Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Carton man #Genre #Hanna Rosin #Plastic girl

Hanna Rosin : Plastic Woman contre Carton Man

Publié le 9 février 2013 par

 » Les hommes sont désormais des boulets.  » Plus qu’un caillou, c’est un rocher que la journaliste féministe américaine a jeté dans la mare en publiant son ouvrage «  The end of men  », qui vient d’être traduit en français

influenceurs_250.gif«  Les boulets, désormais, ce sont les hommes.  » Le ton parait souvent péremptoire. Le style, d’un journalisme abrupt. Hanna Rosin a probablement crispé bien des hommes, mais aussi, et surtout des féministes qui n’ont pas manqué de lui reprocher d’annoncer la fin de leur combat. Pourtant l’ouvrage, flanqué d’une bibliographie plus que respectable, nous invite à la nuance. Oui, Hanna Rosin est féministe. Non, elle ne voue pas une haine définitive à l’endroit des hommes. Malgré le titre de son ouvrage, non, elle ne nous annonce pas tout à fait la fin de leur genre. Mais elle décèle les premiers signes, nombreux et exponentiels, de l’avènement d’une ère plus féminine. Une bataille du genre au XXIe siècle est en train de s’engager opposant les «  Carton man  » aux«  Plastic woman  », une lutte d’influence dans laquelle les hommes traditionnels déjà en voie de disparition devraient voir leur effacement s’accélérer.

 » De leur virilité il ne leur reste plus que les gadgets : jeans sales, grosses bagnoles, couteaux suisses, superhéros  »
( Hanna Rosen in La Fin des hommes)

L’accélérateur ? La crise économique. En 2009 aux Etats-Unis, l’équilibre de l’emploi a penché en faveur des femmes, qui occupent désormais plus de la moitié des postes. «  Les hommes bénéficiaient jadis d’un avantage numérique et physique, mais l’économie post-industrielle n’a que faire des muscles.  » Les hommes, et notamment ceux qui travaillaient dans le secteur industriel s’étant effondré, seraient désormais «  out  ». L’homme moderne : un «  carton man  », selon la journaliste. Il «  reste égal à lui-même. Son mode de vie et ses perspectives d’avenir n’ont pas évolué. (…) Ils ont perdu tous leurs repères et n’ont pas su en trouver d’autres. De leur virilité il ne leur reste plus que les gadgets : jeans sales, grosses bagnoles, couteaux suisses, superhéros (…).  » Face à lui, la « plastic woman est animée d’une ambition impérialiste  ». Elle assume carrière, s’adapte à la nouvelle économie, et garde (sans doute trop) la main sur le foyer et l’éducation des enfants. Cette Wonder Woman répugne à se marier, notamment lorsqu’elle fait partie des classes moyennes, puisque finalement l’homme lui apparaît inutile, voire encombrant, en tout cas vraiment pas à la hauteur.

Bien sûr, à première vue, le tableau est un peu simpliste. Mais Hanna Rosin s’appuie sur de nombreuses études, enquêtes, articles, observations et reportages, autant de signes qui vont dans le sens de sa thèse. Les femmes réussissent davantage que les hommes dans leurs études, elles accèdent petit à petit aux postes de responsabilité, même si elles restent toujours bloquées par un plafond de verre coriace… Bref, leur émancipation serait d’autant plus facilitée par la crise économique, qu’elles seraient, de par leur éducation notamment, plus adaptables et flexibles que les hommes. Autant de qualités indispensables à la survie dans notre économie moderne.

Le goût impérialiste des Plastic Women

Si son ouvrage s’inspire en grande partie de la société des Etats-Unis, elle garde un œil sur les évolutions qui commencent à se manifester un peu partout dans le monde. Par exemple, elle dédie l’un de ses chapitre à la Corée du Sud, une société très patriarcale, où les femmes tendent à concurrencer de plus en plus les hommes, malgré la pression sociale. Ailleurs, en Inde, elles apprendraient l’anglais beaucoup plus vite que les hommes, dans la visée de trouver un emploi. En Chine, les femmes d’affaires dirigent en 2013 plus de 40% des entreprises privées. En Islande, Johanna Sigurdardottir, par ailleurs lesbienne, est devenue chef du gouvernement en 2009 et a souhaité la fin de «  l’ ère de la testostérone  », considérant l’élite masculine comme étant responsable de l’effondrement du système bancaire…

Les hommes, responsables de la crise financière, puis économique, et donc responsables de leur propre perte à en croire Hanna Rosin ? Pas impossible, du moins selon certaines études. En 2001, deux chercheurs de Californie ont montré, après l’explosion de la bulle Internet, que les investissements des hommes célibataires étaient supérieurs de 67% à ceux des femmes célibataires. Une «  arrogance  » qui augmenterait «  la prise de risque  » et ferait «  chuter les bénéfices  ». Finalement, la crise des subprimes ne serait pas du fait des femmes. «  Les qualités jusqu’alors célébrées par la Bourse (réactivité, confiance en soi) sont devenues des vices. Parallèlement, des traits de caractère traditionnellement associés au sexe faible (hésitation, demande de conseils) se sont avérés indispensables à sa survie. (…) l’irrationnel et l’émotionnel, c’est le domaine des hommes ; le sang-froid et la lucidité, celui des femmes.  » Rencontre avec Hanna Rosin, de passage à Paris.

