Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

Filtré pour vous : L'actualité politique et intellectuelle

#André Gide #Folio #Gallimard #Simon Leys

Mariage (pour tous)

Publié le 24 janvier 2013 par

Simon Leys rappelle dans un petit essai que l’écrivain André Gide, auteur de  » Familles, je vous hais ! », a déjà expérimenté le mariage et la famille pour tous : en toute bonne bourgeoisie

A l’heure où les anti et les pro mariage pour tous arpentent les avenues de la protestation et les boulevards d’une nouvelle norme sociale, il n’est pas inutile de stationner sur un article signé Simon Leys et publié dans son essai réédité, Protée et autres essais (Folio, 2001, 2012). Espiègle, amusé, érudit, le célèbre sinologue ( et sous-estimé critique littéraire ) visite ici quelques monuments tels Victor Hugo, Don Quichotte et pour ce qui nous intéresse, Alain Gide (1869-1951 ), l’auteur du fameux « Familles, je vous hais » dans Les Nourritures terrestres. L’écrivain homosexuel a eu une fille, mise en silhouette discrète dans ses écrits et ses journaux.

Elle s’appelle Catherine et est née en 1923. Elle n’est pas la fille du couple marié, André et Madeleine Gide. Madeleine est la cousine d’André, soit la nièce de sa mère chérie et la personne qui, de l’avis même de Gide, lui ressemblait le plus. Le mariage fut bourgeois, les deux tourtereaux étant de très riches héritiers, mais il n’a jamais été consommé. Gide notera que « sa mère avait fini par se confondre avec sa femme, de façon subtile et quasi mystique. »
motquibouge.gif Ce n’est donc pas avec Madeleine que l’écrivain a eu une fille. La mère de son enfant si discrète s’appellait Elisabeth Van Rysselberghe (1890-1980). Elle regretta bruyamment toute sa vie de ne pas en avoir eu de son premier amant, le poète Rupert Brooke. Ensuite, elle se crut enceinte de son second amant, Marc Allégret qui était aussi par ailleurs l’amant d’André Gide. Gide connaît Elisabeth grâce à sa mère, Maria van Rysselberghe, grande amie toute sa vie de l’écrivain qu’il surnommait « La Petite Dame ». A La Petite Dame, pressentie grand-mère, Gide qui se conçoit une soudaine parenté ou coproduction avec son amant, s’ écria :  » Ah ! Chère amie, nous sommes en train de rendre possible une nouvelle humanité. Il faut que cet enfant soit beau. » Mais fausse nouvelle, fausses couches. A la jeune Elisabeth, Gide avait quelques années auparavant déjà, témoigné toute son affection en ces termes : « Je n’aimerai jamais d’amour qu’une seule femme (Madeleine) et je ne puis avoir de vrais désirs que pour les jeunes garçons. Mais je me résigne mal à te voir sans enfant et n’en pas avoir moi-même. »
andre_catherinegide.gif Gide et sa fille

Finalement, c’est en 1922, que l’écrivain, sur une plage, dans la douceur méditerranéenne, retrouva avec Elisabeth  » toute la liberté qui favorise les dispositions amoureuses« . Puis le jeune père non déclaré suit de très loin l’évolution de sa fille Catherine. Gide ne trouve rien à redire au mariage d’Elisabeth avec l’écrivain Pierre Herbart, son cadet de quinze ans et étant de toute façon « plus intéressé par les individus de son propre sexe. » Il connait bien ce jeune homme rencontré dans la maison de Cocteau et qui par la suite, a été son factotum. Finalement André Gide annonce à Catherine, alors âgée de 13 ans, qu’il est son vrai père et insiste bien sur la chance qu’elle a d’être pourvue de deux papas : « je suis certain que tu ne te rends pas assez compte de la rareté qu’est la bonne entente de notre groupe, tu crois peut-être que dans les autres familles c’est toujours comme ça. » La fille en concevra elle des rapports beaucoup plus compliqués avec cette filiation, à en croire les témoignages de son principal confident, l’écrivain Roger-Martin du Gard.

 » Je n’aimerai jamais d’amour qu’une seule femme (Madeleine) et je ne puis avoir de vrais désirs que pour les jeunes garçons. Mais je me résigne mal à te voir sans enfant et n’en pas avoir moi-même  » (André Gide à Elisabeth Van Rysselberghe )

Transformation spectaculaire : Après-guerre, le père André Gide devient un aïeul heu-reux. « En 1945, Catherine donna le jour à une fille, Isabelle. Gide fut ravi de se trouver grand-père » note Simon Leys. La fille de l’écrivain se marie un an plus tard avec Jean Lambert, jeune universitaire spécialiste de la littérature allemande. Le couple aura encore trois enfants. Gide se plut beaucoup dans la compagnie du couple, au point de l’ accompagner en voyage à travers la Suisse et l’Italie. Même si l’honorable grand-père inquiète quelque peu ses compagnons de voyage, car, écrit Leys, «  la façon obsessionnelle avec laquelle le vieillard pourchassait partout les petits garçons devint affreusement incontrôlable et fut une source d’inquiétude pour les voyageurs. » Si en France, la célébrité de Gide et de son Nobel de littérature constitue un talisman de protection, les policiers à l’étranger pourraient se montrer moins indulgents pour l’écrivain scandaleux. Reste qu’au fil des années, l’auteur transgressif de « Familles, je vous hais ! » trouve du goût à cette étrange tribu qui, puissance normative, ressemble de plus en plus à une véritable famille bourgeoise. Les intimes de l’écrivain constatent chez lui une étonnante et bonne humeur constante lorsqu’il se trouve parmi les siens, que la famille est au complet au moment des fêtes de famille et des réveillons.

Je m'abonne ! Partage Twitter Partage Facebook Imprimer

Laisser un commentaire

Ce site web utilise ses propres cookies et ceux de tiers pour son bon fonctionnement et à des fins d analyse. En cliquant sur le bouton Accepter, vous acceptez l utilisation de ces technologies et le traitement de vos données à ces fins. Vous pouvez consulter notre politique en matière de cookies.   
Privacidad