collective de la riposte à Terra Nova.
Les intellectuels mobilisés ne sont pas spécialement des chemises brunes. Sont réunies dans ce recueil sur les classes populaires fragilisées par la mondialisation, les contributions du géographe social Christophe Guilluy, du démographe Camille Peugny, des politologues Rémi Lefebvre et Philippe Guibert et du sociologue Alain Mergier. Guilluy, auteur du très remarqué Fractures françaises (François-Bourin Editeur, 2010), a été aussi lu à l’Elysée et reçu par Nicolas Sarkozy en personne pour un petit cours accéléré de géographie sociale -qu’il aura bien mal assimilé, surtout dans ses conclusions redistributives.
Claude Mergier qui, lui avait marqué la campagne 2007 avec son analyse, Le Descenseur social (Plon-Fondation Jean-Jaurès), a été pris à partie pour ses positions, notamment une interview accordée aux Echos.fr, analysant les votes frontistes du 1er tour. En substance, « l’antisocialisme domine dans l’électorat populaire » (http://www.lesechos.fr/economie-politique/election-presidentielle-2012/interview/0202026533592-alain-mergier-dans-l-electorat-populaire-l-antisocialisme-domine-315552.php). Et surtout :  » La lutte contre l’immigration est une clef pour les milieux populaires. » Ce qui expliquerait la petite performance d’un Jean-Luc Mélenchon pour le Front de gauche face à ces électorats de plus en plus défiants.

En satellite de cette tendance qui se dessine, il faut compter également sur Gaël Brustier, co-auteur avec Philippe Huelin de Voyage au bout de la droite (2011), ancien directeur de campagne des primaires de l’impétrant Montebourg, et l’un des artisans du mouvement « La Rose et le Réséda » lancé au lendemain des primaires socialistes par le nouveau ministre du Redressement productif. L’ex-président de SOS Racisme, Malek Boutih, a également rejoint ce mouvement. Lui aussi, se trouve depuis son « La France aux français ? Chiche ! » (Mille et une nuits/Fondation du 2 mars, 2001), un livre d’entretiens avec Elisabeth Lévy, dans une bataille décennale au PS contre les idées différentialistes.

 » Le bla bla et les idées xénophobes de la Gauche Pop »

Pour ce courant politico-intellectuel du PS, la gauche, depuis trente ans, se trouve toute handicapée par la mauvaise articulation entre la question sociale, (fiscalité, redistribution, emploi, pouvoir d’achat), et la question identitaire, celle du multiculturalisme, voire du communautarisme dont l’impact culturel sur une société particulièrement instable en temps de crise, n’est pas neutre. Or pour la Gauche Populaire, il faut absolument combiner ces deux questions et appréhender toute la complexité de l’immigration.

La campagne présidentielle de Ségolène Royal avait tenté une « triangulation » sur les notions de patrie et d’identité française, jusqu’alors trustées par les discours de la droite républicaine et de l’extrême droite. Les références massives et indiscutables à la République et ses vertus, à la Laïcité et ses mérites, par le candidat, puis le président de la république fraîchement intronisé, François Hollande, indiquent l’influence des thèses de la Gauche Populaire en mûrissement depuis 2007.
En contre-argument, Sylvain Bourmeau commentait le fait qu’une majorité des ouvriers avaient voté Hollande au second tour et précisait le 8 mai sur sa page Facebook : « Où l’on apprend, entre autre, qu’en dépit des notes stupides de Terra Nova d’un côté et de tout le bla bla des tenants de la « gauche populaire » et de leur concept foireux d’ « insécurité culturelle » de l’autre, les ouvriers ont massivement voté pour Hollande (68%). Aucune raison donc de les juger pas « rentables » électoralement (Terra Nova), ni de convertir le PS aux idées xénophobes (la « gauche pop »). Excellente nouvelle à opposer à tous les chasseurs de bobos (autre pseudo concept) de la planète. »

L’élection présidentielle de François Hollande même élu n’est pas encore gagnée

Laurent Bouvet, depuis quelques semaines, travaille le concept d’ « insécurité culturelle« , terme qui a provoqué le courroux de Sylvain Bourmeau et de quelques autres. L’insécurité culturelle ? C’est toute la somme des fragilités sociales et culturelles de ces classes populaires particulièrement exposées aux vents déboussolants de la mondialisation économique et aux immigrations qui auraient tendance à se constituer en un chapelet de communautés repliées sur elles-mêmes. Pour la Gauche Populaire, il faut réinjecter massivement des valeurs républicaines dans le vivre ensemble, et ne pas hésiter à constituer un récit national commun plutôt que d’abdiquer devant les communautarismes.

L’élection présidentielle de François Hollande n’est pas gagnée, rappelle encore Laurent Bouvet sur son blog (http://laurentbouvet.wordpress.com) en date du 19 mai : « Le score réalisé par François Hollande dans les catégories populaires est sans doute historique, dans la mesure où il annonce la fin d’une longue descente aux enfers qui avait vu la gauche se séparer de sa base sociologique traditionnelle. Pour autant, il ne s’agit pas de le sur-interpréter. Si le Président a obtenu, au second tour, une majorité du vote ouvrier, ce n’est pas parce que les prolos se sont subitement convertis au socialisme, mais parce qu’une partie des électeurs de Marine Le Pen ont voulu congédier Nicolas Sarkozy, les uns en choisissant Hollande du bout du bulletin, les autres en allant à la pêche ou en votant blanc. »

Démonstration qui lui permet de tacler à son tour Sylvain Bourmeau : «  Or ceux-là ne se sont pas transformés en un jour. Les beaufs racistes, serrés dans leur «  enclos  », que décrivait éloquemment entre les deux tours un éditorial de Libération suintant le mépris de classe et la haine anti-peuple ne sont pas subitement devenus le 7 mai des progressistes terra-noviens acquis au vote des étrangers. »

Un article en date du 16 mai,  » L’insécurité culturelle est-elle gauchocompatible ?« , sur le site nonfiction.fr, proche de la Fondation Jean-Jaurès, un peu chiffonné, cherche la synthèse entre les deux camps ( http://www.nonfiction.fr/article-5822-linsecurite_culturelle_est_elle_gauchocompatible_.htm. ). Comme s’ils étaient conciliables. Pas sur : les intellectuels eux aussi ont leurs réflexes communautaristes.

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