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Les Influences

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Niels Planel : « Qu’Obama perde ou gagne, il faudra prendre en compte son héritage politique »

Publié le 7 septembre 2012 par

A contre-courant des critiques actuelles, ce spécialiste de la gauche américaine estime que l’actuel président des Etats-Unis a déjà transformé le pays

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Politique. Il est l’auteur d’un petit livre empathique mais perspicace sur l’Obamanomics (éditions Le Bord de l’eau), ce corpus intellectualo-politique de Barack Obama qui l’a mené à la Maison Blanche en 2008. Niels Planel, politiste et économiste français qui vit à Washington analyse ici les failles, le bilan et les possibilités de ressourcement du candidat-président. Pour cet observateur, « la contre-révolution progressiste » d’Obama n’a pas dit son dernier mot.

Lesinfluences.fr : Votre essai, Obamanomics (Editions Le Bord de l’eau) se singularise, dans l’avalanche de livres américains et français tous plus critiques les uns que les autres, par une réelle empathie avec ce président. S’il n’est pas réélu, en quoi l’Obamanomics aura marqué et influencé l’Amérique en profondeur ?

Observateur de pouvoir intellectuel.Observateur de pouvoir intellectuel.
Un autre Japon (Mille et une nuits, 2007). Depuis 2007, ce consultant vit et travaille à Washington. Il a publié Sur les pas d’Obama (Hachette Littératures, 2009), un panorama subtil du renouveau de la gauche américaine. » align= »left » />  » Pour commencer, j’aimerais apporter une nuance : J’ai tâché de présenter une analyse critique du premier mandat du démocrate, n’hésitant par exemple pas à parler d’échec dans le domaine de l’environnement – et un échec dans lequel la Maison Blanche a une responsabilité manifeste puisque qu’un sénateur républicain et un indépendant étaient prêts à se joindre aux démocrates pour passer une grande réforme – ou à détailler comment la gestion politico-politicienne de la dette publique avait conduit à une impasse alors même qu’une commission bi-partisane avait montré la voie vers une sortie. Et j’ai également noté qu’une réponse plus globale devait être apportée à la réglementation de l’industrie financière. Reste un bilan solide, Barack Obama ayant passé, non sans ténacité dans le cas de la santé, un très grand nombre de réformes promises lors de sa campagne.
Une longue crise économique, une «  guerre des tranchées  » entre républicains et démocrates à Washington et, peut-être aussi, une crise de confiance plus profonde, en Occident, à l’égard du politique ont obscurci ce bilan et nourri l’essentiel des critiques, mais il est bien réel. Avec le temps, l’on réévaluera sans doute ses réalisations sous un jour plus favorable et il est même probable que l’on associe sa présidence avec l’assurance santé, de la même manière que l’on associe aujourd’hui Franklin Roosevelt au New Deal.

Mais pour l’instant, son bilan est tout de même ressenti en demi-teinte, et a beaucoup déçu.

Il a besoin de consolider ses réformes, et s’il n’est pas réélu, l’Amérique pourrait faire un saut dans l’inconnu : Le pays, qui est modéré dans son ensemble, se retrouverait dirigé par un président et, probablement, un Congrès républicains obligés de rendre des comptes à l’électorat de droite et susceptibles de passer des législations radicales destinées à balayer tout item progressiste, voire, à détruire des éléments hérités, précisément, du New Deal de Roosevelt et de la Grande Société de Lyndon Johnson. Or, les Américains veulent surtout une réponse au marasme économique, pas un nouveau virage idéologique. Donc on pourrait s’attendre à un clash.

Ceci étant, si Mitt Romney succédait à Obama, il ne pourrait se contenter de revenir sur tout ce qu’il a réalisé. D’une part parce qu’il restera assez de démocrates au Sénat pour bloquer des lois – et si la procédure pour contourner cet obstacle existe, elle n’est pas populaire – et défendre les avancées d’Obama. D’autre part, parce que beaucoup d’éléments au cœur des réformes visent à améliorer la compétitivité américaine, et quelqu’un issu du privé, comme Romney, serait probablement tenté de réfléchir avant de céder à la tentation de la table rase.
Enfin, qu’Obama perde ou gagne en novembre, les candidats démocrates en 2016 devront aussi se définir par rapport à son héritage, donc prolonger une réflexion sur son bilan, même s’il est encore un peut tôt pour en parler.

« Obama a su réhabiliter certaines idées progressistes et réconcilier les Américains avec des sujets longtemps anathèmes comme la hausse des impôts des plus riches. Ca n’est pas rien. « 

Est-ce la crise financière historique ou le nouveau logiciel démocrate qui a décrédibilisé l’idéologie néo-con ? Quelle guerre idéologique a remporté l’Obamanomics ?