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Les Influences : Dans votre essai-enquête, vous affirmez que l’économie actuelle pousse les femmes à prendre le dessus et à moins se marier. Est-ce la fin d’une ère de la domination masculine ?

Hannah Rosen :  » Oui. L’une des raisons pour lesquelles j’ai voulu écrire ce livre, c’est que j’ai réalisé à quel point ce phénomène pouvait avoir des répercutions sur les relations personnelles. Cependant, la fin du mariage ne signifie pas la fin des relations amoureuses. Cela peut l’être, si vous êtes conservateur et que vous refusez un autre type de relations. La principale différence aujourd’hui est que l’homme n’est plus celui qui décide au sein de la famille… J’ai d’ailleurs choisi d’évoquer Alexander City en Alabama, une région réputée comme étant très conservatrice et basée sur le patriarcat, où l’on considérait encore récemment que le père était le vrai chef de famille. Mais l’effondrement de leur économie locale due à la délocalisation de l’usine de textile qui embauchait de nombreux hommes, les familles se sont adaptées. Donc même dans les recoins les plus conservateurs des Etats-Unis, l’homme est de moins en moins perçu comme étant le chef de famille.

Votre titre «  The end of men  » est volontairement provocateur… Mais vous émettez dans votre conclusion, l’hypothèse que ce n’est peut-être qu’une étape. Les hommes pourraient donc, finalement, s’adapter à cette nouvelle donne ?

En effet. La première chose à laquelle j’ai pensé en écrivant ce livre c’est : l’économie a changé et les femmes réussissent de plus en plus… Est-ce parce qu’elles sont, par nature, plus adaptées à cette économie ? J’ai donc beaucoup lu à ce propos… Mais cela ne me paraissait pas très convaincant. En fait, s’il y a bien des éléments naturels, nous changeons ! Et c’est la même chose pour les hommes. Les femmes se sont adaptées et ont avancé… donc j’imagine que les hommes peuvent le faire également. Par exemple après la Seconde guerre mondiale aux Etats-Unis, ils étaient très flexibles. Ils se démenaient pour trouver des emplois après leur retour du front. Les circonstances faisaient qu’ils étaient très flexibles. Aujourd’hui, il y a de plus en plus d’hommes qui prennent soin de leurs enfants, par exemple. La société essaie de les rendre plus flexibles, et ils sont de plus en plus nombreux à s’occuper de leurs enfants. On peut donc penser qu’ils s’efforcent déjà de s’adapter.

«  Les personnes qui ne détiennent pas le pouvoir ont plus de chances d’être adaptables et flexibles  »

Vous écrivez d’ailleurs que la raison pour laquelle les femmes sont actuellement plus flexibles que les hommes, c’est parce qu’elles ont, historiquement, davantage élevé les enfants…

C’est en partie cela, et aussi parce qu’elles ont été opprimées. Je pense que les personnes qui ne détiennent pas le pouvoir ont plus de chances d’être adaptables et flexibles. C’est la nature des choses. Ceux qui sont au sommet n’ont aucune raison de l’être ! Mais à l’heure où les technologies peuvent créer ou détruire un emploi en l’espace de quelques secondes… Il est difficile de faire des prévisions. Ce que les économistes conseillent d’ailleurs, dans notre économie actuelle, c’est d’être flexibles, prêts, ouverts à tout type d’emploi que nous réserve l’avenir.

Votre description de la «  plastic woman  » est que c’est une femme qui non seulement travaille, et gravit petit à petit les échelons, mais ne lâche en rien leur prise sur l’espace domestique. Serait-elle donc «  condamnée  » à s’occuper davantage des enfants ?

Non (sourire). Je pense qu’il eut y avoir une plus ou moins fine cloison entre le rôle qu’un homme, ou une femme, est supposé remplir. Et elle devient de plus en plus fine… J’ai l’impression que chez vous, en France, d’un côté le gouvernement aide beaucoup les femmes qui travaillent, et que de l’autre, vous devez avoir une conception assez rigide de ce qu’un homme, et de ce qu’une femme, doit faire. Aux Etats-Unis, c’est l’opposé : nous sommes plus souples sur ces rôles, mais l’Etat n’aide absolument pas les femmes qui travaillent. En Suède par contre, on encourage davantage les hommes à prendre des congés paternité. Les choses commencent à changer… Mais les femmes doivent également déterminer ce qu’elles veulent réellement.

Comment les femmes parviennent-elles à se dégager de l’emprise forte de leurs influences et comportement, sans jouer contre elles-mêmes ?

