Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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J’aurais aimé retourner en forêt (avec Larcenet) …

Publié le 24 novembre 2012 par

Pourquoi son Blast (T.3) m’explose

ours_230.gifGros, moche, quelque peu dérangé aussi, en désordre sous son crâne épais, sans aucun doute. Il s’appelle Polza Mancini, il a 38 ans, sans domicile connu et avant de faire la route il était écrivain. Correct ? C’est la question que pose le flic maigrichon, à bout portant après son récapitulatif signalétique au lance-pierre. Correct, absolument. Entre deux hallucinations. Et puis, en complément d’information, Mancini lui-même cause et en remet une couche: «  Je pèse lourd. Des tonnes. Alliage écrasant de lard et d’espoirs défaits, je bute sur chaque pierre du chemin. Je tombe et me relève et tombe encore. Je pèse lourd, ancré au sol, écrasé de pesanteur. Atlas aberrant, je traîne le monde derrière moi ? je pèse lourd. Pire qu’un cheval de trait. Pire qu’un char d’assaut. Je pèse lourd et pourtant, parfois, je vole  » Et puis aussi, et puis encore : «  Je mens. Je mens toujours. Je dis que je ne me souviens de rien, que je suis né du matin. Je dois que je comprends, qu’à votre place, sans doute, j’aurais ri aussi. Je mens pour un peu de repos et d’indulgence, pour le pardon de ma dissemblance. Je me aussi pour ne pas vous massacrer à mon tour. Je mens toujours car en réalité je me souviens de tout.  »

Trois tomes. Il y en aura un autre, encore. Encres de brumes noires, grises, traits comme des écorchures, de plumes et de bec, aplats de nuit écrasante, fulgurances d’aubes avortées par mégarde que traverse la silhouette éléphantesque qui passe avant de s’écrouler. Les deux premiers tomes s’intitulent respectivement «  Blast, grasse carcasse  », et «  L’Apocalypse selon Saint jacky  » : 400 pages de terreurs avalées de travers et régurgitées avec de la fureur qui gicle des narines et qu’on essuie sur le bord des lèvres crevassées d’un revers de manche honteuse.

Le troisième et avant dernier tome : «  La tête la première  ». Ça remet ça, plus exactement ça continue, l’interrogatoire du gros, assis dans sa graisse étouffante, couché en rond dans ses bourrelets, sur sa chaise, lui qui n’est qu’angles, au fond, éclats tranchants de brisures, failles et cicatrices aux dents découvertes qui ne se refermeront jamais. Plongée la tête la première, errance toujours, fuite en avant, mais pas seulement en avant, fuite dans tous les sens du gros balourd prisonnier de lui-même d’abord et avant tout, il raconte. Parfois. Un peu, par bribes. Il lache des traces laisse des pets pour indices de son trajet sur sa ligne de fuite qui forcément n’est pas la même que celle de tout un chacun, si tout un chacun existe. Asile ! crie Quasimodo l’atroce affreux, le cris de Mancini aussi, et son asile est celui des fous, pas tellement différent de celui extérieur et sans murs des normaux, personnages qui tournent et virevoltent autour de lui, qui chantent et dansent sur les paroles de Zaz, d’une chanson qui passe, et puis dans les tréfonds de la forêt traîtresse, l’assaut des amis tabasseurs enculeurs abominables comme le monde, et dans une maison morte les peintures oubliées qui hurlent, témoins du passage de l’homme en cavale. D’où viendra le meurte ? De quel orage tombera-t-il ? Mancini , Polza pour les extimes, le dira sans doute et le prouvera peut-être, un matin gris, sale. D’éblouissante merde. Eblouissant.

Si ce n’était que cela… Car en plus, car aussi, il y a le trait, les couleurs noires et leurs manques, Larcenet dessine aussi efficacement avec des épines et des ronces, au couteau, à la pointe du couteau, au fil de la lame, qu’avec du brouillard au pinceau et sépias de noir. Ce dessin parfaitement magistral est aussi de la littérature pour raconter si bellement des horreurs qui, faute d’avancer masquées de la sorte, vous tueraient sur le champ.

Ça s’intitule donc «  Blast, tome 3, La Tête la première  ». C’est édité par Dargaud. C’est signé Larcenet. C’est du bel et grand œuvre — je l’ai déjà dit, je sais, et on ne le dira jamais assez.

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