Les deux. La crise financière a résulté d’une accumulation de problèmes directement liés à la déréglementation progressive, depuis les années 1980, de cette industrie qui en est venue à prendre une place immense dans l’économie américaine, et à la croyance naïve — comme l’a reconnu l’ancien patron de la Fed, Alan Greenspan, lui-même — que les marchés financiers allaient s’autoréguler et ne prendraient jamais de risques trop élevés. Or la chute du système bancaire a beaucoup coûté aux contribuables, en emplois comme en deniers publics. D’autre part, le «  trickle-down economics  », l’idée qu’une fiscalité favorisant les riches contribuerait à les voir réinvestir leurs gains dans l’économie et créer des emplois, a largement montré ses limites : aucun président n’a créé aussi peu d’emplois depuis 1945 que George W. Bush dans le sillage de ses baisses d’impôts, un point que même le Wall Street Journal ne dispute pas. La faillite idéologique de la droite apparait manifeste. Mais j’ai également voulu montrer dans mon livre que sur tous les enjeux plus immédiats (santé, immigration, inégalités, finance, environnement, etc.) qui affectent l’Amérique, les démocrates ont développé des idées à la hauteur de ces défis quand les républicains ne proposent que davantage de déréglementations et de baisses . d’impôts.
Et quand on s’emploie à sonder l’opinion américaine au travers d’enquêtes extrêmement fouillées telles que celles produites par l’institut Pew ou Gallup, l’on se rend compte qu’Obama a su réhabiliter certaines idées progressistes et réconcilier les Américains avec des sujets longtemps anathèmes comme la hausse des impôts des plus riches. Ca n’est pas rien : Une population ne laisse pas derrière elle trente ans de réflexes conservateurs en quelques années. Ces mêmes enquêtes indiquent que l’opinion est, en légère majorité, alignée sur les valeurs progressistes sur beaucoup de sujets (avortement, immigration, mariage homosexuel, etc.). Et ceci est encore plus vrai pour les générations les plus jeunes, qui estiment que le gouvernement a une place légitime dans la vie des Américains. Il est vrai, cependant, que les générations plus âgées – et plus conservatrices – ne sont pas de cet avis, et que s’il est réélu, Barack Obama aura peut-être à formuler un nouveau message quant au rôle du gouvernement. Cela se verra sans doute dans la manière dont il traitera la réduction de la dette publique et la maitrise des finances américaines.

Quelles ont été et quelles peuvent être les marges de manœuvre de l’Obamanomics face au problème central du chômage de masse ?

Le problème du chômage et du marasme économique, qui se sont accentués aux Etats-Unis, en Europe et au Japon dans le sillage de 2007-2008, est un défi structurel aggravé par la crise auquel des dirigeants d’horizons et de pays divers n’ont pas encore trouvé la réponse. Gordon Brown, puis David Cameron, Nicolas Sarkozy et maintenant François Hollande (bien qu’il vienne tout juste d’arriver), José Luis Zapatero ou Mariano Rajoy, Silvio Berlusconi puis Mario Monti, une succession de premiers ministres japonais, et peut-être même, nous dit-on maintenant, Angela Merkel sont confrontés à une croissance poussive qui ne parvient pas à faire baisser les taux de chômage. Certes, le cas du Japon est intéressant, avec un taux de chômage à à peine plus de 4%, plus enviable qu’aux Etats-Unis, qui affichent le double, mais aucun de ces pays n’affiche ce type de dynamisme qui donne aux économies émergentes cette force de vie que l’on ressent à peine franchies les portes des aéroports. Et cela s’explique par une multitude de raisons : la maturité des économies occidentales, le vieillissement de la population, qui taille dans la part des actifs et pèse davantage sur les finances publiques, mais aussi l’allongement de la vie (au départ, la retraite «  durait  » en moyenne quelques années, non quelques décennies) et une forme de déclassement générationnel frappant les jeunes. Enfin, le fait que beaucoup de métiers dans le secteur secondaire se sont délocalisés constitue un problème sérieux quand à peine 30% des Américains sont diplômés de l’université et ne peuvent – ou ne veulent – pas se reconvertir en un clin d’œil pour travailler dans d’autres secteurs.

Il ne faut pas non plus oublier une fiscalité favorable aux plus aisés en parallèle à une stagnation des bas salaires (alors même que la productivité des employés en Occident a augmenté depuis les années 1970), ce qui a créé des inégalités plus ou moins fortes selon les pays et, qui, aux Etats-Unis, a alimenté l’endettement – les ménages modestes ayant contracté des crédits toxiques pour devenir propriétaires et garder l’illusion du pouvoir d’achat, ce qui a en retour contribué à la crise des subprimes. Aujourd’hui, l’endettement privé continue à peser sur l’économie… On le voit, les causes sont multiples et souvent liées entre elles. Enfin, vivant aux Etats-Unis depuis 2007, je continue – sans doute naïvement – à être surpris par le nombre de talents qui quittent les plus grandes écoles du pays pour investir le monde de la finance plutôt que d’offrir leurs ressources à d’autres secteurs (recherche, éducation, gouvernement, etc.) qui en auraient tant besoin pour remettre ce pays en état. Comme si l’image de la finance était restée intacte…