Ca commence à changer. Il y a par exemple une série qui est diffusée depuis peu aux Etats-Unis où les hommes élèvent les enfants, et parmi lesquels l’un est père au foyer… Et les hommes restent «  sexy  » et attirants pour leurs femmes. Et c’est totalement nouveau. Tout n’est bien entendu pas encore résolu, mais c’est un début intéressant. Car cela doit changer. Aujourd’hui, les femmes pensent qu’elles peuvent tout gérer. Mais c’est sans doute trop ! Elles ne sont pas plus heureuses qu’avant… Justement parce qu’elles font beaucoup plus qu’avant.

«  J’ai été surprise de recevoir plus de critiques de la part des femmes que celle des hommes  »

Votre livre paru aux Etats-Unis en septembre dernier, a reçu de nombreuses critiques, de la part des féministes comme de la part des hommes. Comment les avez-vous vécues ?

A vrai dire, j’en ai reçu beaucoup plus de la part des féministes ! Mais je crois que les hommes étaient heureux de profiter de cet «  espace de discussion  ». Ils ressentent que les choses sont en train de changer, mais s’interrogent beaucoup. Concernant les femmes, j’ai eu deux types de réponses : certaines ne se sentaient pas du tout concernées, dans leur propre vie, par le titre «  la fin des hommes  »… Ce que je peux comprendre. Et il y a une autre réponse : plus politique, automatique et extrême, qui victimise systématiquement les femmes… Mais l’Histoire ne va pas que dans un sens. Dans certains endroits, les femmes sont encore des victimes certes, par exemple dans certains réseaux de prostitution… Dans d’autres, les femmes, sans être nécessairement féministes, ont beaucoup de pouvoir. Donc on ne peut pas dire qu’il n’y a qu’une seule version de l’Histoire.

L’émancipation réelle de ces Plastic Women ne risque t-elle pas de mettre dans l’ombre d’autres femmes au statut précarisé, et sans doute plus nombreuses ?

Je pense que vous avez raison… Mais mon livre montre autre chose. Finalement, dans le cas de ces femmes, baby-sitters ou femmes de ménage, on constate que généralement leur mari ne travaille pas. Elles n’ont pas une vie facile, et ce n’est pas un triomphe féministe, mais on constate la même chose. Que ce sont elles qui prennent les choses en mains, qui travaillent. Quant aux plus diplômées et/ou privilégiées, elles progressent, occupent des postes de plus en plus importants, mais elles n’atteignent tout de même pas les plus haut sommets. C’est là que les femmes ne parviennent toujours pas à faire de réels progrès..
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Vous évoquez également, aux Etats-Unis, le fait que les filles, puis femmes, réussissent finalement mieux aujourd’hui que les hommes dans les études… Mais ne peut-on pas redouter qu’elles aussi s’insèrent dans un jeu de conformité et de conservatisme de réseau ?

En effet, et c’est un problème. Les raisons pour lesquelles elles réussissent mieux à l’école sont les mêmes que celles qui expliquent pourquoi elles réussissent moins bien ensuite. J’explique dans l’un de mes chapitres comment les femmes négocient leur salaire. A l’école, elles écoutent davantage, sont mieux organisées… Mais ensuite, quand elles doivent se défendre et demander une augmentation, elles éprouvent toujours, la plupart du temps, plus de difficultés que les hommes.

Une dernière question : Et si demain les hommes disparaissaient vraiment, que regretteriez-vous chez eux ?

Je ne veux définitivement pas cela ! Mais bon, en imaginant que ça soit le cas : qu’est-ce que nous pourrions regretter chez eux… à part le sexe ? Il n’est pas évident de dire ce qui est typiquement masculin ou féminin… Mais il y a peut-être une chose ennuyeuse avec les femmes, c’est qu’elles prennent souvent en compte toutes les opinions… Alors que des personnes comme Bill Gates, ou Steve Jobs, n’ont pas terminé leurs études justement parce qu’ils n’ont écouté personne. Donc je pense qu’il peut être utile à la société parfois d’ignorer les gens. (Sourire) Je cherche autre chose… L’idée semble terrible !

Ce serait également la fin du féminisme ?

(Sourire) C’est vrai ! … Et puis qui monterait mes meubles chez moi ? (Rires) Avez-vous déjà travaillé dans un endroit où il n’y a que des femmes… ? (Sourire) Voilà. Un monde uniquement composé de femmes ne me paraît pas être un endroit idéal… J’apprécie vraiment les hommes (Long silence) Je réfléchis à ce que mes fils font spécifiquement, mais je ne sais pas si c’est généralisable… Ma fille peut parfois être vraiment méchante, exprès. Mes fils non. Quand ils ont un problème, ils le disent, et c’est fini. Ca ne dure pas des jours. Oui voilà peut-être quelque chose qui me manquerait chez les hommes : pouvoir leur dire quelque chose en face, sans craindre les rancunes.  »

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