« Avant le début du prochain mandat en janvier, démocrates et républicains auront une fenêtre de deux mois pour négocier un nouvel accord visant à assainir les finances de l’Amérique et redonner un coup de fouet à l’économie. »

Mais, au travers des réformes qu’il a passées, Barack Obama a voulu préparer l’Amérique à la grande compétition mondiale qui fait rage : car un Américain couvert grâce à sa réforme de la santé, c’est un entrepreneur qui ne met pas la clé sous la porte face à un cancer (les factures médicales sont à la source d’une majorité des faillites personnelles aux Etats-Unis) ou un employé qui est plus productif parce qu’en meilleure santé, ou plus mobile parce qu’il sait qu’il ne perdra pas sa couverture en quittant son employeur pour un autre.
La finance génère une part importante de la richesse nationale ? Mettre des règles permet de s’assurer qu’elle dispose de l’architecture indispensable à ce siècle globalisé et ne coûte plus des millions d’emplois et des milliards de dollars à l’économie lorsque elle implose. Une politique énergétique solide ? C’est permettre à Washington de ne pas emprunter à la Chine pour acheter du pétrole saoudien. Une éducation plus accessible aux étudiants modestes ? C’est s’assurer que les Américains seront aussi, voire plus, compétitifs et innovants, dans leur ensemble, face à leurs concurrents chinois, indiens ou européens.
Reste la question de la dette publique, qui est centrale. Un accord majeur sur ce sujet – on parle de 3 mille milliards de dollars de coupes et d’1 millier de milliard de hausses d’impôts – entre le président démocrate et le leader de la majorité républicaine à la Chambre des représentants n’a pu être finalisé l’été dernier à cause d’une frange radicalisée – le Tea Party – qui estime que la garde meurt mais ne se rend pas : plutôt pousser l’économie américaine au bord du gouffre que de relever les impôts des plus riches. Mais juste après l’élection de novembre et avant le début du prochain mandat en janvier, démocrates et républicains auront une fenêtre de deux mois pour négocier un nouvel accord visant à assainir les finances de l’Amérique et redonner un coup de fouet à l’économie. Nul doute que le vainqueur de l’élection pourra influencer cet accord dans un sens ou dans l’autre. Au final, on retrouve cette idée que maîtriser la dépense publique est essentiel dans des discours d’Obama bien antérieurs à sa campagne de 2008, mais ne nous y trompons pas : C’est un enjeu qui continuera à préoccuper ses successeurs pendant un bout de temps.

 » A droite dans cette élection, la particularité, c’est que Paul Ryan est à lui tout seul un think tank. »

Dans votre essai, vous insistez sur le rôle influent des think tanks. Où en sont-ils pour cette nouvelle élection et quelles sont les idées les plus saillantes ?

Les think tanks, ces universités sans étudiants, comme on les décrit parfois, sont très actifs et influents à Washington. Dans mon livre, j’ai tenté de montrer le rôle particulier qu’a eu le Hamilton Project (logé à la Brookings Institution) qui a nourri en idées et en hommes la Maison Blanche sous Obama. Ils ont organisé un excellent forum cette année, précisément, sur la question de la dette publique – preuve s’il en est de la centralité du problème.
Le Center for American Progress, proche de la Maison Blanche, est également resté extrêmement actif sous son premier mandat, notamment en cultivant des liens avec les progressistes européens, et d’autres mériteraient d’être mentionnés. Mais lorsqu’un camp est au pouvoir, la tendance est de surtout voir les think tanks du camp opposé se remplir de cadres de l’administration précédente. Or, à droite dans cette élection, la particularité, c’est que Paul Ryan est à lui tout seul un think tank, si l’on peut dire. Quoique téméraires, ses idées ne sont pas très nouvelles et même le Congressional Budget Office, organe neutre, a montré les limites de ses calculs, mais c’est sa «  feuille de route pour le futur de l’Amérique  » qui tient lieu, semble-t-il, de référence intellectuelle pour les conservateurs aujourd’hui.

Quel est le paradigme intellectuel et politique du candidat Obama pour cette prochaine campagne ?

Barack Obama est guidé par deux impératifs : En premier lieu, continuer à redresser l’économie ; ensuite, consolider ses réformes pour qu’elles deviennent des acquis aux yeux des Américains. Quatre ans, c’est court, et beaucoup de réformes ne vont délivrer leurs fruits qu’au fil du temps. L’exemple le plus connu étant la réforme de la santé, qui ne deviendra «  contraignante  » qu’à partir de 2014. Dans son discours à la Convention démocrate, c’est ce sur quoi il a insisté : L’Amérique a un choix – patiemment poursuivre l’expérience progressiste ou retourner aux recettes qui ont mené à la crise. En ce sens, sa vision s’inscrit dans le long terme depuis le début. »

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